L’inamovible Salah Goudjil ou l’homme qui a pris tout le monde à contre-pied
Par Mohamed K. – Le nonagénaire Salah Goudjil a pris tout le monde à contre-pied. La presse est déboussolée. Les uns le disent en voie d’être confirmé dans son poste de président du Conseil de la nation, les autres l’annoncent comme partant et «en fin de mission». Analystes, observateurs et commentateurs ont le tournis. Le doyen des responsables politiques, qui tient l’intérim du Sénat depuis la destitution de Bouteflika et le remplacement momentané de ce dernier par Abdelkader Bensalah, conformément à la Constitution, n’a pourtant pas l’air de trop s’ennuyer au boulevard Zirout-Youcef.
L’ancien ministre des Transports et de la Pêche sous Chadli Bendjedid a un atout : il a soutenu la candidature de Mouloud Hamrouche lors de l’élection présidentielle de 1999, puis celle d’Ali Benflis en 2004. Il s’est donc ouvertement opposé à Bouteflika, même si cette opposition ne l’a pas empêché d’occuper un siège au Parlement en 2007 dont il rejoindra la chambre haute en janvier 2013 et où il sera reconduit en 2019.
Partira ? Partira pas ? C’est la question que tout le monde se pose dans ce contexte politique national marqué par une opacité totale. Les entorses à la Constitution sont légion et la présence même de Salah Goudjil à la tête du Sénat en est une. Et elle est criante. Son prédécesseur, dont il assure l’intérim, demeure, aux yeux de la Loi fondamentale, le président effectif du Conseil de la nation, après un interlude d’une année passée à la tête du pays pour assurer la transition induite pas la déchéance du président Bouteflika.
Salah Goudjil, en fin équilibriste, a joué le jeu du puissant du moment, le général Gaïd-Salah, qui a imposé sa feuille de route aussi bien au pouvoir qu’à la rue, faisant la sourde oreille aux revendications des millions d’Algériens qui manifestaient pour exiger le départ de tous les symboles du système, à commencer par lui-même. Le remplaçant «provisoire» du chef de l’Etat tout aussi «provisoire» a, alors, servi de couverture constitutionnelle à l’ex-chef d’état-major de l’armée qui piétinait les lois de la République et fonçait tête baissée vers la présidentielle du 12 décembre, quoi qu’il en coûtât. «Il faut aller jusqu’au bout !» clamait-il, sur un ton péremptoire.
La dissolution du Parlement croupion, souhaitée par l’écrasante majorité du peuple, n’a pas ébranlé le président par intérim du Sénat dont on dit qu’il compte, au contraire, se servir de cette décision pour renforcer sa position de deuxième homme de l’Etat. Une attitude encouragée par la désignation au gouvernement de deux nouveaux ministres, le premier ayant fait partie des Exécutifs qui ont précédé la chute de Bouteflika, le second n’étant autre que son conseiller qu’il chargeait d’être sa voix auprès de l’opinion publique en lisant ses discours en son nom.
Salah Goudjil semble ainsi vouloir battre le record de longévité au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika et d’Abdelkader Bensalah en même temps, ce dernier n’ayant pas quitté le giron du système depuis le début des années 1990 jusqu’à la fin de l’année 2019.
M. K.
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