Les «vérités» d’Israël masquent ses grossiers mensonges
Contribution d’Ali Akika – Ce qui a sidéré et mis en rage le haut commandement de l’armée israélienne, ce sont les deux surprises que leur a infligées la résistance palestinienne. Dans les opérations de guerre, la surprise est un atout qui produit des effets dévastateurs aussi bien politiques que militaires. La première surprise, c’est l’incroyable attaque de missiles à El-Qods, capitale occupée de la Palestine. La seconde et inattendue surprise, c’est l’existence d’un arsenal de missiles perfectionnés et leur utilisation tactique qui a écorné le «prestige» du Dôme de fer. Ces deux faits de nature stratégique ont acculé Israël à vouloir réaliser des «gains» tactiques à coups de bombardements sauvages et de grossières manipulations que je vais décortiquer à la lumière des faits du terrain et des entreprises d’intoxication des services secrets israéliens.
D’ores et déjà, l’aveu surprenant du chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kokhavi : «Nous sommes dans une situation défensive majeure» est la preuve que les petits «gains» tactiques n’ont pas effacé l’atout stratégique engrangé par la résistance palestinienne. Ce glissement de la stratégie d’attaque d’Israël vers une stratégie défensive était déjà perceptible dans sa confrontation avec le Hezbollah libanais de 2006. Depuis cette date, Israël n’a plus mis les pieds au Liban et avec la guerre en Syrie, il ne vole pas non plus dans le ciel de ce pays. Finie donc l’époque où Israël allait à la guerre la fleur au fusil, en répandant la terreur chez les voisins pendant que Tel-Aviv faisait la fête et ne dormait jamais.
Au jour d’aujourd’hui, la guerre s’est déplacée chez l’ennemi de la résistance et le feu tombe du ciel et la peur sur la ville s’installe. Ces nouvelles réalités du terrain et dans les esprits changent les paradigmes du conflit. Ce changement est capital car, jusqu’ici, la propagande présentait Israël comme un Etat banal comme tous les Etats, généreux même et qui veut la paix alors qu’en face des «terroristes» viennent troubler la vie paisible de ses citoyens. Dans ce tableau idyllique, nulle place à la conquête d’un pays, d’un peuple chassé de sa terre, vivant dans des camps de réfugiés. Croire et faire croire au monde ce genre de fausse normalité, c’est la preuve que tout dominateur a toujours réfléchi en s’appuyant sur les «lois» qui régissent la jungle livrée à la vie sauvage des animaux.
Voyons les contraintes de la posture défensive reconnue par le chef de l’armée israélienne. La puissance militaire trouve ses limites face à des considérations politiques internes, internationales mais aussi parce que l’ennemi lui oppose une résistance sur le terrain. Ce sont ces facteurs qui perturbent et rétrécissent le champ de manœuvre militaire d’Aviv Kokhavi. Il se rappelle du coût élevé en hommes lors de la guerre de 2014. Il sait aussi que s’il entre avec l’infanterie, quand bien même il arriverait à le faire, son armée ne peut ni garder ni gérer Gaza. Il se souvient, en effet, de l’enfer de Gaza qui obligea le tonitruant Sharon d’évacuer cette partie de la Palestine (en août 2005). Face à cette impossibilité politique et militaire de nature stratégique, Israël cherche un coup d’éclat tactique dans le domaine médiatique où ses services de propagande sont censés exceller. Ces derniers montèrent une opération médiatique qui devait être fumante et qui va s’avérer scabreuse.
En deux mots, cette opération devait surprendre et piéger la résistance dans le but de la faire sortir à «l’air libre» pour la faire canarder comme des pigeons (1). Branle-bas de combat, on alerte alors à minuit la presse par un communiqué, on téléphone à de grands journalistes. Minuit cinq minutes, le monde entier est au courant de la soi-disant opération terrestre. Deux heures après, nouveau communiqué des services de propagande qui démentent l’info précédente et la mettent sur le compte d’une erreur de communication. Pitoyable échec médiatique, les journalistes, furieux de se faire manipuler, dénoncent ce méprisable procédé en se moquant de la victoire de Tsahal. Celle qui devait tendre un piège pour attirer les chefs dans leurs souterrains et ensuite les faire enterrer vivants dans leurs caches sous les bombes de 160 avions. Elle devait aussi faire sortir les «naïfs» combattants palestiniens qui devaient barrer le chemin aux «vaillants» soldats de l’invincible armée.
