L’oligarchie mondiale contre l’Etat-nation
Contribution de Houria Aït Kaci – L’Algérie n’échappe pas aux assauts contre les Etats nationaux et souverains que leur livre l’oligarchie mondiale (le pouvoir des ultra-riches de la planète) qui ne supporte pas de voir de pays où le pouvoir n’est pas totalement entre les mains des oligarques mais représentant des intérêts des classes populaires et des couches moyennes. Mais la mondialisation imposée par les organisations supranationales (G7, FMI, Banque mondiale, Union européenne, OMC, etc.) ne fait plus consensus, après les promesses non tenues de «la prospérité partagée» et les effets de la crise financière dans la plupart des pays capitalistes en 2007-2008.
«La mondialisation peut être définie comme une idéologie qui identifie l’Etat-nation souverain comme l’ennemi-clé, principalement parce que la principale fonction de l’Etat (ou celle qui devrait l’être), c’est de faire passer en priorité les intérêts du plus grand nombre, «le peuple » – avant les intérêts de quelques-uns. Ainsi, les forces de la globalisation cherchent à affaiblir, dissoudre et, éventuellement, détruire les fondations même de l’Etat-nation comme base d’institution sociale pour le remplacer par des structures de gestion supranationales mondiales, sociales, économiques, financières et militaires. De telles structures sont liées aux objectifs politiques et intérêts économiques d’un petit nombre de groupes très puissants et très concentrés et d’organisations qui, aujourd’hui, conduisent et pilotent le processus de mondialisation dans une direction très spécifique», peut-on lire in : https://www.mondialisation.ca/le-cerveau-mondial-la-face-cach-e-de-la-mondialisation/4122
Aujourd’hui, la «démocratie de façade» qui permet à l’oligarchie de «fabriquer» dans l’ombre, les présidents et les gouvernements, en Occident et dans les pays du Sud, ne fait plus recette, comme on l’a vu dernièrement aux Etats-Unis. Dans cette «plus grande démocratie» du monde, le président sortant, Donald Trump, et ses partisans ont dénoncé Joe Biden et ses soutiens de leur avoir volé la victoire par le recours à la manipulation du vote électronique et des réseaux sociaux.
L’oligarchie mondiale ne veut plus s’encombrer de démocratie, même de façade, elle s’emploie à rendre inutile le vieux système de compétition politique libéral avec des partis, des élections, des parlements, des sénats, etc. pour les remplacer par des «élites financiarisées», des think-talks, des ONG et des organisations supranationales, qu’elle contrôle, et qui n’ont été élues par personne. Ce sont ces organisations financées par de grandes entreprises privées qui veulent dicter leur politique aux Etats nationaux qui, malgré toutes les carences, ont une certaine légitimité populaire.
La gouvernance mondiale occidentale va jusqu’à redessiner les cartes, en cherchant à supprimer les frontières, les gouvernements locaux, leurs armées, leurs services de renseignements, etc. pour accaparer les territoires de ces pays avec leurs ressources naturelles grâce à des guerres sous-traitées avec des groupes terroristes, de mercenaires, acheminés sur les zones à piller et à occuper mais aussi des guerres électroniques, des guerres médiatiques, des guerres de quatrième génération, etc.
Au moment où, en Europe et en Amérique, des personnalités politiques de courants aussi bien nationalistes que de gauche luttent pour défendre l’Etat-nation de leurs pays, paradoxalement, en Algérie, des revendications se font entendre pour un effacement, voire un effondrement de l’Etat, dans un contexte de crise, où la nation et les citoyens en ont, au contraire, le plus besoin. Cet Etat républicain, né à la suite d’une lutte de libération nationale victorieuse contre l’Etat colonial, a résisté et survécu à la décennie noire et à la casse de la double décennie de Bouteflika et de ses oligarques qui l’ont privatisé, doit être démocratisé, reconstruit, assaini des scories de la mafia et non pas détruit.
Il ne faut pas confondre l’Etat (institutions, territoire, population) et le pouvoir politique qui exerce son autorité sur cet Etat, en vertu d’un mandat électif lui conférant une légitimité populaire, qu’il doit régulièrement solliciter selon un mode électoral transparent, un système d’alternance pour empêcher la présidence à vie et la fraude électorale, mais encore faut-il un électorat mobilisé, motivé, éclairé, conscient de tous les enjeux.
Dans ces batailles électorales, la politique de «la chaise vide» pratiquée par des partis démocrates ne fait pas avancer la démocratie mais fait le jeu, qu’on le veuille on non, des maîtres de la «globalisation». Celle-ci, surfant sur le discrédit des partis politiques, le recul du militantisme et la démobilisation des électeurs, cherche à leur substituer des mouvements contestataires mais qui ne vont pas jusqu’à remettre en cause la nature du système capitaliste dominant.
Il s’agit aujourd’hui, non seulement d’avoir des revendications politiques d’ordre démocratique mais aussi d’ordre économique et social au profit des classes laborieuses, mais aussi de reconstruire une économie mise à plat par la «issaba» (gang). Il faut aussi «déconstruire» le système de gouvernance mis en place par Bouteflika durant une double décennie néolibérale, marqué par la mise en place d’un système mafieux comprenant la bourgeoisie compradore et bureaucratique, et imbriqué dans des réseaux avec l’oligarchie internationale, comme l’ont montré les affaires de corruption traitées par la justice.
Ce gang que le mouvement populaire du 22 Février a déboulonné est encore actif. On a même entendu deux chefs de partis candidats aux législatives du 12 juin (Bengrina et Belaïd), toute honte bue, appeler à une amnistie de ces oligarques contre la restitution de l’argent détourné et ce au moment où le président Abdelmadjid Tebboune a décidé la nationalisation des biens du Groupe Haddad. Une telle demande est en droite ligne des objectifs des chantres de la mondialisation qui ont fait de la corruption une arme de destruction massive contre l’Etat-nation.
Serons-nous ces moutons de Panurge errant sans défense dans un chaos de non-Etat programmé et appelés à être sacrifiés sur l’autel de la gouvernance mondiale ou alors des êtres éclairés qui réalisent que l’oligarchie est l’ennemie de la démocratie et qu’il ne faille pas s’amuser à mettre le feu à la maison. Il faut mettre fin au règne des oligarchies du capitalisme financier mondialisé avant qu’il n’entraîne toute l’humanité dans sa folie meurtrière.
H. A.-K.
Journaliste
Comment (11)