L’Italie sur le conflit libyen : «Ecarter l’Algérie serait une grave erreur !»
De Rome, Mourad R. – Après une longue phase d’attentisme, doublée d’un «marquage» strict des desseins français en Libye, l’Italie semble avoir pris acte des risques de déflagration menaçant ce pays et, depuis quelques heures, multiplie les signaux vis-à-vis des belligérants pour un rapide retour à la voie diplomatique.
Le président du Conseil Giuseppe Conte a reçu, hier dans la soirée, Khalifa Haftar pour des entretiens de la plus haute importance, nous dit-on à Rome. De son côté, le chef de la diplomatie, Luigi Di Maio, qui était hier à Istanbul pour un entretien avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu et pour essayer de convaincre Recep Tayyip Erdogan de surseoir à sa décision d’envoyer des troupes en Tripolitaine, a fait également escale au Caire pour jauger la position du camp adverse, celle soutenant l’avancée des forces basées en Cyrénaïque. Il s’est rendu à Alger ce mercredi soir pour rencontrer son homologue Sabri Boukadoum et tenter de parrainer une initiative conjointe à même de ramener le calme dans ce pays.
La mission italienne, qui se veut complémentaire des efforts déployés par la diplomatie algérienne en vue d’un cessez-le feu immédiat et d’un retrait des troupes de Khalifa Haftar de la ville de Sirte, a pour but d’obtenir une fin de non-recevoir de la communauté internationale à la solution militaire, nous dit un expert au fait du dossier, une posture prônée en revanche par Paris, Le Caire, Abou Dhabi et Riyad.
A cet effet, Luigi Di Maio a maintes fois fustigé, en les nommant, ces pays qui ont exclu des derniers pourparlers en Allemagne, des pays aussi influents que la Tunisie et surtout l’Algérie, en vue d’une solution politique, d’où la décision juste, selon Di Maio, prise par la chancelière Angela Merkel d’inviter le président algérien Abdelmadjid Tebboune à la prochaine rencontre de Berlin et ce, pour réorienter de manière claire le cheminement à suivre.
Sur ce point précis, le constat fait par le ministre des Affaires étrangères italien est assez sévère et pointe du doigt les aventures hasardeuses de certaines capitales : «Sur ce dossier et sur d’autres, à commencer par la guerre de 2011, il y a eu des erreurs tragiques que nous devons éviter de répéter. Tant de vies sacrifiées, civiles et militaires, des attaques terroristes, des milliers de désespérés qui n’ont pas choisi de fuir leurs pays et que l’Italie n’a pas les moyens de gérer. Nous devons tourner la page du passé et œuvrer à une région pacifiée et prospère», a-t-il insisté.
Pour ce faire, Rome compte beaucoup sur Alger et son attachement à un retour rapide à la voie négociée et souhaite que le ballet diplomatique de ces dernières heures aboutisse rapidement à une décantation sur le terrain, même si la décision prise hier in extremis par Fayez Al-Sarraj d’annuler son escale à Rome a rappelé aux tenants du dossier libyen que la nature ayant horreur du vide, tôt ou tard, d’autres acteurs se décideront de le combler, au grand dam des pays du voisinage immédiat.
L’appel à un cessez-le feu lancé hier par Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan et qui devra prendre effet ce dimanche 12 janvier, serait une synthèse des efforts de ces derniers jours et renvoie aux bons offices de la diplomatie algérienne, en espérant, cette fois, contourner les nuisances de certaines officines, en imposant une fois pour toutes la voie politique, elle-même basée sur la légalité internationale.
M. R.
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