Déni de réalités
Par Nouredine Benferhat – Quelles relations à la règle, à l’intérêt collectif se jouent dans les pratiques ambigües des tenants du discours politico-religieux ? La distance entre l’image que les prêcheurs tribuns veulent rendre socialement acceptable et les réalités sociopolitiques qui sont en jeu, il ne fait aucun doute qu’il y a un décrochage, un déni des nouvelles réalités sociales.
Elle rappelle la fable de Nasroo Eddine rapportée par Idriss Shah : «Philosophes, logiciens et docteurs de la loi furent appelés à la cour pour faire subir un interrogatoire à Nasroo Eddine. L’affaire était sérieuse : Nasroo Eddine avait reconnu être allé de village en village en répétant les soi-disant sages ne sont que des ignorants et des esprits indécis et confus. On l’accuse de saper la sécurité de l’Etat.
– Tu peux parler le premier, dit le roi. Que l’on apporte des plumes et du papier !
– Qu’on les distribue à sept de ces savants, ordonna Nasroo Eddine. Et maintenant, que chacun d’entre eux écrive séparément sa réponse à cette question : le pain, qu’est-ce que c’est ?
Ce qui fut fait. On tendit les feuillets au roi qui lut à haute voix :
– Le premier dit : le pain est un aliment ; le deuxième : c’est de la farine et de l’eau ; le troisième : un don de Dieu ; le quatrième : de la pâte cuite au four ; le cinquième : variable, ce que l’on entend par pain ; le sixième : une substance nutritive ; le septième : personne ne sait vraiment.
Lorsqu’ils auront décidé ce qu’est le pain, dit Nasroo Eddine, ils pourront décider d’autre chose. Par exemple, si j’ai tort ou raison. Peut-on s’en remettre à de telles gens du soin d’évaluer et de juger ? Ne trouvez-vous pas singulier qu’ils ne puissent même pas se mettre d’accord sur la nature d’une chose qu’ils mangent tous les jours et qu’ils soient en même temps unanimes à m’accuser d’être hérétique ?»
N. B.
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