Le centre Carnegie : «L’armée algérienne aurait dû intervenir en Libye en 2011»
Par Mohamed K. – Carnegie Middle East Center s’est intéressé à l’aspect de l’avant-projet d’amendement de la Constitution relatif à l’armée. «Pourquoi l’Algérie rompt avec un demi-siècle de non-ingérence ?» s’interroge ce centre de recherches qui rappelle que «des modifications constitutionnelles permettraient à Alger de participer aux opérations de maintien de la paix et d’envoyer des unités de l’armée à l’étranger».
Pour Carnegie, dans le cas où les aliénas ayant trait à la participation de l’ANP aux opérations de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies, de l’Union africaine et de la Ligue arabe seraient adoptés, ils constitueraient un «changement important». «Depuis son indépendance, en 1962, l’Algérie a promu une politique de non-ingérence, donnant la primauté à la médiation et au dialogue avec tous les acteurs – y compris islamistes, tels qu’Ennahdha en Tunisie – sur l’intervention militaire», souligne le centre qui voit dans ce changement de cap une volonté de «repositionnement» et une révision des «principes non-interventionnistes rigides».
Pour Carnegie, ce changement de doctrine, s’il «devra prendre du temps et nécessiter des efforts», il lève néanmoins un «tabou important». «Cela aura un effet dissuasif, décourageant potentiellement les acteurs étatiques et non étatiques de prendre des mesures indésirables ou de se livrer à une agression militaire contre les voisins directs de l’Algérie», explique le centre de recherches, en ajoutant que cela «donnera un avantage tactique» à l’Algérie, en ce sens qu’il «rendra ses actions moins prévisibles». «Plus important encore, souligne Carnegie, cela permettra à l’Algérie de projeter sa puissance militaire et de prendre les devants si une action bien préparée et bien dirigée par l’Afrique doit voir le jour dans la région».
Le think tank s’interroge, par ailleurs, si l’Algérie «s’apprête à devenir un acteur actif dans la gestion des multiples crises dans son voisinage direct». Allusion au conflit libyen. «Ce qui est certain, répond l’auteure de l’analyse, c’est que le pays tente de maximiser la protection de ses frontières dans une région tumultueuse.»
Carnegie pense que l’armée algérienne aurait dû intervenir en Libye en 2011 déjà, estimant qu’«il est trop tard pour que l’Algérie fasse une réelle différence» dans ce pays voisin en proie à une guerre civile depuis le renversement et l’assassinat de Mouammar Kadhafi, et que ses efforts pour parvenir à un règlement politique «ont échoué». «Le début de la crise libyenne était une occasion manquée», pense Carnegie, qui reproche à l’Algérie de s’être cantonnée dans son «principe fondamental de non-intervention» qui a «ouvert les portes à une opération militaire mal élaborée par l’Otan qui savait que celle-ci ne provoquerait pas une réaction algérienne décisive».
Cette position de l’armée algérienne a «facilité l’ingérence étrangère et l’intervention de différents acteurs régionaux et internationaux, à savoir l’Egypte, les Emirats arabes unis, le Qatar, la France, l’Italie, la Russie et la Turquie», note le centre de recherches. «Les amendements constitutionnels suggèrent qu’Alger a tiré les leçons de ses erreurs en Libye depuis 2011», conclut-il, en se disant convaincu que «les adversaires de l’Algérie devront désormais réfléchir à deux fois avant de songer à intervenir ou à s’ingérer dans son voisinage immédiat».
M. K.
Comment (45)