Les députés remballent Belkacem Zeghmati : «Nous avons retenu la leçon Tliba !»
Par Nabil D. – Les députés se rebiffent. Ils refusent désormais de s’offrir en sacrifice sur l’autel des règlements de comptes commencés par Gaïd-Salah et qui se poursuivent de plus belle après sa mort. Les membres de la chambre basse du Parlement ont fini par comprendre qu’ils étaient utilisés comme instrument dans la guerre qui fait rage entre les clans au pouvoir. Ils ont donc décidé de ne plus voter en faveur de la levée de l’immunité parlementaire contre l’un des leurs aux fins de sa traduction devant une justice toujours aux ordres.
L’affaire Baha-Eddine Tliba n’avait pas secoué les députés au départ. Ces derniers, qui avaient lâché l’«élu» d’Annaba – et ce n’était pas le premier –, avaient adopté une posture défensive par machiavélisme, en pensant naïvement qu’en se débarrassant du fardeau, ils allaient se prémunir eux-mêmes contre la même procédure qui a conduit leur ancien collègue et d’autres avant lui en prison. Or, ce calcul perfide allait forcément se retourner contre les députés du Parlement croupion qui ont servi à faire passer des lois scélérates et à faire amender la Constitution sous Bouteflika. Une première fois pour lui permettre de briguer un troisième puis un quatrième mandats, avant de voter une seconde fois pour limiter la mandature présidentielle à deux lorsque le président-roi pensait pouvoir se retirer sur la pointe des pieds. Mais Gaïd-Salah ne l’entendait pas de cette oreille, son sort étant lié à celui qui l’a fait chef de l’armée en dépit de son incompétence, de son inculture et de ses innommables frasques.
Les députés avaient également été utilisés pour la destitution de l’ancien président de l’APN, Saïd Bouhadja, puis de son successeur Mouad Bouchareb dans une lutte de sérail qui répondait à l’exigence du cinquième mandat puis à celle, paradoxalement, de son annulation et de la déchéance d’Abdelaziz Bouteflika, suivie d’une chasse aux sorcières lancée par l’ancien chef d’état-major contre l’aréopage qui orbitait et prospérait autour du cercle présidentiel. Le successeur de celui par qui le Hirak a été déclenché après qu’il eut organisé un meeting à Alger en brandissant le portrait du candidat fantôme à sa propre succession, a lui-même fini derrière les barreaux. La cooptation de Mohamed Djemaï à la tête de l’APN avait étonné plus d’un, au regard de son implication dans les affaires au même titre que les oligarques emprisonnés dès la démission forcée de l’ex-chef de l’Etat. Mais son heure était venue et le député de Tébessa a rejoint à la désormais mythique prison d’El-Harrach les autres membres d’un des clans rivaux.
Baha-Eddine Tliba avait supplié ses anciens collègues de ne pas lever son immunité parlementaire, en leur expliquant [sans doute] que leur tour viendrait et qu’il ne s’agissait pas d’une véritable lutte contre la corruption mais d’une manœuvre visant à brûler quelques fusibles pour détourner l’attention de l’opinion publique de l’autre partie de la pègre qui continue de sévir. Les députés, effrayés par Gaïd-Salah et son fidèle lieutenant Belkacem Zeghmati, n’ont pas écouté le conseil de l’associé des fils de l’ancien chef de l’armée qui divulguera de nombreuses affaires et exigera que sa plainte contre la mafia d’Annaba soit enregistrée par la justice avant de répondre à la convocation du procureur de Sidi M’hamed.
Le pouvoir exécutif qui a assis son hégémonie sur l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire et du Parlement bicaméral a failli perdre le premier et est en passe d’être lâché par le second. Les députés redonneront-ils du courage aux magistrats pour se défaire du boulet de la dépendance qui les a définitivement discrédités aux yeux des citoyens ? Les députés agiront-ils dans un sursaut d’orgueil pour sauver la face avant que Tebboune décide de dissoudre le Parlement ?
N. D.
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