Comment les crânes des résistants algériens ont atterri au Musée de Paris
Par Nabil D. – La restitution des restes mortuaires des résistants algériens après des années de réclamations et de négociations n’absout pas la France coloniale de ses crimes de guerre. Si le geste en lui-même est un gage de bonne foi qui intervient quelques jours à peine après les regrets exprimés par le roi des Belges pour les atrocités commises par la Belgique au Congo, le litige historique algéro-français demeure en l’état tant que la France ne se repentira pas de manière officielle pour ses atteintes aux droits humains en Algérie durant sa longue occupation.
Le journal L’Humanité est revenu sur les circonstances de la mort des résistants algériens dont les têtes furent entreposées au Musée de l’Homme de Paris. «Episode oublié de la conquête coloniale, la bataille de Zaâtcha témoigne pourtant de la résistance farouche que les indigènes opposèrent aux troupes françaises. Résistance à laquelle répondit une répression barbare», écrit le quotidien français qui reprend le récit de l’historien de la colonisation Alain Ruscio. «Lors de la reddition d’Abd El-Kader, en décembre 1847, les Français crurent que c’en était fini des combats en Algérie. Mais, alors que le danger était surtout à l’ouest, il réapparaît dès 1849 à l’est, dans le Sud constantinois, près de Biskra. Là, un moqaddem, Ahmed Bouziane, dit le cheikh Bouziane, leva des troupes et se retrancha dans l’oasis de Zaâtcha. L’armée française, envoyée en hâte, subit un premier revers le 17 juillet 1849 et entama alors un siège qui ne s’acheva que le 26 novembre, après un très violent combat. La répression qui s’ensuivit fut impitoyable», écrit-il. L’Humanité rappelle l’abomination : «Dernier capturé, le cheikh Bouziane est fusillé, ses fidèles, sa famille sont sauvagement massacrés, comme le reste de la population.»
Le journal reprend également le témoignage de Louis de Baudicour, auteur d’un livre intitulé La Guerre et le Gouvernement de l’Algérie, paru en 1853, qui décrit ces scènes d’horreur dont furent victimes les «malheureuses créatures qui n’avaient pu fuir» : «Ici, un soldat amputait, en plaisantant, le sein d’une pauvre femme qui demandait comme une grâce d’être achevée, et expirait quelques instants après dans les souffrances ; là, un autre soldat prenait par les jambes un petit enfant et lui brisait la cervelle contre une muraille.»
Le Moniteur algérien explique les raisons qui ont poussé l’armée à garder les têtes des résistants : «Pour qu’il ne restât aucun doute aux Arabes sur le sort justement mérité des principaux fauteurs de l’insurrection, leurs têtes furent exposées dans le camp de M. le général Herbillon», écrivait le journal officiel de la puissance coloniale dans son édition du 30 novembre 1849, rappelle encore le journal L’Humanité.
La France les transférera au Musée national d’histoire naturelle (MNHN) en 1880.
N. D.
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