Réaction tiède d’Emmanuel Macron : crise latente entre l’Algérie et la France
Par Karim B. – La réaction tiède du Président français après l’annonce des «résultats» du vote par Mohamed Charfi, donnant Abdelmadjid Tebboune «vainqueur», était prévisible. Emmanuel Macron dit à demi-mot qu’il ne reconnaît pas la nouvelle direction politique en Algérie et le confirme, en apportant un soutien à peine voilé, mais nettement gêné, au mouvement de contestation populaire.
Paris a compris le jeu de Gaïd-Salah dès le début. Son arme pour galvaniser les foules contre Bouteflika, il l’a dégainée avant même qu’il intimât l’ordre aux institutions habilitées de faire appliquer l’article 102 par lequel il allait dégommer l’ancien maître du jeu qui devenait gênant, voire menaçant pour la sauvegarde du système. Pour discréditer le Hirak, Gaïd-Salah et ses proches collaborateurs ont, dès le départ, exhibé ostensiblement leur «animosité» envers l’ancienne puissance coloniale. Le chef d’état-major avait, d’ailleurs, planté le décor lorsqu’il avait accusé, sans le nommer, «un Etat avec lequel notre pays est lié par des liens historique» de «chercher à déstabiliser l’Algérie».
En tenant de tels propos, Gaïd-Salah annonçait déjà implicitement qu’il s’apprêtait à se retourner contre le Hirak, qui lui avait permis de se débarrasser de Bouteflika, des anciens responsables des services secrets et des hommes d’affaires qui gravitaient autour de l’ancien cercle présidentiel, lui laissant ainsi le terrain libre pour agir à sa guise jusqu’à faire «élire» le successeur de son ancien mentor par la force.
Les attaques frontales d’Abdelmadjid Tebboune contre la France participent de cette approche par laquelle les tenants du pouvoir avaient voulu profiter du rejet de l’ingérence étrangère par le Hirak pour tenter de gagner sa sympathie, en montrant que les deux protagonistes de la crise politique en Algérie partageaient au moins ce point commun. Il s’en est suivi l’apparition d’une nouvelle obédience pro-arabiste enfantée dans les laboratoires secrets des services à la solde de Gaïd-Salah, mais que les Algériens ont vite démasquée comme une tentative de diviser le Mouvement populaire et d’isoler la très frondeuse Kabylie, fer de lance du Hirak – elle l’a encore démontré ce jeudi 12 décembre.
Abdelmadjid Tebboune reprend la même rhétorique dans ce concert dont le chef d’orchestre, qui compte dans sa composition l’intérimaire de l’ONM, est Gaïd-Salah et dont le but est d’écarter tout doute sur le «patriotisme jusqu’aux tripes» des nouveaux dirigeants par opposition à la «trahison» et à la «vassalité» de leurs prédécesseurs. Une mise en scène dont la France ne semble pas apprécier qu’elle soit ainsi utilisée à des fins de politique intérieure, surtout que personne n’ignore qui roule pour qui.
K. B.
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