Rien ne va plus entre Rome et le gouvernement de Fayez Al-Sarraj
Se livrant depuis une dizaine d’années une guerre avec la France au sujet de la Libye, précisément depuis «sa libération» en 2011, l’Italie tarde depuis à pacifier son ancien allié et à sécuriser son voisinage immédiat.
Rome, qui fait valoir certains atouts, et des atouts certains, dispose sur place d’un contingent d’un millier de soldats et sait que l’enjeu va bien au-delà d’un gisement pétrolier ici ou là ou d’un gazoduc à protéger.
«Il y va, nous dit un diplomate au fait du dossier, du rôle de l’Italie dans ce que l’on désigne communément par le jeu des alliances…»
Or, le drone italien qui survolait il y a quelques jours une zone au nord de Tarhouna et qui a été abattu par les forces fidèles au maréchal Khalifa Haftar et la récente visite à Paris de l’homme fort de Misrata, Ahmed Maitig, connu pourtant pour ses bonnes relations avec Rome, sont autant de signaux qui indiquent que la diplomatie italienne a du mal à se positionner entre les diverses alliances autour de ce dossier et entre les «convergences parallèles» de la crise libyenne.
D’autant que la presse italienne s’interroge de plus en plus sur les contours de cet incident de Tarhouna, qui, nous dit-on, a fortement irrité le Premier ministre, Fayez Al-Sarraj, qui, d’ailleurs, a encore moins apprécié les hésitations italiennes au sujet de la reconduction du texte du mémorandum national et les tentatives d’y apporter certaines modifications sur son volet politique et de lier certains chapitres aux conditions des centres pour migrants en Libye.
Sur ce, le ton est, semble-t-il, vite monté entre les deux capitales et les représentants libyens ont fait remarquer à leurs homologues italiens : «Sur le sort de milliers de victimes et de déplacés libyens en raison de la guerre, personne n’a jamais manifesté le moindre intérêt !»
Mais la goutte qui semble avoir fait déborder le vase entre Rome et Tripoli est l’attitude distante affichée par le nouveau ministre des Affaires étrangères, Luigi di Maio, à Washington, à l’égard de la délégation libyenne, et ce durant le Forum Security Dialogue…s on homologue Mohamed Siala et le ministre de l’Intérieur, Fathi Bashaga, habitués à plus d’empathie, n’ont eu droit à aucun aparté !
Certes, les diplomates italiens préfèrent minimiser ces revers de coulisses et rassurent quant à la stratégie à long terme de leur pays, mais il y a des indices qui vont dans une toute autre direction.
Le Med Dialogues 2019, que Rome accueillera dans les prochains jours, ne pouvait donc mieux tomber et semble arriver à point nommé pour dissiper certains malentendus, d’autant que tous les acteurs de la crise libyenne y participeront ; du président du Tchad à Sergey Lavrov et Mike Pompeo, en passant par les ministres de Turquie, du Qatar, d’Egypte, de Tunisie, d’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis, de France, d’Allemagne et d’autres encore.
Quant à l’Algérie, elle y sera représentée par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, qui saisira l’occasion pour réaffirmer les principes et les constantes de notre diplomatie, sur cette question et sur d’autres, et ne manquera pas de rappeler que la région a besoin de développement et de stabilité pour tourner, une fois pour toutes, la page de choix hasardeux qui ont engagé, hélas, l’avenir de millions de personnes.
M. R.
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