Lazhar Soualem recadre la délégation marocaine à Genève
L’ambassadeur d’Algérie ne concède aucun écart de langage à son collègue marocain au siège des Nations unies à Genève. Après quatre semaines d’intenses travaux au niveau du Conseil des droits de l’Homme ou le représentant du royaume a été tenu à distance, c’est au niveau des instances du Haut-Commissariat aux réfugiés, qui tient cette semaine ses travaux, que d’acides échanges ont lieu.
Le royaume qui comptait comme à son habitude promouvoir sa propagande de pacification du Sahara et s’attaquer à la généreuse politique d’asile de notre pays à l’endroit des Sahraouis, s’est heurté à de sévères répliques de la part de la diplomatie algérienne qui a déconstruit son fallacieux discours propagandiste mais, aussi, mis à nu les détestables pratiques du Makhzen et qui a l’outrecuidance de se poser en victime et, aussi, en protecteur de la veuve et de l’orphelin alors qu’il martyrise les Sahraouis depuis plus de quatre décennies.
«Monsieur le Président,
Ma délégation s’est adressée au secrétariat en sa qualité de pays hôte qui héberge des réfugiés, seconde situation la plus longue au monde et pour laquelle il a été distingué par l’Union africaine en avril 2019. Nous avons sollicité des indications, des clarifications et soulevé des questions sur l’état d’engagement et de mobilisation du HCR à la lumière des derniers développements dans la sous-région Afrique du Nord qui a connu la rupture le 13 novembre 2020 du cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 et le déplacement vers l’Algérie de plus de 4 700 nouveaux réfugiés.
Il s’agit de légitimes questions de la part d’un pays hôte, à moins que la délégation du royaume du Maroc tente d’imposer à notre organe le black-out, voire la censure sur cette triste réalité dont il est gravement coupable au vu des souffrances qu’il fait subir à la population sahraouie depuis plus de quatre décennies, hélas ! avec l’appui et l’encouragement d’autres acteurs qui pratiquent la politique des deux poids, deux mesures et si prompte à invoquer lorsque cela correspond à leurs agendas, l’ingérence humanitaire.
S’agissant des statistiques de 173 600 réfugiés que le royaume du Maroc conteste, elles, sont le résultat d’une étude inter-agences menée par le Haut-Commissariat aux réfugiés avec le Programme alimentaire mondial, l’Unicef, l’Organisation mondiale de la santé et plus d’une trentaine d’ONG, validée ici, à Genève, par une équipe technique à deux reprises et transmise au secrétaire général, à New York.
C’est vraiment triste qu’un Etat membre des Nations unies, au XXIe siècle, non seulement contrevient aux fondamentaux de la Charte de San Francisco mais s’évertue à promouvoir de condamnables conduites et de détestables pratiques que l’histoire a mises au rebut.
Monsieur le Président,
L’ambassadeur du royaume du Maroc a consacré la moitié de son intervention à la situation des réfugiés du territoire non autonome du Sahara Occidental ayant trouvé asile en Algérie. Cette intervention, qui reprend un argumentaire de propagande éculée est en totale décalage avec la réalité sur le terrain au vu de la présence sur site à Tindouf, depuis 30 ans, de la Mission des Nations unies pour l’Organisation du référendum (Minurso), des agences onusiennes et plus d’une vingtaine d’ONG européennes et à laquelle s’ajoutent les régulières visites de médias et de parlementaires étrangers. Enfin, les plus solennels démentis sur de prétendus détournements viennent des autorités de Bruxelles fortement engagées dans l’assistance en faveur des Sahraouis et ceux du PAM, par la voie de sa haute hiérarchie, et sont, à ce titre, les plus éloquentes.
Cette intervention aurait été plus complète et plus compréhensible si Monsieur l’Ambassadeur nous avait éclairé sur le pourquoi de cette situation. Pourquoi les Sahraouis ont-ils fui leur pays et sont devenus refugiés il y a plus de quatre décennies !
En passant sous silence cette interrogation, le raccourci emprunté par le chef de la délégation marocaine l’exempte de s’expliquer sur ce drame humanitaire dont son pays est responsable, sur la souffrance de centaines de milliers de personnes que l’Algérie accueille généreusement et ce ne sont pas les fourberies, la désinformation et l’intox dans lesquels le Makhzen marocain excelle qui changeront le devoir de solidarité de l’Algérie à l’endroit des Sahraouis et de tous les opprimés et des sans-voix.
A contresens des préoccupations exprimées par le Conseil de sécurité, le secrétaire général, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA il y a deux semaines, l’ambassadeur du royaume du Maroc indique qu’aucun incident n’est à signaler, alors que son pays a rompu, le 13 novembre 2020, le cessez-le-feu conclu sous les auspices des Nations unies en 1991 et réactivé un conflit dans une sous-région déjà exposée au terrorisme et à la criminalité transnationale.
Le chef de délégation marocaine a qualifié le Front Polisario de séparatiste, alors que les Nations unies l’ont reconnu et l’ont investi d’unique et légitime représentant du peuple du territoire non autonome du Sahara Occidental et que l’Union africaine compte la République arabe sahraouie démocratique à côté de laquelle son pays siège à Addis-Abeba et qu’il a formellement reconnu en signant son adhésion à l’organisation et en publiant ses actes constitutifs au Journal officiel du royaume où cette dernière est mentionnée comme membre fondateur.
Mieux encore, l’orateur nous a vanté les bienfaits de la colonisation en parlant d’électrification, de médecine et d’autres supposés investissements, un discours que les nostalgiques de la France coloniale ont avancé en ce qui concerne mon pays. Les colonisateurs ont le même ADN, les mêmes réflexes et le même plaidoyer, et si l’on suit ce raisonnement on devrait déduire, selon l’ambassadeur, que même l’apartheid avait des avantages !
Madame la Présidente
Je n’ai pas connaissance que le royaume du Maroc détient ou dispose d’un quelconque titre de propriété du territoire du Sahara Occidental, et selon le registre des actes que l’on peut consulter, la Cour internationale de justice en 1975 et la Cour européenne de justice en 2016 et 2018 ont indiqué que ce territoire était distinct et séparé de celui du royaume du Maroc et qu’il n’avait pas été établi de liens de quelque nature entre les populations sahraouies et l’unique monarchie de droit divin au monde.
Le peuple sahraoui, qui s’est autodéterminé par les armes, exprime au quotidien qu’il rejette toute autre alternative à l’exercice de son droit à l’autodétermination. Le slogan que nous avons adopté en 2015 de Ne laisser personne de côté à l’horizon 2030 n’a aucun sens pour les Sahraouis et les seize autres peuples des territoires sous occupation coloniale ou étrangère recensés par le Comité des vingt-quatre des Nations unies.
Je vous remercie.»
R. N.
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