Intrigues à la Mosquée de Paris : Hafiz convoqué par l’ambassadeur d’Algérie
Par Karim B. – Rien ne va plus à la Grande Mosquée de Paris. Le départ inattendu de Dalil Boubakeur et son remplacement au pied levé par Chems-Eddine Hafiz ont suscité des remous, et il n’est pas dit que ce transfert du pouvoir à la hussarde à la tête de cette prestigieuse institution cultuelle ne sera pas remis en cause.
En effet, Algeriepatriotique a appris de sources internes à la Mosquée de Paris que le nouveau recteur et le directeur de l’administration générale ont été convoqués par l’ambassadeur d’Algérie en France, ce mardi. Il n’est pas exclu que les deux hommes se voient remonter les bretelles pour avoir concocté la mise à la retraite forcée de Dalil Boubakeur dans le dos des autorités algériennes dont on apprend qu’elles sont très remontées et ne comptent pas laisser passer ce coup de Jarnac.
Selon nos sources, tout a commencé lorsque le rectorat a adressé une convocation aux membres de la Société des Habous, sans que l’ordre du jour principal soit mentionné, à savoir la démission du recteur. Or, celle-ci «n’est pas valable car il aurait fallu pour cela qu’il convoque une réunion extraordinaire», indiquent nos sources, qui confient que le concerné a quitté la mosquée en pleurs. Nos sources, qui évoquent carrément un «abus de faiblesse», révèlent, par ailleurs, que le directeur de l’administration générale de la Mosquée de Paris aurait validé une indemnité de départ s’élevant à 300 000 euros au profit de Dalil Boubakeur, lors d’une précédente réunion du conseil d’administration.
Il faut savoir que l’Algérie finance ce lieu de culte à hauteur de deux millions d’euros par an et que, de ce fait, elle a un droit de regard sur la gestion de la mosquée. Et, s’agissant des finances justement, nos sources soulignent que le commissaire aux comptes a présenté un bilan sans y préciser les recettes, les dépenses et le solde, les membres de la Société des Habous ayant ainsi donné leur quitus sans connaître la situation financière exacte. «Ce qui rend toute cette opération illégale», précisent nos sources, qui démentent, par ailleurs, que Chems-Eddine Hafiz ait été élu à l’unanimité. «C’est faux, objectent des membres de cette instance, huit membres étaient absents, dont l’un n’est autre que le député RND Aïssa Nekkas et qui se trouvait à Alger au moment de cette élection qui coïncidait avec le congrès de son parti.» Selon nos informations, les absents ont signé une procuration en blanc, sans mentionner le nom de celui à qui ils donnaient leur voix.
Dans le cadre des arrangements passés entre les principaux acteurs de cette succession controversée, le fils de Dalil Boubakeur aurait été désigné vice-président de la Société des Habous qui compte dans ses rangs, également, le cousin du recteur démissionnaire qui nourrissait l’espoir de lui succéder. Déçu, il aurait boycotté le repas d’adieu organisé en l’honneur de celui qui aura présidé aux destinées de la Grande Mosquée de Paris pendant vingt-huit longues années.
Il y a lieu de préciser que la majorité des membres du conseil d’administration sont des salariés de la Mosquée de Paris et ne sont donc pas indépendants.
Ce remaniement à la hâte s’expliquerait par les changements que le président Tebboune a entamés et qui allaient concerner la Mosquée de Paris. Les membres influents de cette institution auraient voulu prendre les autorités algériennes de court en les mettant ainsi devant le fait accompli, d’autant que le nouveau recteur qui a «opéré un véritable coup d’Etat», notent nos sources, était un fervent partisan des quatrième et cinquième mandats de Bouteflika. Il faut rappeler, à ce propos, que la Mosquée de Paris a été jusqu’à mobiliser des bus de Lille pour transporter des manifestants en faveur de l’ancien Président. Les Algériens qui avaient été déplacés vers la capitale française ont refusé de participer à la mascarade lorsqu’ils ont compris qu’ils avaient été dupés, croyant qu’ils allaient manifester «pour la paix en Algérie».
L’affaire de la Mosquée de Paris risque de faire couler beaucoup d’encre dans les prochains jours. Il faudra s’attendre à des rebondissements qui pourraient compromettre jusqu’à l’élection du nouveau recteur. Nous saurons ce mardi quelle sera la décision officielle des autorités algériennes qui suivent ce dossier de très près.
K. B.
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