Quand Ferhat Abbas «expliquait» la crise algérienne actuelle il y a 40 ans
Par Abdelkader S. – Il serait faux de croire que la crise politique profonde que traverse l’Algérie en ce moment soit née du cinquième mandat avorté de Bouteflika et du coup d’Etat déguisé de Gaïd Salah. Ses origines sont bien plus anciennes et sont antérieures même à l’indépendance.
Dans une interview qu’il avait accordée à la chaîne publique française Antenne 2 en octobre 1980, le premier président de l’Assemblée constituante, Ferhat Abbas, rappelait comment il avait été «placé à la tête du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en septembre 1956 sans le demander, parce que les anciens dirigeants qui avaient provoqué l’insurrection n’étaient pas d’accord entre eux».
«Ces dissensions, c’était un grand drame. En réalité, la Guerre d’Algérie, c’est le paysan, c’est l’ALN qui l’a faite. Les chefs, surtout lorsqu’ils avaient quitté l’intérieur, ne pouvaient rien. Le combat était mené par les chefs qui étaient à la tête des Wilayas (historiques, ndlr). D’ailleurs, notre mission à l’extérieur, la mienne en particulier, consistait à trouver de l’argent, des armes et faire de l’information et de la propagande», avait souligné Ferhat Abbas.
L’auteur de L’indépendance confisquée a expliqué qu’il avait quitté sa fonction parce que, avait-il averti, «la Constitution qu’on prépare au peuple algérien est une Constitution totalitaire». Et de confier : «J’ai été arrêté par les Français et par les Algériens, c’est à croire qu’on a toujours tort d’avoir raison». «Si les circonstances étaient tout autres, peut-être que ma thèse aurait prévalu, mais les impondérables dépendent de Dieu et ne dépendent pas des hommes», regrettait Ferhat Abbas, en indiquant que «l’heure des modérés n’a jamais sonné» en Algérie et qu’il ne savait pas s’il «elle sonnerait un jour».
«J’étais partisan que l’Algérie devait avoir une province musulmane et que la culture française nous permettait de coexister avec le christianisme et du judaïsme et d’échapper à l’héritage du Moyen-âge, des Croisades, des luttes religieuses. Ma lutte a consisté à concilier les trois religions monothéistes et de faire coexister les races diverses en Algérie à la condition de respecter l’islam», avait soutenu Ferhat Abbas, convaincu que «la Guerre d’Algérie n’aurait jamais dû avoir lieu». «L’Algérie aurait eu une indépendance multiraciale. Les Français d’Algérie étaient déjà des Algériens au même titre que nous», avait-il expliqué, en ajoutant que «les Pieds noirs auraient pu rester en Algérie après 1962 mais je ne pardonnerai jamais à l’OAS d’avoir existé».
«L’Algérie est un pays à construire [car] il reste beaucoup de choses à faire», constatait, enfin, Ferhat Abbas, il y a quarante ans de cela.
A. S.
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