L’éviction du ministre des Transports est un message de Tebboune à Ben Zayed
Par Abdelkader S. – Le limogeage du ministre des Transports et du PDG d’Air Algérie, s’il coïncide avec une mauvaise gestion des rapatriements de sorte qu’ils étaient déjà dans le collimateur du Président, résonne également comme un message aux Emirats arabes unis. Le contrat qui a provoqué la réaction célère et sévère d’Abdelmadjid Tebboune a été signé par la compagnie aérienne nationale avec une société de catering émiratie. Qui en a fait le choix ? Pourquoi en ce moment, alors que le trafic aérien est interrompu depuis des mois et que cette situation risque de durer encore longtemps au regard de l’évolution inquiétante de la crise sanitaire mondiale ?
Fini le temps où les Emiratis faisaient la pluie et le beau temps en Algérie sous Bouteflika et Gaïd-Salah dont les déplacements à Dubaï étaient si fréquents qu’ils ont soulevé de sérieux doutes sur la nature des relations que les deux hommes entretenaient avec le régime des Al-Thani. L’emprise d’Abu Dhabi sur le pouvoir en Algérie était flagrante et les millions d’Algériens qui battaient le pavé pour exiger le départ du «système» avaient, dès les premières semaines, scandé des slogans hostiles aux Emirats arabes unis dont ils voyaient clairement qu’ils activaient leurs leviers en faveur du régime de Bouteflika.
Le message de Tebboune à Mohamed Ben Zayed semble clair : les rapports entre l’Algérie et les Emirats arabes unis seront maintenus à leur niveau actuel et aucun investissement émirati supplémentaire ne sera autorisé dans le pays à l’avenir. Les contrats de firmes émiraties, notamment dans les domaines de la gestion portuaire et des industries mécaniques courront jusqu’à échéance, mais il n’est pas dit qu’ils seront renouvelés ou que de nouveaux accords commerciaux et économiques seraient conclus.
L’Algérie voit d’un mauvais œil le plan de normalisation avec l’entité sioniste conduit, côté arabe, par Mohamed Ben Zayed qui fait preuve d’un zèle ostentatoire, et l’ouverture d’un consulat par le régime des Al-Nahyane dans la ville sahraouie occupée de Laâyoune a été perçue par Alger comme un véritable casus belli attisé davantage par l’alliance tripartite Israël-Emirats-Maroc qui forment ainsi un axe ouvertement hostile à notre pays. A cela, le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a répondu en s’adressant aux soldats de l’armée auxquels il a intimé l’ordre de se tenir prêts à faire face «y compris un ennemi classique». Une déclaration qui intervenait au lendemain de la dénonciation par le président Tebboune de l’emballement de certains pays arabes à normaliser avec Israël et suivie récemment par celle du ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, qui a répété que l’Algérie «est forte et ne craint personne».
Même si les hostilités entre l’Algérie et les Emirats arabes unis ne se manifestent pas – pour l’instant, du moins – par des critiques frontales, l’attitude inamicale et antagonique des Emirats et du Maroc transparaît au travers de la poursuite assidue de la politique imposée par Donald Trump dans la région. Le dernier geste étant celui du sous-secrétaire d’Etat américain David Schenker qui, vingt-quatre heures à peine après avoir été reçu à Alger où, en VRP du Makhzen, il a tenté dérisoirement de vendre la thèse de l’autonomie voulue par Rabat, s’en est allé planter le drapeau américain à Laâyoune.
Une page est désormais tournée dans les relations algéro-arabes, la majeure partie des Etats qui constituent la moribonde Ligue arabe ayant fait le choix de capituler face à l’ennemi israélien et d’unir leurs forces avec Tsahal pour détruire un pays musulman, l’Iran, et assiéger le dernier bastion de résistance encore debout, l’Algérie. Le Makhzen ne prétexte-t-il pas que «l’Algérie, c’est l’Iran du Maghreb» pour pousser ses cris d’orfraie ? La seconde cible est donc formellement et explicitement indiquée.
A. S.
Comment (35)