Espionnage, Maroc, Israël, Macron : pourquoi ?
Contribution d’Ali Akika – Le tonnerre assourdissant provoqué par l’info du logiciel d’espionnage israélien a réussi à se faire entendre en dépit de la tempête du coronavirus. Il faut se demander pourquoi le logiciel-espion Pegasus rompt avec la tradition de l’espionnage classique. Ce dernier implique de l’intelligence et de payer de sa propre vie en cas d’arrestation. Il faut savoir que les espions ne sont pas protégés comme les soldats d’une armée ennemie par les lois de la guerre (conventions de Genève). Nonobstant cette anecdote juridique, ce logiciel confirme l’arrogance d’un Etat quant au droit international qu’il méprise en violant quand bon lui semble la souveraineté des pays voisins.
Cela dit, il est utile de creuser pour voir ce qui se cache derrière cette audace mal calculée de la part d’un pays comme le Maroc qui est en train de suivre son mentor, Israël, qui a des épaules et, surtout, des appuis plus solides. Par le jeu du calendrier des salons traditionnels des technologies nouvelles, le Premier ministre israélien Bennet a inauguré pareil salon à Tel-Aviv le lendemain du tsunami du logiciel israélien d’espionnage. Il fit un discours pour vanter les gadgets de l’industrie de son Etat mais ce que l’on a retenu, c’est son appel pathétique à former une sorte de sainte alliance de la cybernétique entre pays combattant de ce qu’il appelle le terrorisme.
Dans la bouche d’Israël, ce terme vise évidemment l’Iran, le Hezbollah, le Hamas. La notion de résistance d’un peuple reconnue par l’ONU ne fait pas partie de son vocabulaire et lui préfère terrorisme. Passons ! En vérité, la recherche de cette sainte alliance lui permettrait de nouer des relations politiques avec des pays à qui Israël fournirait le logiciel Pegasus pour traquer leurs opposants. Une fois ce logiciel vendu et installé dans ces pays, Israël s’offre des points d’appui pour collecter des infos qui circulent dans ledit pays ou détenus par l’Etat de ce pays. Avec de tels renseignements, Israël peut à tout moment mettre sur la place publique des infos qui gêneraient le pays en question. Pour obtenir, par exemple, d’un pays de ne pas voter des résolutions à l’ONU contre Israël (1).
Enfin, comme toute nouvelle arme d’attaque, le Pegasus finira par être contré par une nouvelle arme de défense, comme je l’ai expliqué dans mon article sur la cyberguerre du 7 janvier 2021 dans Algeriepatriotique. Ces bénéfices potentiels récoltés par le logiciel israélien s’étalent dans la presse mondiale qui nous apprend que le Maroc écoutait dans le monde les plus hautes autorités de l’Etat. Avec le recul, on comprend mieux pourquoi le roi (à ne pas confondre avec le peuple marocain) a suivi la cohorte des pays du Golfe en rétablissant des relations diplomatiques avec Israël.
Quant à Macron, pour avoir un début de réponse à cette intrusion dans la vie de la 5e puissance membre du Conseil de sécurité de l’ONU et puissance possédant la bombe atomique dans l’OTAN, il faut chercher du côté de la politique du duo Israël-Maroc avec la France.
Le Maroc : sa politique de gribouille a étalé son amateurisme et son inquiétude dans les épisodes «allemand» et «espagnol». Le «magicien» roi numéro 6 a cru pouvoir dicter une posture à Mme Merkel, née dans la Prusse Orientale, qui a une autre idée des droits de l’Homme et du phénomène de la colonisation (sur la colonisation du Sahara Occidental). Notre roi a cru donc influencer la chancelière allemande qui venait de rendre justice au peuple namibien en reconnaissant le génocide subi par ce petit pays africain par l’Allemagne impériale au début du XXe siècle.
Quant à l’Espagne, notre roi voulut sanctionner ce grand pays, qui occupe du reste une partie du Maroc, pour avoir soigné un malade, en l’occurrence le président du Sahara Occidental. Dans sa politique de gribouille, il fit un mauvais remake de l’invasion du Sahara par son père. Il envoya quelques milliers de jeunes taraudés par la misère et l’ennui «envahir» la ville colonisée de Ceuta. La réponse policière de l’Espagne régla le problème et le roi récolta en prime une volée de bois vert de la part de l’Union européenne qui n’oublie pas que l’Espagne est en Europe.
