Conclave à Skhirat, deal à Ankara : le dossier libyen échappe-t-il à l’Algérie ?
Par Karim B. – Réunion des belligérants libyens à Skhirat, au Maroc, énième virée du chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al-Sarraj, à Ankara et poursuite des affrontements sur le terrain en dépit d’un cessez-le-feu annoncé à grand renfort de publicité mais qui n’a jamais été réellement effectif en réalité. Trois nouveaux éléments dans lesquels l’Algérie semble totalement absente, en dépit des efforts du président Tebboune et de la diplomatie algérienne, qui multiplie les contacts pour tenter de faire appliquer la feuille de route issue de la Conférence de Berlin.
Dans les faits, les causes de l’enlisement de la crise libyenne sont toujours dominantes et les réserves émises par l’Algérie n’ont pas été prises en compte. Alger a, en effet, mis en garde contre le décuplement des «initiatives de paix» qui ne sont, en réalité, qu’une autre face d’une ingérence qui ne dit pas son nom. La présence de trop nombreux acteurs externes dans le traitement du dossier libyen, dans le prétendu but de mettre fin à la guerre fratricide déclenchée en 2011 sur instigation du Français Nicolas Sarkozy et du Britannique David Cameron, est similaire à la présence de mercenaires étrangers sur le sol libyen, financés et armés par des Etats tiers qui se livrent une guerre par procuration dans ce pays voisin.
De Skhirat, une nouvelle annonce d’un accord entre les frères ennemis sera faite à l’issue de la rencontre qui s’y déroule, au moment où, à Ankara, Fayez Al-Sarraj négocie avec son mentor Recep Tayyip Erdogan les marchés juteux que la Turquie lorgne dans la richissime Libye. Mais l’économie n’est pas la seule préoccupation du nostalgique Président turc, qui aspire à ressusciter l’empire ottoman en profitant des chambardements provoqués par les Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient. Erdogan veut sa part du gâteau et, pour ce faire, il n’hésite pas à déployer ses navires dans l’est de la Méditerranée où il semble chercher une confrontation directe avec l’Occident qui lui a refusé – suprême affront – l’adhésion à l’Union européenne.
Le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a clairement appelé à utiliser la force pour repousser les velléités bellicistes de la Turquie. Josep Borrel a fait cette déclaration au moment où des «escarmouches» sont signalées en Méditerranée où les navires de guerre turcs, grecs et français sont engagés dans une gesticulation qui fait craindre une escalade à laquelle le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a répondu par une mise en garde à peine voilée, estimant que l’Algérie – dont la flotte navale est une des plus puissantes dans la région – aspirait [elle aussi] à rendre à sa marine sa gloire du passé.
La confrontation multilatérale induite par le conflit libyen sera-t-elle maritime ?
K. B.
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