Gaïd-Salah ordonne à Zeghmati d’aller «jusqu’au bout» dans l’abus de pouvoir
Par Abdelkader S. – «Il faut aller jusqu’au bout !» a ordonné le vice-ministre de la Défense au garde des Sceaux, en direct, lors de la cérémonie organisée par le pouvoir à l’occasion du 1er Novembre. Le général Gaïd-Salah s’adressait à un ministre discipliné qui répondait par un «oui» intimidé devant un chef de l’armée occupant ostensiblement le premier rang dans le protocole hiérarchique au Palais «du peuple».
L’omnipotent général octogénaire a révélé au grand jour la mainmise de l’état-major de l’armée sur l’appareil judiciaire et effacé, en une séquence filmée en direct d’à peine quelques secondes et en cinq mots, toutes ses déclarations précédentes dans lesquelles il répétait à tue-tête, sans jamais convaincre, que «l’armée n’interfère pas dans le travail de la justice».
La preuve en a été donnée à l’occasion d’une cérémonie fermée qui a regroupé les symboles du système Bouteflika pendant que des millions de citoyens manifestaient à travers tout le pays pour leur départ immédiat et inconditionnel et exprimaient leur rejet catégorique de la mascarade électorale concoctée par l’état-major de l’armée pour installer un président soumis issu de la matrice du régime.
Le ministre de la Justice vient donc de recevoir l’ordre de persévérer dans la violation des lois de la République et de poursuivre la purge décidée par les tenants du pouvoir réel pour s’assurer une loyauté totale des juges jusqu’aux élections présidentielles et se prémunir de toute poursuite judiciaire, en maintenant la domination de l’Exécutif sur ce pouvoir qui n’a jamais réellement exercé ses attributions constitutionnelles.
Le très maladroit général Gaïd-Salah n’a fait, en réalité, que «dégrader» Belkacem Zeghmati, qui ne pourra plus se prévaloir d’une quelconque liberté d’action. Le chef d’état-major vient de confirmer le contraire et, par là même, de conforter les magistrats qui, par un sursaut d’orgueil, ont décidé de défier le ministre – une première – et de défendre leurs intérêts, tout en conférant à leur mouvement de protestation une coloration politique au regard de la révolte pacifique qui monte en puissance de semaine en semaine, jusqu’à atteindre son apogée ce vendredi 1er novembre.
Il ne reste à Belkacem Zeghmati qu’à déposer sa démission pour laver l’affront qui lui a été fait en recevant un ordre en public d’un responsable hiérarchiquement inférieur, Gaïd-Salah n’étant que vice-ministre. En aura-t-il le courage ? Rien n’est moins sûr.
A. S.
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