Quand l’histoire du capitalisme se joue des lois du temps et du lieu
Par Mesloub Khider – Le capitalisme se complait à rejouer constamment la même pièce de tragédie avec la même répétition des règles de l’unité de temps, de lieu et d’action, pour mieux renforcer l’illusion démocratique de sa société de spectacle, gouvernée en vrai par la même atmosphère politique spectrale. En dépit de l’amélioration de ses techniques scéniques, quels que soient les acteurs politiques, sous quelque cieux ou époque, il offre toujours au peuple la même tragédie cynique, sur fond de programme social prétendument cathartique, mais en réalité toujours autant dramatiquement famélique. Tout se passe comme si le capitalisme se joue des lois du temps et du lieu, à vouloir répéter les mêmes actions avec des scénarios identiques, rejouées par des piètres acteurs historiques successifs, biberonnés aux mêmes sources pédagogiques imprégnées du même sadique esprit d’oppression, d’exploitation et de despotisme.
A cet égard, j’ai toujours pensé que les textes critiques rédigés du point de vue du prolétariat et des peuples opprimés demeurent valides quels que soient la période, le pays, le modèle de régime politique (démocratique ou dictatorial), tant que le capitalisme continue à dominer le monde. Voici un texte écrit en France en 1946 par des militants marxistes, consacré à la situation sociale, économique et politique de la France. A le lire, on croirait qu’il vient d’être rédigé aujourd’hui par un militant révolutionnaire algérien, à la veille du prochain référendum sur la Constitution. Je vous laisse le soin de le découvrir dans sa version originale, mais avec une légère réactualisation personnelle, mise entre parenthèses, à certains passages, afin de l’adapter au contexte actuel de l’Algérie.
»Le prolétariat devant la comédie électorale»
«La bourgeoisie est incapable d’assurer le minimum vital indispensable à la population travailleuse. La situation alimentaire s’aggrave. La distribution des maigres rations de viande, matières grasses, vin, se fait avec des retards. C’est là une forme camouflée de leur diminution réelle. Dans plusieurs régions, les boulangeries sont fermées et la distribution du pain complètement suspendue. Les prix des marchandises qu’on trouve encore sur le marché augmentent légalement de jour en jour, au point d’approcher les prix du marché noir. Les ouvriers ne peuvent même pas acheter leurs rations misérables.
Pour détourner l’attention des masses affamées des causes de leur misère, le capitalisme – l’inamovible système Flnesque algérien – monte la scène de comédie électorale et les amuse avec des référendums. Pour les divertir des crampes de leurs ventres affamés, on leur donne des bulletins de vote à digérer. A la place du pain, on leur jette de la «Constitution» à ronger.
La mise en scène du spectacle électoral est parfaite. Tous les partis participent. Les rôles sont ingénieusement répartis et chacun joue le sien. On y trouve le méchant loup – «réaction» – (islamisme) et le gentil Chaperon Rouge – la gauche – (les démocrates bourgeois algériens stipendiés). Le tout s’appelle la «IVe République» (la deuxième République bouteflikienne).
On voudrait faire participer la classe ouvrière à cet écœurant spectacle où se démènent tous les pantins du capitalisme – les indéboulonnables caciques du système Flnesque. On leur demande, le plus sérieusement du monde, de choisir entre la «démocratie républicaine» – la démocratie caporalisée – et la réaction – l’islamisme –, d’émettre des «oui» ou des «non».
Farce misérable ! En quoi le briseur de grève Croizat – ceux qui ont brisé le Hirak par les répressions, les arriérations et l’incarcération – est-il moins réactionnaire que tel autre ministre de MRP – les prétendants prédateurs démocrates bourgeois algériens ? –
En quoi l’élection du Président de la République par telle ou telle assemblée de représentants du capitalisme – par une large ou une faible majorité d’électeurs algériens renduits au chômage et affamés – est-elle plus ou moins «réactionnaire» ?
Gouvernement provisoire, gouvernement stable, restent toujours gouvernement du capitalisme – du système Flnesque – contre les ouvriers (les classes populaires algériennes). La IVe République, comme la troisième – la énième Constitution algérienne préfabriquée par l’inamovible Système – sera toujours la dictature du capitalisme contre le prolétariat. La nouvelle Constitution n’est qu’une nouvelle chaîne destinée à mieux ligoter les esclaves salariés (le peuple algérien). Les ouvriers n’ont pas à participer à la fabrication de leurs propres chaînes, mais à les briser !
A la campagne électorale qui est un moment de la consolidation de l’Etat, les prolétaires doivent répondre par leur abstention active, par la dénonciation de son vrai caractère de classe, par le boycottage, par la reprise de la lutte de classe, de leur action directe de masse. Contre la société capitaliste de famine et de guerre, pour le socialisme.
Gauche communiste de France, mai 1946.»
M. K.
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