Quand l’imagination s’empare du pouvoir l’intelligence fuit
Par Mesloub Khider – Dans cette longue période de la vacance présidentielle appelée à se perpétuer du fait de la maladie maintenant étendue à tout le pouvoir affecté par une attaque de panique caractérisée par une forte crise d’angoisse associée à une impression de catastrophe et de mort imminente, assortie d’une sensation de perdre le contrôle de son gouvernail, sur fond d’une déréalisation et d’une sidération gouvernementale provoquées par l’éruption explosive du peuple dans la vie politique exprimée de façon combative dans la Rue, l’imagination grabataire de nos dirigeants «juvéniles» ne chôme pas. Elle semble même s’emballer. Tant sa créativité ne cesse de nous surprendre.
Virtuose inventivité ministérielle jaillie de l’incompétente tête du pouvoir menacé de décapitation politique par la Rue, la promulgation, au début du hirak, de l’arrêté ordonnant la fermeture anticipée des universités. Ainsi, pour désapprendre aux étudiants leur dernière discipline universelle créée par leur débordante imagination subversive, la lutte, imprévue au programme officiel, le régime avait décidé de leur infliger une punition exemplaire par leur mise en vacances scolaires anticipées.
A croire que ces dirigeants, gérontes gâteux au pouvoir gâté, vivent dans un monde imaginaire. De là s’explique leur croyance magique de pouvoir plier la réalité à leur caprice. Nos cacochymes confondent principe de réalité et principe de plaisir.
Ces membres séniles d’un régime stérile, à force de n’avoir côtoyé que les cimes du pouvoir, ont fini par perdre le sens de la réalité. A trop tutoyer le ciel du pouvoir, ils ont fini par perdre le sens de la gravitation. Gare à la chute finale ! A la lutte finale.
Aussi, au lieu de donner congé à leur pouvoir moribond, il donnait des congés à la jeunesse estudiantine algérienne pétulante de santé combative. Cette force vive de la nation algérienne. Cette jeunesse intelligente et fougueuse appelée à sauver le pays miné par la sénescence gouvernementale, ruiné par la corruption politique et économique, épuisé par l’oppression et l’exploitation de la classe dominante.
De toute évidence, à trop s’être hissés longtemps au sommet de la voûte politique et économique, ils croient que leur puissance est éternelle. L’impuissance est le propre du gouvernant, incapable d’assurer son existence sans violence. Sans connivence. Sans finance. Mais encerclé constamment par la résistance. Cette résistance de la masse opprimée silencieuse mais toujours animée d’esprit de désobéissance, de dissidence et, surtout, de révolte momentanément mis en vacance. La révolte du peuple ne prend jamais de vacances. Telle une taupe, elle continue, en période d’accalmie feinte, à travailler son œuvre d’éruption.
Pour perpétuer leur domination, face au soulèvement populaire, nos dirigeants éclairés par les ténèbres s’attaquent maintenant à l’intelligence. Au savoir. A la connaissance. A l’université. Plus précisément, à ses turbulents et virulents élèves. Ces étudiants «mal élevés» qui, au lieu d’étudier studieusement leurs leçons dans les amphithéâtres, préfèrent prendre des cours de révoltes dans la Rue. Aussi, pour parer à ces apprentissages dérangeants et révoltants, imprévus dans le programme du gouvernement algérien gérant les universités comme une épicerie familiale, le ministre de la Rééducation morale et civique de la jeunesse estudiantine algérienne désobéissante, avait pris une résolution radicale : mettre en congé anticipé les étudiants, ces fers de lance de la contestation, afin de les dissuader de participer massivement au mouvement de révolte.
Ainsi, par cette décision punitive draconienne, le gouvernement croyait pouvoir ramener le calme dans sa classe dirigeante conspuée et éreintée, pour sa classe dominante bousculée actuellement par le peuple laborieux algérien trop remuant et agité, surtout impatient de basculer ces clans rentiers parasitaires dans les poubelles de l’histoire.
Trop tard. Les Algériens ne se considèrent plus comme de petits élèves obéissants aux maîtres du pouvoir. Ils ont obtenu leur diplôme ès Révolte. Et ils affermissent quotidiennement leurs connaissances en matière d’émancipation politique et sociale. Ils commencent même à devenir des experts, à l’instar de leurs devanciers de 1954, en matière de lutte. Rien n’arrête leur soif d’apprentissage de la lutte de la Rue, de la combativité contre la tyrannie, ces authentiques cours de la vie politique collective accomplis dans une mixité joyeuse.
M. K.
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