Toute cette lamentable opération ne peut convaincre une étude de texte d’un examen d’entrée en 6e du lycée. Primo, les combattants surveillent l’armada militaire stationnée à la frontière qu’ils voient à l’œil nu. Rien n’échappe à leur vigilance, comme le prouvent les deux véhicules blindés qui furent carbonisés dès le début de la bataille par les fameux lance-roquette Korvet russes qui avaient décimé les chars au Liban en 2006. Secundo, les dirigeants palestiniens sont-ils stupides au point d’aller se réfugier dans des bunkers à quelque 500 mètres de la frontière où stationnait l’armée ennemie ? Les services de propagande, furieux que la presse internationale n’ait pas participé à ce jeu infantile et bébête, a été sans doute punie indirectement par le biais de la destruction de l’immeuble de la presse internationale en plein Gaza. (2)
Ces services de propagande ont oublié que dans l’art de la guerre, la ruse est une arme redoutable et à double tranchant. Il faut donc la manier avec élégance et délicatesse. Si la ruse est alimentée par des mensonges grossiers découlant de cerveaux tout aussi vulgaires, elle ratera assurément son objectif. A l’évidence, «nos» propagandistes, pressés par le temps qui les obligeait à bricoler une riposte de désinformation faite de bric et de broc, sont allés droit dans le mur. La ruse, non pas celle du marchand de souk qui veut truander le touriste, la ruse donc est le produit de la plus haute intelligence. On connaît l’histoire du débarquement des Alliés en 1944 en Normandie alors qu’Hitler les «attendait» au nord de la France. Pour réussir un tel exploit, tous les facteurs de toutes natures pour intoxiquer l’ennemi ont été utilisés. Cette haute intelligence était la clé de la réussite du débarquement des Alliés. Les alliés n’avaient pas sous-estimé les services secrets allemands et, pour réussir pareille opération, ils ont pris des risques en livrant indirectement à l’ennemi de vrais secrets et en sacrifiant des agents de renseignement de leurs services.
Je termine cet article par la célèbre phrase de l’officier prussien, historien des campagnes de Napoléon, Karl Von Clausewitz, qui résumait ainsi la guerre, «elle est la continuation de la politique par d’autres moyens».
Dans un prochain article, j’aborderai les trois batailles perdues par Israël dans la confrontation actuelle. Ces batailles, politique, idéologique et médiatique vont introduire de nouvelles données dans le problème palestinien. Les acteurs du terrain, les Palestiniens et les Israéliens vont nécessairement tirer des leçons à la fois militaire et politique. Sans oublier la scène internationale où les puissances «marchent sur des œufs». On le voit avec ces pays du Golfe et le Maroc qui se rendent compte qu’aller à Canossa et tourner le dos à leur peuple ne sont pas une garantie pour assurer leur sécurité. On le voit avec la prudence des grandes puissances qui se réunissent à Vienne où se traitent en ce moment des problèmes dus aux bouleversements des rapports de forces internationaux.
Tout ce beau monde ne peut plus ou ne veut plus tolérer que la violation grossière du droit international par un Etat qui veut imposer sa propre lecture de l’Histoire et du droit international. Si cet Etat agit ainsi, c’est qu’on ferme les yeux pour des raisons faciles à deviner. Mais le peuple qui souffre de ces violations ne se soumet pas à la lâcheté et au fatalisme. Il a eu raison de résister de ne jamais cesser de résister. Et c’est cette force de la dignité et de son droit qui a fait changer le discours de l’occupant. La preuve ? La déclaration du chef de l’état-major qui est obligé d’abandonner sa stratégie traditionnelle pour se familiariser avec celle de la défensive. Pour un militaire formé à l’école de la meilleure attaque, c’est la défense (valable sur un terrain de foot), il n’a plus qu’à se mettre à l’école de l’art de la guerre théorisée, il y a des siècles en Chine par Sun Tzu.
A. A.
1- Les stratèges de cette propagande ont dû être influencés par les films de Western où l’on voit les Amérindiens se précipiter sur les envahisseurs de leur territoire qui les fauchaient comme s’ils étaient sur un terrain de chasse. Ils devraient revoir leur vision de la conquête de l’Amérique et regarder le film La Bataille de Bighorn où le général Custer connut une triste fin face à un autochtone meilleur stratège et animé par la force que donne la défense des siens chez eux.
2- On se rappelle du bombardement de l’Hôtel Palestine à Baghdad où logeait toute la presse internationale lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Les Américains ont avancé des arguments bidons, comme à leur habitude, pour simplement cacher leurs crimes de guerre dans la nuit noire.
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