Média turc : Haftar déclare la frontière avec l’Algérie zone militaire interdite
Par Mohamed K. – Intox pour provoquer une réaction de l’Algérie à l’égard de Khalifa Haftar ou information réellement vérifiée auprès de médias libyens ? L’agence turque Anadolu indique, en effet, que l’armée du «maréchal» libyen s’est déployée le long de la frontière avec l’Algérie et a déclaré le territoire zone militaire interdite aux civils. Ce ne serait pas la première fois que l’ancien chef d’état-major de Kadhafi, dont les troupes avaient été écrasées par l’armée tchadienne, tance l’Algérie qu’il considère comme «pays ennemi», en dépit des déclarations lénifiantes cycliques de son porte-parole.
Si une telle décision se confirmait, elle ferait suite à la déclaration du président Tebboune sur une offensive que l’armée algérienne s’apprêtait à mener sur le territoire libyen lorsque l’homme-lige des Emirats arabes unis et de l’Egypte menaçait de marcher sur Tripoli. Le chef de l’Etat faisait ainsi une révélation qui avait donné lieu à de nombreux commentaires et analyses, mais qui, dans les faits, sont confirmés par l’exercice d’envergure que l’armée algérienne avait mené au plus près des frontières avec l’ancienne Jamahiriya à la même période. Selon des experts en matière de défense, l’ANP n’aurait pas attendu que la nouvelle Constitution l’autorise à intervenir hors des frontières pour voler au secours du gouvernement de Fayez Al-Sarraj qui jouissait de la reconnaissance internationale.
L’ancien chef du gouvernement libyen, bien qu’appuyé par le régime d’Ankara, avait sollicité l’Algérie pour défendre la capitale libyenne et faire face aux milices qui empêchent tous les efforts de paix d’aboutir. Ces milices sont perçues comme l’entrave principale à une sortie de crise dans ce pays voisin en proie à une guerre civile depuis le renversement violent du régime autocratique de Mouammar Kadhafi et ses omnipotents fils, dont un, Sayf Al-Islam, semble être prédestiné à reprendre les rênes du pays. Sa popularité ne cesse de grandir à nouveau au regard de la situation désastreuse dans laquelle se trouve la riche Libye après l’assassinat du «Guide de la révolution».
En septembre 2018, la déclaration du maréchal libyen autoproclamé contre l’Algérie trahissait à la fois l’impatience et la frustration de sa milice armée, et celles des forces étrangères qui le soutiennent, de buter très sérieusement sur l’ultime rempart qui se dressait encore devant lui, à savoir Tripoli, alors que l’homme d’Abu Dhabi et du Caire avait promis, quelques semaines auparavant, de conquérir la capitale et d’en finir ainsi avec l’autorité légitime et internationalement reconnue.
Pour camoufler son incapacité d’avancer sur Tripoli, Haftar avait inventé une histoire d’incursion de l’armée algérienne sur le territoire libyen pour faire comprendre insidieusement que c’est l’Algérie qui, par son soutien politique et diplomatique assumé au gouvernement de Fayez Al-Sarraj, l’aurait privé d’une entrée triomphale à Tripoli. Du coup, le ton était donné pour se lancer frontalement contre l’Algérie.
Pour de nombreux observateurs de la scène régionale, cette sortie discursive de Khalifa Haftar contre l’Algérie sonnait comme un «ballon-sonde» lancé par les capitales arabes qui le soutiennent, en attendant certainement d’autres. Ils n’excluaient pas que les services de renseignements émiratis fussent derrière cette agitation, en manipulant leur protégé par des informations qu’ils seraient les seuls à pouvoir recueillir, l’armée de Haftar n’ayant ni les moyens techniques, ni une présence à l’échelle du pays pour pouvoir surveiller les frontières.
Une source diplomatique algérienne, citée par le journal qatari Al-Araby Al-Jadid, avait estimé que les propos de Khalifa Haftar contre l’Algérie n’avaient «rien de sérieux», mais que, s’il s’agissait d’une tentative politique pour entraîner l’Algérie dans le tourbillon de la crise libyenne, «la diplomatie algérienne a toutes les données liées à ce conflit et à ses différents protagonistes et les intérêts qui y sont mêlés, c’est pourquoi elle ne se laissera pas entraîner sur cette voie».
M. K.
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