Regard sur le poète algérien de demain Azar N-Ath Quodia
Au printemps de ma folle jeunesse
On se saoulait sous son soleil de plomb
Ma terre, un trésor de noblesse
Scintillante parmi les astres
Encore, aujourd’hui mon cœur est prisonnier
Il te le doit bien
A te voir, il n’est plus le mien
Je pleure ta misère et encaisse ta douleur
Terre fortunée, devenue terre de malheur
J’ai vu mon peuple si bas, s’humilier
J’ai vu les faux dieux voleurs se multiplier.
(Extrait tiré de la poésie : Mon soleil d’Azar N-Ath Quodia)
Par Abdelaziz Boucherit – Un langage fleuri, qui emprunte l’éclat de ses images à la pureté de l’aube de la montagne de la Kabylie. Une montagne qui ensorcelle par son calme. Envoute par l’odeur matinale des fleurs aux yeux, encore, fermés par le sommeil. L’esprit du poète en harmonie avec les souvenirs doucereux du berger. La tête subjuguée par les effluves des parfums d’une brise évoquant un passé lointain et soutenu par la trame de fond d’un simple filet musical qui semblait venir de l’infini. Et, le son enflammé traversant les siècles émis d’une flûte usée par la pesanteur du temps, jouée, jadis, par les aïeux. Chaque mot, d’une inspiration fougueuse, traverse l’âme entière et se confond avec l’ardeur de son sens lyrique. Tout se présentait comme ode chantée par le roucoulement des tourterelles célébrant la naissance du jour sous le regard flatteur de l’aube.
Le recueil de poésies Testament Tellurique d’Azar N-Ath Quodia ne répond à aucune approche théorique, ni à des règles poétiques convenues. Il a sa propre démarche intellectuelle effrénée et aux limites incertaines avec le bon sens. Il hurle sa folie et se fait guider par l’inspiration impétueuse et réparatrice, comme une musique qui s’invite dans votre cœur sans demander votre avis. L’inspiration emportée par la flamme de la fraîcheur enivrante d’une rosée scintillante, qui faisait la fête au lever du soleil, et couvrait la fleur de figuier pour lui donner la pureté du juteux fruit nourrissant. Le mystère de la montagne du Tamgout, vous habite à jamais, en vous marquant au fer rouge, pour ne jamais confondre les couleurs des prairies et des futaies enchanteresses qui nourrissent les printemps des paysans berbères.
Testament Tellurique d’Azar N-Ath Quodia est un recueil de poésie mené par une démarche intellectuelle subtile et illustrée par une écriture qui trouve son art dans le creuset des métaphores d’une culture induite par les séquelles d’une oralité inédite. Le style, simple et aéré, donne une substance caressante à l’ouïe du lecteur. Le thème abordé est, souvent, complexe, et grâce à un travail minutieusement préparé de l’auteur, la lecture devient facile, légère et entraînante. L’auteur s’est livré avec succès, à travers les récits de ses voyages incessants dans la réalité quotidienne du vécu de son peuple, pour nous faire connaître les diverses facettes d’une Algérie en souffrance culturellement et en hibernation politiquement. En un mot, comme pour mille, l’auteur nous décrit le malaise de la guerre menée contre l’intelligence par des responsables politiques de son pays. En somme, ces derniers piétinent la culture en la mettant à leurs services et non se donner les moyens et le devoir de se mettre à son service. Le style de ses poésies est emprunté à une écriture moderniste : la prose. En laissant, souvent, entendre que la rime fait, désormais, le style ringard de la poésie. Le récit est parfois décousu, volontairement dépeint de la voltige, tête en l’air, des poètes, dont le rendu semble parfois sommaire. Mais, c’est une feinte admise volontairement par l’auteur, pour mettre le lecteur face à une réalité crue. Et, faire passer le message, sans se risquer à la confrontation indue des despotes démunis de tous les scrupules. On lit Testament Tellurique comme on lit Nedjma de Kateb Yacine. Le génie de la démonstration opère, même si les deux auteurs ne forcent pas le trait, d’une écriture fluide. La peinture des personnages semble absente, sans aucune référence visible pour le lecteur, mais en réalité, elle emprunte intelligemment la voie opaque et dépravée du système, pour mettre en évidence sa vraie nature.
Azar N-Ath Quodia se donne à cœur joie et excelle dans la pratique de la langue poétique et ironique, comme l’a été avant lui le célèbre Kateb Yacine. Les écrits d’Azar N-Ath Quodia sont des témoignages utiles. On lit son recueil comme on lit un roman normal, dont l’intérêt était le réveil pressant des esprits. En outre, il appelle à la révolte en brandissant les exigences sourdes et rebelles de la liberté pour façonner l’histoire. Il faut suivre l’auteur pour pouvoir décoder entre les lignes. Une critique feutrée, prudence oblige, d’un système sclérosé soutenu à bras-le-corps par une administration incompétente et aveugle. L’auteur tente de dénoncer, à juste titre, une société bloquée dans laquelle l’embarras et la souffrance de l’élite intellectuelle est à son paroxysme. Le poète se met en scène à travers des personnages, parfois sulfureux, pour illustrer les souffrances douloureuses auxquelles se heurtent la création et l’innovation dans une société sans repères. A la fin de la lecture du recueil, on reste, pendant un moment, accroché à la justesse des mots qui résonnent inlassablement comme une musique. On soupçonne, sans équivoque, la tentation timide de l’auteur, sans véritablement l’avouer complètement, de se donner à une critique frontale pour désigner l’inconscience bestiale des pouvoirs publics. Mais on apprécie, aussi, la témérité du poète qui use de beaucoup de subterfuges à travers un langage critique et souvent nuancé, pour crier, haut et fort, sa peine. Et désigner du doigt la chape de plomb qui s’abat sur toute une société et qui corrompt le débat et interdit la liberté créative du peuple.
Le choix est délibérément imposé par l’auteur pour donner libre court à la fantaisie impénitente du poète ivre et jouisseur qui est en lui, pour se livrer aux beuveries poétiques incommensurables afin d’atteindre une extase littéraire que lui refuse avec aplomb une société dépravée. Si l’auteur broie du noir en désignant les entraves imposées délibérément au peuple. Il ne propose, néanmoins, aucune solution pour alléger la souffrance de ses compères de cœur. Manifestement, l’auteur n’est pas un politique, ce n’est pas à lui qu’on doit faire des reproches sur une mauvaise gestion de la société.
L’auteur est un homme de lettres et poète. On le sentait, à travers les lignes, se livrer à un plaisir égoïste ; avec la belle phrase et le bon mot. Certainement, pour colorer et vanter ostensiblement l’expression poétique du poète au détriment de la narration.
On remarque avec aisance la vivacité et la capacité d’Azar N-Ath Quodia ; une écriture bien structurée, correcte, menée avec un style imagé. C’est ce qu’on appelle une belle écriture. Mise au service d’une folie littéraire sans limite.
Je recommande aux lecteurs assidus le livre Testament Tellurique. Et, pour d’autres lecteurs qui aiment le luxe aérien de la balade poétique de lire tous les recueils de poésie du même auteur.
A. B.
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