Tebboune n’a pas réussi à convaincre le Hirak : retour à la case de départ ?
Par Nabil D. – Le nombre impressionnant de citoyens qui ont pris part au Hirak ce vendredi indique clairement qu’Abdelmadjid Tebboune aura tout le mal du monde à convaincre la rue de la justesse de sa démarche, bien qu’il ait fait quelques premiers gestes censés fournir des garanties quant à sa vision de la résolution de la crise. Les manifestations ont drainé autant de monde que lors des rendez-vous populaires hebdomadaires précédents qui coïncidaient avec des dates historiques, et étaient venus en réponse aux discours provocants de l’ancien chef d’état-major Gaïd-Salah ou pour dénoncer le passage en force d’une loi sur les hydrocarbures jugée antinationale.
Ce regain de vitalité remarqué dans le Hirak ce mardi et ce vendredi, non seulement complique la tâche du successeur de Bouteflika, mais démontre que la crise est loin d’avoir été résorbée avec la mort du belliqueux Gaïd-Salah et l’avènement au pouvoir d’un nouveau Président qui, pourtant, tend sa main au Mouvement populaire et à l’opposition et se détourne clairement des partisans convulsifs de l’ancien vice-ministre de la Défense.
Comment Abdelmadjid Tebboune va-t-il faire passer sa nouvelle Constitution dans ces conditions ? Va-t-il commettre la même erreur du 12 décembre qui l’a mis dans cette position inconfortable et qui ne lui laisse aucune marge de manœuvre pour gagner l’adhésion des citoyens à sa démarche réconciliatrice ? Ce handicap est aggravé par des manœuvres qui sont menées dans son propre camp pour entraver ses initiatives. Car, parmi les raisons qui ont poussé les citoyens à occuper la rue massivement ce vendredi, il y a la répression dont ont été victimes les étudiants mardi et le maintien du dispositif à l’entrée de la capitale pour empêcher les citoyens des wilayas limitrophes d’entrer dans la capitale, outre le maintien en prison de nombreux détenus d’opinion. Ce qui a fait dire à l’avocat Mustapha Bouchachi que «rien n’a changé» et que «les pratiques du régime sont demeurées les mêmes».
Occupé par le très complexe dossier libyen duquel l’Algérie a failli être écartée, Abdelmadjid Tebboune sera forcé de se concentrer sur la crise interne, sans le règlement de laquelle toute son action est compromise, aussi bien à l’intérieur du pays qu’au-delà des frontières. Le début de dialogue entamé avec des personnalités politiques ne semble pas avoir été accueilli avec enthousiasme par le Hirak, qui continue de refuser qu’il soit représenté. Un autre handicap qui rend la mission de Tebboune quasi impossible tant qu’il n’aura pas réussi à se faire accepter en tant qu’interlocuteur du Mouvement populaire et à faire admettre à ce dernier qu’il consente à répondre positivement à son offre de dialogue.
La partie est loin d’être jouée.
N. D.
Comment (48)