Le truand, la brute et nous les crédules
Par Mesloub Khider – La guerre des gangs a été déclarée. Ou plutôt la guerre du gag du siècle. Dans le désert oriental, le truand américain et la brute perse ont joué aux cow-boys. Enfourchant leur cheval de bataille rituel harnaché des sempiternelles sommations comminatoires, les deux protagonistes, prétendument antagonistes, se sont agonisés à coups d’ogives verbales mais jamais létales. Le dernier duel livré entre les deux cow-boys, mené à l’abri des regards indiscrets, encore une fois de nuit comme lors de l’exécution du général Ghassem Soleimani sacrifié sur l’autel des intérêts du capital irano-americain, à l’heure où l’humble humanité dort en paix, a tenu toutes ses promesses en matière d’affrontements meurtriers. On allait voir ce qu’on allait voir ! Des représailles apocalyptiques. Un duel sanglant, saignant. Une guerre exterminatrice.
L’Iran aurait ainsi lancé des missiles depuis Téhéran contre deux bases militaires américaines stationnées en Irak. L’Iran, depuis son territoire, a déclaré avoir dénombré, après un comptage opéré furtivement en pleine nuit par ses gardiens de la révolution technologique (pardon, théologique), 80 morts (non pas 78 ou 79, mais le chiffre rond, comme la cible, de 80).
L’Irak, où sont parquées les bases militaires américaines, a déclaré n’avoir à déplorer aucune victime irakienne. Le Canada a déclaré n’avoir à déplorer aucune victime canadienne. Trump, président des Etats-Unis, a déclaré de son côté n’avoir à déplorer aucune victime américaine.
Et nous, simples spectateurs de ces mascarades guerrières, dindons de la farce de frappe médiatique, nous déplorons être victimes de massacres informationnelles, de carnages journalistiques, et déclarons avoir subi des missiles de propagandes étatiques. Mais, Dieu merci, nous sommes indemnes. Car nous sommes immunisés contre l’imposture médiatique.
Assurément, lors de cette opération de représailles annoncée à grand renforts de publicité sur toutes les chaînes de télévision du monde, par le régime des mollahs, relayée par tous les imams des mosquées perses lors de leurs prêches incendiaires, les Américains ont été effroyablement surpris par la sanglante attaque nocturne iranienne.
D’autant que les autorités irakiennes, affidées des Etats-Unis, avaient été, en bonne et due forme diplomatique, informées, plusieurs heures avant le début de l’opération militaire, de l’imminence du lancement nocturne des missiles iraniens sur des bases abritant des soldats américains. Ainsi, en gentlemen respectueux de la vie humaine, des règles de la guerre, les mollahs ont diplomatiquement avisé le pouvoir irakien de leur intention de lancer une batterie de missiles contre les Américains stationnés en Irak. Cet avertissement ubuesque a certainement paralysé les autorités irakiennes, surprises par la politesse diplomatique iranienne, au point de les avoir empêchées d’user de leurs armes de défense antimissile et d’alerter les Américains afin de leur permettre de mobiliser leurs forces en vue de neutraliser les missiles iraniens. Cette étourderie irakienne a laissé le terrain libre aux missiles iraniens. Ou plutôt le ciel ouvert aux armes iraniennes qui ont survolé sans inquiétude le territoire de l’Irak.
Cette absence de réaction militaire a coûté cher aux troupes américaines qui ont perdu, selon les pasdarans, ces paramilitaires idéologiques de la République islamique, réputés pour leur probité morale et honnêteté intellectuelle, 80 soldats. 80 soldats aussitôt, selon le rite du pays hôte musulman, ensevelis sous le sable. Ni vu ni connu. Loin des caméras et de leurs familles. Sans sépulture ni hommage national. Comme de vulgaires «terroristes» abandonnés par leur pays, comme la France a lâché ses djihadistes en Syrie et en Irak.
En tout état de cause, la réaction de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. En homme de paix, dépourvu d’esprit vindicatif, absolument pas rancunier, en dépit du massacre des 80 soldats américains, il a déclaré œuvrer à la politique de désescalade des tensions en assurant que son pays ne «voulait pas utiliser» son équipement militaire et que l’Amérique était «prête à faire la paix».
Ainsi, le truand américain se révèle être un homme de paix, absolument pas enclin à venger la mort de ses 80 soldats américains massacrés par l’Iran. La brute perse, un grand soldat doté d’une farce de destruction massive exceptionnelle, estime avoir rempli son devoir de vengeance et a proclamé renoncer à poursuivre le massacre des soldats américains fantomatiques sur le sol irakien. Et nous, les crédules, au milieu du spectacle, comment devrions-nous qualifier notre attitude ?
M. K.
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