Cuba : le souffle éternel d’une révolution
Contribution de Khaled Boulaziz – «L’impérialisme est toujours aussi déterminé que par le passé à détruire et à anéantir tout gouvernement, toute opposition et toute résistance qui menacent ses intérêts économiques et stratégiques. Il est la négation du droit des nations à disposer d’elles-mêmes.» (Ernesto Che Guevara, révolutionnaire cubain, 1928-1967).
Aujourd’hui, l’impérialisme dans sa forme guerrière est devenu un monstre dont les conséquences, notamment pour les peuples du Sud, ont atteint des dimensions épouvantables. Sur toutes les latitudes, les damnés de cette terre continuent de souffrir, juste pour le simple fait d’avoir refusé d’être soumis aux élites des ténèbres.
A cet effet, le travail et combat acharnés de Cuba, immortalisé par le Che sont toujours d’actualité. La vision du monde formulée par le légendaire révolutionnaire reste plus que jamais pertinente.
Sa force motrice derrière cette quête d’une vision nouvelle – au-delà des questions économiques spécifiques – était la conviction que la justice sociale n’a de sens et par conséquent ne peut triompher à moins de mettre au-devant une alternative à dimension humaine d’abord, avec une éthique nouvelle dans un modèle de société qui sera totalement antagoniste aux valeurs de l’individualisme, de l’égoïsme absolu, de la concurrence déloyale, et de la guerre de tous et contre tous qui sont tellement caractéristiques du modèle capitaliste et ses banksters, un modèle dans lequel une pseudo-élite prétend aux destinées de ce monde.
De tout temps, l’une des causes de cette condition se trouve dans le rapport que les puissants de ce monde entretiennent avec l’argent, et dans l’acceptation de son empire sur les êtres et les sociétés.
Ainsi, les crises successives du capitalisme ont fait oublier leur origine première qui est située dans une profonde crise anthropologique, c’est-à-dire dans la négation du primat de l’homme ! L’adoration de l’antique veau d’or a trouvé un visage nouveau et impitoyable dans le fétichisme de l’argent, et dans la dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain.
La crise du capital dans son modèle néolibéral semble mettre en lumière sa difformité, et surtout la grave déficience de son orientation anthropologique qui réduit l’homme à une seule de ses nécessités : la consommation. Pis encore, l’être humain est considéré aujourd’hui comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut utiliser, puis jeter.
Alors que le revenu d’une minorité s’accroît de manière exponentielle, celui de la majorité s’affaiblit. Ce déséquilibre provient d’idéologies promotrices de la puissance absolue de l’argent et son avatar la spéculation financière, niant ainsi le droit de contrôle aux Etats chargés pourtant de pourvoir au bien commun.
S’installe finalement une nouvelle classe tyrannique, invisible et transcendante des frontières, qui impose unilatéralement, et sans recours possible, ses lois et ses règles dont sa volonté de pouvoir et de possession est devenue sans limite. Le combat contre cette dictature et la réalisation de la justice sociale, d’ailleurs toujours d’actualité, furent pour le Che inséparables de certaines valeurs morales, aux antidotes des conceptions purement «économistes» de Karl Marx et ses successeurs, qui considèrent uniquement le volet du «développement des forces productives», c’est-à-dire l’homme dans sa dimension matérialiste seulement.
Le Che développa une critique implicite du manifeste socialiste, qu’il qualifie comme étant sans conscience. Il prône que la lutte contre la pauvreté doit se faire en même temps aussi contre l’aliénation spirituelle afin de se défaire de l’angoisse existentielle primaire : la finalité de l’effort humain.
Si la justice sociale prônée est dissociée de la conscience, alors elle est réduite à une méthode de redistribution de richesses dénuée de morale révolutionnaire.
Si le manifeste socialiste prétend lutter contre le capitalisme et le vaincre sur son propre terrain, celui du productivisme et de la consommation, en utilisant les armes du capitalisme – individualisme à outrance et l’accaparement d’une élite des leviers du pouvoir politique – alors cette lutte est vouée à l’échec.
Le combat pour la justice sociale, pour le Che, représente un projet historique allant vers la construction d’une nouvelle société fondée sur les valeurs d’égalité, de solidarité, de collectivisme, d’altruisme révolutionnaire, de liberté de pensée et la participation de masse, en mettant à égalité le côté matérialiste et spirituel de cette quête.
Déjà dans son célèbre «Discours d’Alger», en février 1965, Ernesto Guevara a appelé les pays se réclamant du socialisme à «mettre un terme à leur complicité implicite avec les pays exploiteurs de l’Ouest».
La justice sociale prônée, de l’avis du Che, «ne peut exister sans conscience et qu’avec l’émergence d’une nouvelle attitude fraternelle envers toute l’humanité, à l’échelle mondiale et vers tous les peuples qui souffrent de l’oppression impérialiste». Oppression impérialiste qui prend la forme aujourd’hui d’une croisade et mainmise d’une pseudo-élite capitaliste à teinte raciale aspirant à la domination de toute l’humanité.
A bien des égards, la démarche du Che est plus que pertinente et reste d’actualité pour tous ceux et celles qui œuvrent à construire un monde plus juste et faire face à l’hémogénie de cette pseudo-élite.
Ernesto Che Guevara a jeté les jalons d’un monde du domaine du possible, et c’est à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté de relever le défi moral pour le réaliser. Même disparu, son message vit toujours, car ses paroles prophétiques résonnent à jamais dans la conscience humaine.
Dans la présente épreuve, les Cubains sauront se mobiliser pour défendre leur révolution et chasser les réactionnaires de la rue. Le peuple cubain restera uni afin de surmonter le coûteux embargo économique et la subversion planifiée fomentées par le capital prédateur.
Les soins de santé sont désormais le principal secteur de l’économie à Cuba, et leur importance n’a fait qu’augmenter pendant la pandémie du Covid-19. En raison de la prochaine commercialisation mondiale des vaccins cubains anti Covid-19, il est probable que la crise durera beaucoup plus longtemps. Le capital prédateur ne permettra jamais la commercialisation d’un vaccin accessible aux damnés de cette terre.
Sans leurs acquis, les Cubains vivront comme les milliards de pauvres de ce monde dans la violence, sans accès aux soins de santé, à l’éducation, à la nourriture et à la culture. La dignité et la souveraineté du pays ne se négocient pas. La constance et la justesse de sa position l’aura finalement remporté : plus d’un demi-siècle après sa disparition, le Che aura la satisfaction de voir le souffle éternel de la révolution cubaine résister encore une fois face à la tyrannie du capital prédateur.
K. B.
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