Activistes virtuels fascistes de Rachad : intimidation, violence et exclusion barbare
Contribution de Sabri Oukaci – Pour certains, une nation n’est pas possible sans mythe, sans héros et sans liturgie où se fixerait la conscience collective et où se projetterait son histoire. Cependant, les citoyens émancipés ne souhaitent pas se voir imposer des héros ex nihilo, préférant se fier à leur raison et au bon sens, seuls juges des vrais mérites et à même d’atteindre leurs critères et attentes dans ce monde désenchanté.
Or, le récent accaparement de l’image des héros de la Guerre de libération par des opportunistes agitateurs qui étalent leur médiocre prestation, dans ce vaste théâtre qu’est devenu le Hirak, n’a été entrepris que dans l’espoir de faciliter, de manière subliminale, les identifications sur la justesse de leur cause.
Ils ont en outre envahi les réseaux sociaux de contenus vidéo éloignés pour la plupart de la sphère de l’esprit et de la morale, dans lesquels le patriotisme affiché est devenu l’excuse banale brandie pour tous leurs délits.
Nul besoin d’affirmer que l’insolent mimétisme de ces nouveaux dévots peine à égaler les premières gloires patriotiques, les œuvres d’érudits ou encore l’action de grands hommes qui ont fait la réputation et le rayonnement de l’Algérie.
Nos véritables héros révolutionnaires se sont imposés par l’éclat bouleversant de leurs actions justes uniques et originales, qui a emporté l’admiration et l’adhésion de la raison universelle et de l’espace social planétaire réel, aux antipodes de ceux qui, aujourd’hui, exploitent l’événement, l’actualité et le hasard, aidés par des médias qui cultivent indignement la dimension lucrative de l’émotion participative…
Cette presse servile, disons-le tout haut, en manque de professionnalisme, ne cesse de défendre des points de vue individuels, claniques ou spéculatifs, lorsqu’elle n’est pas livrée aux mains de rédacteurs à l’idéologie rétribuée, qui soumettent le plus souvent ces organes d’information aux seuls intérêts de ceux qui les soutiennent, au détriment de la véritable mission publique qui est d’offrir aux lecteurs une information neutre et rigoureuse afin qu’ils se forment une opinion libre et éclairée.
Avec le soutien intéressé des ONG internationales qui s’escriment à les rendre visibles malgré leur transparente authenticité, ces mythes bricolés à la hussarde et ces héros fabriqués in media res sont imposés à une population en recherche d’exemplarité et d’espoir, que n’incarnent pas ces pseudo-révolutionnaires proposant des opinions antiques qui se révèlent dangereuses entre des mains empressées de faire céder les droits individuels et universels devant l’autorité de la volonté de groupes aux agendas obscurs.
Ainsi, devant cette abyssale vacuité offerte par la sphère informationnelle, de nouveaux acteurs se sont lancés dans l’aventure, s’en allant tenter leur chance de profiter des inquiétudes de nos concitoyens et de capter l’attention, en se faisant les chantres de la liberté et de l’info sur les réseaux sociaux, surfant sur la vague du Hirak, tout en espérant une reconnaissance et une canonisation qui les mèneraient vers les sommets de la notoriété virtuellement appointée.
Ils nous ont même obligés à accepter que leurs peines de prison soient transformées en acte d’héroïsme, de vertu et de courage dans la lutte qu’ils mènent contre l’Etat, et dans la foulée ils nous poussent à aduler les écroués pour des peines souvent éloignées de la seule liberté d’expression qu’ils refusent pourtant aux autres… Tel est le symbole d’une époque qui «manque de buts et d’espérances», une époque désorientée, frappée par le vide intellectuel.
A titre d’exemple, l’islamisme de Rachad, devenu le champ d’incarnation de l’héroïsme populaire et d’une démocratie symbolique, est omniprésent au sein des réseaux sociaux saturés que portent des bons à rien mais capables de tout.
Ces activistes virtuels fascistes, qui se servent de la nation pour exclure l’autre, veulent sceller l’unité du peuple dans l’intimidation, la violence et l’exclusion barbare, en proposant un modèle de société rétrograde qu’ils cimentent par des références idéologiques, séparatistes ou coraniques le plus souvent sorties de leur contexte.
Cette époque intellectuellement agitée n’est pas sans rappeler celle décrite dans l’œuvre de Robert Musil, qu’il caractérise par son déchirement entre la nostalgie de la religion et son désir à avancer vers un monde plus moderne et plus juste. Prise entre deux, indécise, elle crée des hommes sans qualités…
Car tels sont ces bloggeurs arrivistes, égotiques et maîtres de la palinodie, auxquels on donne beaucoup trop d’importance pour diaboliser l’Etat et rabaisser le citoyen, plagiant à merveille les paroles de La Carmagnole qui réclamait que l’on rabaisse les grands et grandissent les petits : «Tous à la même hauteur/voilà le vrai bonheur.»
A tous ceux-là, nous disons qu’il est hors de question de capituler et laisser l’Algérie à des personnes sans instruction, sans morale et aux mœurs dissolues, qui flirtent avec l’abus et l’illégalité. Encore moins à des apprentis sorciers coupables de centaines de milliers de morts.
Alors qu’il est indéniable, après plus d’une centaine de journées de marches, que l’héroïsme d’éprouvette ne suffit clairement pas à faire au jour l’histoire démocratique de la nation, il s’impose clairement aujourd’hui que la lucidité prudente du combat intellectuel est le seul héroïsme possible.
Un combat qui ne pourra être gagné que grâce à des institutions pérennes menées par l’élite des intellectuels sages et éclairés, réel fer de lance de la nation algérienne.
Car l’esprit, comme la nature, a horreur du vide.
S. O.
Ndlr : Le titre est de la rédaction. Titre originel : La guerre de l’héroïcité en marge du Hirak et la vacuité de nouveaux mythes
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