Que vaut la promesse de Tebboune de rapatrier l’argent public détourné ?
Par Saâd Hamidi – Le président «du fait accompli», intronisé par une violence soft contre la volonté de la majorité du peuple, avait annoncé lors du simulacre de débat, regroupant les candidats aux élections présidentielles, qu’il allait ramener l’argent détourné, volé et bien mis à l’abri dans les coffres des banques occidentales. Ce qu’il faut lui reconnaître, par contre, c’est qu’il n’a avancé ni échéance ni modus operandi pour récupérer ces sommes colossales qui font le beurre des pays qui s’érigent en protecteurs de l’ordre financier mondial. Ces pays qui se présentent comme des parangons de vertu et des modèles incarnant l’égalité, la justice et la transparence ne s’accommodent d’aucun scrupule lorsqu’il s’agit d’accueillir les bras ouverts des capitaux suspects pour créer «légalement» des comptes bancaires pour des individus rapaces et sans vergogne.
La connivence des élites et des dirigeants occidentaux pour ne citer que Sarkozy, Macron ou le Premier ministre Trudeau voulant convertir le reste du monde et plus principalement l’Afrique aux valeurs de démocratie et d’ouverture, en oubliant vertueusement qu’ils défendent les valeurs de la société du spectacle au détriment des valeurs qui fondent l’humain et le sacral. Ce n’est ni le féminisme ni la théorie du genre ou autres pseudo-égalités qui constituent pour nous un modèle de développement en la matière. C’est plutôt un développement respectueux de la nature humaine vivant en pleine intelligence avec son environnement qui doit constituer notre credo. Disons-le tout court, les valeurs de l’Occident receleur ne sont pas universelles. L’universel se fait avec nous, nous devons être porteurs d’un projet civilisationnel endogène, propre à notre spécificité, pour que l’histoire s’écrive par nous aussi, n’en déplaise à Sarkozy et consorts. Je ne crois pas exagérer en disant qu’à l’échelle du pays, le Hirak est porteur d’un immense espoir, dans ce sens, d’abord pour notre pays et peut demain forcément essaimer sur d’autres contrées. Ne l’oublions pas, notre lutte de libération a été un phare et a inspiré un certain nombre de mouvements de libération de par le monde. Le Hirak est un mouvement suspect pour beaucoup de pays qui font tout pour le torpiller et leur meilleure trouvaille c’est de ne pas en parler tout comme la Palestine, d’ailleurs.
Dans une récente interview, M. Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, explique les mécanismes qui font qu’il est presque impossible de récupérer l’argent détourné. Tout simplement, parce que la charge de la preuve de l’origine douteuse des fonds n’est pas un fardeau pour la banque qui a reçu le pactole mais elle le sera certainement pour le pays qui veut récupérer l’argent, surtout en cas de disparition de la personne propriétaire du compte.
A l’origine de cette arnaque se trouvent les négociations qui ont torpillé le projet de John Maynard Keynes au sortir de la Seconde Grande mondiale. C’est un autre sujet, mais cela fait partie de l’histoire éphémère du Bancor(*) et comment ce bel espoir a été enterré définitivement sous les décombres de la victorieuse civilisation occidentale! Faut-il rappeler l’inutilité des bombardements inhumains sur Dresde, Hiroshima et Nagasaki ? Et plus près de nos plaies : Guelma, Sétif et la glorieuse Kherrata berceau du Hirak ?
A la lumière de ce que nous venons de dire, que vaut la promesse du président Tebboune ? Soit c’est une promesse en l’air que le Hirak ne doit en aucun avaliser et doit faire en sorte que nos responsables à tous les niveaux soient crédibles et sentent l’importance des responsabilités qui leur incombent, soit, en toute connaissance de cause des mécanismes sous-jacents, le Président a pris quand même le risque de faire une annonce désinvolte et légère. Dans un cas comme dans l’autre, cela ne sied pas à quelqu’un censé habiter la fonction présidentielle. Cette promesse est comme une épée de Damoclès, aux mains du Hirak, qui sera brandie continuellement pour rappeler et le vol et les promesses trahies.
Le Hirak ne doit pas s’en tenir à cet aspect. Il doit aller plus loin en fédérant les citoyens, les expatriés comme les nationaux pour mettre en place des mécanismes de traçabilité afin de traquer les biens mal acquis. La technologie le permet, la volonté est là et la force collective du Hirak nous aidera à surmonter toute difficulté qui entravera notre chemin.
Un autre signe inquiétant qui pointe du nez ces derniers jours, c’est l’intention de vouloir confier à l’armée la gestion des grands groupes industriels comme El-Hadjar par exemple, dixit le ministre de l’Industrie et des Mines, M. Ferhat Ait Ali. Lors de l’inauguration de la Foire cette année, le président Tebboune a fait plus qu’un clin d’œil dans ce sens. Historiquement, notre armée se veut la digne héritière de l’ALN et ce chemin héroïquement tracé doit rester le sien. Parce que non seulement c’est sa vocation somme toute naturelle, de plus elle n’en sera que préservée et immunisée contre le virus de l’argent et ses tentations diaboliques. Quand l’armée est impliquée dans la gestion économique d’un pays, pour ne citer que l’exemple égyptien, elle devient un levier et un acteur malléable à souhait dans les rouages de la finance internationale. Cette approche est porteuse de tension et de chaos.
Le Hirak est le premier garant de la stabilité du pays et il constitue de ce fait le bouclier renforçant l’armée qui doit remplir pleinement ses missions constitutionnelles et uniquement celles-là.
S. H.
(Montréal)
(*) A l’occasion du sommet de Bretton Woods en 1944, le bancor a été proposé comme monnaie supranationale à laquelle les monnaies seraient rattachées. Une des principales motivations du projet bancor était de pacifier les relations économiques entre nations en évitant des déséquilibres importants des balances extérieures et, partant, le protectionnisme et les tarifs douaniers. On peut aussi voir le bancor comme une tentative de rendre impossible l’évasion fiscale ainsi que l’existence même de nations jouant le rôle de paradis fiscaux. Le bancor perdit face à la puissance américaine d’après-guerre (source Wikipédia).
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