Le confinement au temps du coronavirus
Par Aziz Ghedia – Sans être de mauvaise foi, je commence mon article par cet aphorisme «l’entassement des hommes comme l’entassement des pommes produit de la pourriture». Cet aphorisme n’a jamais été d’une actualité aussi brûlante qu’en ces jours-ci où il est demandé aux populations mondiales, ou du moins celles qui sont concernées au premier degré par cette épidémie de Covid-19, de ne plus se rassembler. Les rassemblements humains sont semblables aux entassements des pommes. Ils favorisent la propagation du virus.
Il suffit qu’un homme porte en lui le virus, même s’il est encore asymptomatique, pour que, sans le savoir, il l’envoie par la salive, le toucher ou par d’autres supports de contamination, à d’autres hommes. Pour rompre cette chaîne de transmission virale, les pouvoirs publics des pays concernés imposent un confinement à leurs populations respectives, créant ainsi une certaine psychose collective. Ceci sans parler des conséquences économiques qui seront sans doute très difficiles à supporter pour beaucoup de pays. On me rétorquera sans aucun doute que la santé des gens prime sur l’économie puisque ce sont les personnes en bonne santé qui travaillent et qui, donc, créent les richesses. Ce sont les personnes en bonne santé qui constituent le moteur économique de toutes les nations… Je n’en disconviens pas.
Mais il est logique aussi d’envisager le problème sous un autre angle. Pour cela, je fais mienne la proposition du Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui a prôné la voie de «l’immunité collective». Cette proposition a fait, certes, l’objet de plusieurs critiques, notamment de la communauté européenne. Mais force est d’admettre que sur le plan épidémiologique, elle tient bien la route. En effet, Boris Johnson, parlant de ce qu’il y a lieu de faire face à l’épidémie Covid-19, a tenu à son peuple presque le même discours que W. Churchill lors de la Seconde Guerre mondiale. Rappelons-nous de cette période historique et de ce discours prononcé devant la Chambre des communes, en 1940 «[Je n’ai à offrir que] Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur». Quelques années après, c’était la fin de la guerre, la défaite du nazisme… suivie des «trente glorieuses». Malheureusement pour l’Europe, le choc pétrolier de 1973 mit, presque brutalement, fin à cette période de prospérité économique et d’insouciance et de la «dolce vita» pour la grande majorité des Européens.
L’humanité semble être en guerre
Le Président français, lors de son discours à la nation française de ce lundi 16 mars, vient de le confirmer encore. Il l’a même répété plusieurs fois : «Nous sommes en guerre !» En guerre contre qui ? En guerre contre un microscopique virus, contre un coronavirus baptisé Covid-19 qui fait beaucoup plus de peur que de mal. Les jours à venir nous diront que c’est l’hystérie collective et le confinement qui ont provoqué le plus de dégâts.
Quant à nous, pauvres Algériens, nous sommes confrontés, et cela depuis plus d’une année déjà, à un système politique des plus machiavéliques, un système politique que le Hirak tente de déboulonner, de changer de fond en comble mais qui résiste encore. Et voilà qu’aujourd’hui, avec l’apparition de ce méchant virus, venu d’une lointaine contrée chinoise, nous sommes confrontés à un autre combat, une autre guerre, beaucoup plus pernicieuse celle-là. Ce virus nous tombe comme un cheveu dans la soupe. Il crée la zizanie au sein du Hirak et un début de désordre dans la société tout entière.
Alors que faire ?
Suivre les recommandations des «autres» ou adopter une politique sanitaire propre à nous ? Avons-nous les moyens de notre politique ? En tant que médecin, j’ai le droit de m’immiscer dans le débat et de mettre noir sur blanc mon opinion sur la question. Celle-ci se résume en quelques points et rejoint, grosso-modo, le point de vue de Boris Johnson.
Ainsi donc, face à cette épidémie de Covid-19, il vaut mieux, à mon humble avis, opter pour l’immunité collective. Et cela pour deux raisons principales :
1- Laisser la nature faire car la nature fait bien les choses
2- Le pays n’est pas préparé au confinement (après plus d’une année de Hirak et donc de la réappropriation de l’espace public par les Algériennes et les Algériens). Preuve en est qu’actuellement cette question divise les Algériens (il y a ceux qui veulent, malgré le risque, continuer le Hirak et ceux qui, peut-être beaucoup plus sensibilisés sur les conséquences sanitaires du coronavirus, veulent marquer une pause dans ce processus révolutionnaire).
3- Accessoirement, le système algérien est loin de pouvoir répondre à une forte demande et prendre en charge sérieusement et correctement tous les éventuels cas de cette grippe.
Je confirme encore que je suis médecin et je tiens pourtant un discours tout à fait à l’opposé de ce que disent beaucoup de mes confrères. Je crois qu’on devrait savoir raison garder et ne pas verser dans un alarmisme qui, à mon sens, n’a pas lieu d’être.
L’Homme a déjà connu ce genre de situations sanitaires et les a dépassées tant bien que mal. Il ne s’est pas éteint pour autant. Ceci dit, il faut reconnaître que les médias ont une grande responsabilité dans l’installation de cette psychose collective. Des villes devenues, du jour au lendemain, fantômes, cela dépasse tout entendement. Des chaînes monstres devant les grands centres commerciaux pour se ravitailler en… papier hygiénique dénote de cette folie collective qui a atteint nos sociétés consuméristes.
A. G.
(Médecin)
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