Pourquoi le PAD ne doit pas emprunter la posture du régime politique autoritaire
Par Youcef Benzatat – Le Pacte de l’alternative démocratique (PAD) vient d’adopter sa charte dans laquelle la culture serait divisée en deux sous-cultures principales. La culture arabe et amazighe, dont le reste n’est qu’une diversité culturelle y afférente. Notamment dans son alinéa où il pose la condition de «l’égalité des langues et cultures arabe et amazighe ainsi que le respect et la promotion de la diversité culturelle y afférente». Pour le reste des alinéas qui composent cette charte, il n’y a rien de nouveau qui ne soit pas déjà inscrit dans la Constitution, excepté leur mise en pratique, y compris le sort des militants politiques actifs, par leur arrestation et leur emprisonnement arbitraire.
Cette conception de la culture pose d’emblée le problème des frontières entre les composantes de cette diversité culturelle. Encore qu’il faille au préalable identifier la substance et le corps de ces cultures afin de tracer leurs frontières en tant que barrières qui permettront de les isoler dans des ghettos respectifs, où la population aura le choix d’appartenir à l’une ou à l’autre de ces cultures et donc d’être d’un côté ou de l’autre de la frontière qui les sépare et de la barrière qui les empêchera d’accomplir des échanges pour préserver leur pureté réciproque afin de neutraliser toute éventualité d’acculturation.
Par culture arabe et culture amazighe, le PAD semble reprendre à son compte le clivage opéré par le sens commun populaire qui entend généralement la différence entre une culture propre à une population s’exprimant en langue populaire dâridja et une population amazighophone. Ce sont là les signes prédominants qui les différencient dans la conscience populaire. Le PAD semble s’approprier ce clivage du sens commun populaire pour en faire les fondements de sa politique culturelle.
Alors que cette différenciation se heurte à l’hétérogénéité au sein même de chaque segment de cette double culture. La culture arabe n’est arabe que par la pratique religieuse qui s’effectue dans la langue arabe, alors que le reste de la communication entre ses membres recourt à la dâridja, un syncrétisme de toutes les langues des différents peuples ayant séjourné un moment ou un autre sur le territoire national durant l’histoire, en un peu plus de 2 000 ans, que la langue autochtone, tamazight, avait absorbées et sur la base desquelles elle n’a cessé de se restructurer. Ce qui fait que la dâridja n’a jamais cessé de se recréer et de s’adapter aux nouvelles situations linguistiques. La dâridja est une langue nationale que l’on parle indifféremment sur tout le territoire national, de quelque région du pays que nous soyons issus La pratique religieuse connaît la même distribution territoriale avec plus ou moins d’assiduité d’une région à une autre. Mais cette hétérogénéité n’est pas prise en compte généralement par le sens commun qui a tendance à la schématisation jusqu’à la caricature pour combler son besoin psycho-politique d’un «nous» en mesure d’assurer une sécurité psychologique aux membres du groupe.
L’originalité de cette charte réside dans son défaut, celui de considérer un patrimoine comme signe de différentiation culturelle entre les membres d’une nation en devenir. Alors qu’une transition révolutionnaire est, par essence, le passage d’une société traditionnelle vers une société moderne, dans laquelle la citoyenneté se définit sur la base de valeurs universellement partagées et la culture sur une transculturalité ouverte à une acculturation indéfinie. Le PAD plaide, dans ce cas, à travers sa charte, pour une transition pour une société prise entre les plis d’une césure culturelle fantasmée aux conséquences néfastes.
Le PAD est dans son droit démocratique de proposition d’un tel projet de société. Mais de là à l’exprimer au nom du Mouvement populaire révolutionnaire du 22 Février, c’est aller vite en besogne en empruntant la posture du régime politique autoritaire et totalitaire que ce même Mouvement populaire révolutionnaire s’est engagé à disqualifier.
Y. B.
Comment (27)