Avec l’Algérie, le petit roi pense guérir son obsession du Sahara Occidental, en forçant ce pays à abandonner un des principes de sa diplomatie qui défend le droit à l’auto-détermination des peuples. Ses échecs à imposer son plan bidon de l’autonomie et son retour penaud au sein de l’Union africaine où il s’assoit à côté du Sahara Occidental, la reprise de la guerre par le Polisario, ont creusé la tombe de ses rêves du grand Maroc. Mais pourquoi diable a-t-il accepté d’introduire le nom de Macron dans son logiciel d’espionnage ? C’est là qu’intervient son obsession de l’Algérie. Il a vu derrière le dégagement de la France et, disons-le, son échec militaire au Sahel, un vide stratégique que seul l’Algérie pourrait combler.
En tout cas, l’Algérie ne peut s’en désintéresser, ne serait-ce que pour des raisons de sa propre sécurité. La peur du petit roi grandissait en voyant le ministre algérien des Affaires étrangères visiter le Mali et les nouveaux dirigeants en faveur des accords d’Alger. La visite du nouveau président élu du Niger a dû confirmer ses intuitions. On peut deviner l’angoisse du roi spéculant sur l’attitude de Macron qui le lâcherait ainsi au profit de l’Algérie. Ces conseillers ont dû le persuader que la France a tout fait pour impliquer l’Algérie dans le Sahel pour la soulager. Penser et analyser son voisin en termes de marchandages de souk, c’est mal connaître et l’histoire d’un peuple et de ses intérêts qui reposent sur un autre socle que celui des allégeances de type féodale.
Quant à Israël, ce n’est pas de Macron dont elle se méfie personnellement. Ce sont les intérêts immenses d’un pays où se mêlent évidemment l’économique, le stratégique/Sécurité et la nouvelle donne politique intérieure (vote des descendants de l’immigration). Je lis aujourd’hui même dans le Times d’Israël l’interview du chef d’une délégation de députés français visitant Israël. Ce dernier reconnaît qu’il y a des changements en «haut lieu» dans les rapports avec Israël. Ces changements en haut lieu, je les résume en deux mots, Iran et Liban. Difficile de dire plus dans cet article.
En guise de conclusion. Il est évident que le métier d’espion a encore de beaux jours devant lui. Cependant, l’espionnage par la cybernétique finira par obéir aux règles de la guerre. Quand un agresseur recevra en retour plus de bombes qu’il n’a déversées sur son ennemi, il arrêtera. On le voit avec Israël qui perd des millions de dollars en missiles abattus contre des hangars souvent vidés de leurs armements. Il est évident que cet espionnage cybernétique viole les secrets d’Etat et même l’intimité familiale des chefs d’Etat et du personnel politique qu’aucun pays ne peut tolérer, ni supporter.
L’Etat voyou d’une pareille pratique ne sera pas protégé même par un allié et ami. On l’a vu aux Etats-Unis qui ont été espionnés par un Américain juif au profit d’Israël et qui le paya par trente ans de prison. La guerre qui est le paroxysme de la violence et du meurtre a été «pacifiée et civilisée» par le droit de la guerre. Tout le monde à travers ce droit a intérêt à revoir ses prisonniers pour les futures batailles. Par ce droit de la guerre, on a voulu introduire des règles chevaleresques pour diminuer la propension à la lâcheté de certains Etats.
Eviter qu’on donne des médailles à des pilotes ayant bombardé des populations en mâchant du chewing-gum et en écoutant de la musique comme dans le film Apocalypse Now de Coppola sur le Vietnam. On a vu ça aussi au Moyen-Orient. Un dernier mot, les nuages s’accumulent à l’horizon, il est à craindre que la sortie de la pandémie du coronavirus n’ouvre les portes à des aventuriers qui espèrent résoudre leurs problèmes par la guerre. Hélas, comme l’a écrit Einstein : «La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent.»
A. A.
1- On a entendu la déclaration du patron de NSO Group (Pegasus) niant toute complicité avec le Maroc. Il prend l’opinion internationale pour des benêts qui avalent avec délice ses boniments. Il n’y a que les habituels perroquets qui reproduisent la propagande d’Israël pour donner du crédit à de telles déclarations. Heureusement, il y a encore des journalistes qui ne peuvent rester muets quand des symboles de leur pays sont bafoués, ses intérêts menacés et la liberté des journalistes piétinée.
Comment (24)