Comment le puissant Azoulay a utilisé les islamistes avant de s’en débarrasser
Par Abdelkader S. – Le vrai roi, c’est lui. L’idée de mettre en avant les islamistes du PJD après les soulèvements populaires de janvier 2011 dans le monde arabe venait incontestablement de l’inamovible André Azoulay, officiellement conseiller du roi, en réalité véritable homme fort du régime de Rabat, puissant au Maroc et au-delà, là où le lobby sioniste fait et défait les présidents.
Lorsque le trône vacillait au firmament du «printemps arabe», le Makhzen s’est servi des islamistes comme parechoc. Il leur a confié le gouvernement en gardant pour lui les ministères régaliens de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Saâd-Eddine El-Othmani a, alors, durant une décennie, joué le rôle du pompier qui devait se brûler en veillant à ce que les flammes ne parviennent pas jusqu’au palais. Les islamistes auront ainsi pris sur eux d’assumer toutes les atteintes aux droits de l’Homme et tous les problèmes économiques et sociaux qui se sont accumulés durant leur présidence aux destinées d’un Exécutif amputé de ses principaux départements et dont ils auront, pourtant, assumé les dérives et les abus.
La répression dans le Rif, ils l’auront sur les bras jusqu’à leur défaite cuisante de ce mercredi aux élections législatives. Des élections qui les ont fait passer de cent vingt-cinq sièges à seulement douze. Laminé, le PJD d’Abdelilah Benkirane et Saâd-Eddine El-Othmani a fini par comprendre qu’il n’aura été qu’un instrument entre les mains de Mohammed VI et de son inamovible conseiller qui s’en sont servis pour en finir avec cette mouvance d’une manière intelligente. C’est un parti islamiste complètement désavoué qui quitte le pouvoir la queue entre les jambes, après s’être fait harakiri en signant le pacte de normalisation avec l’entité sioniste malgré l’opposition de la majorité des Marocains qui n’ont pas manqué de faire part de leur indignation par des manifestations et des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux.
Que va-t-il advenir de l’alter ego de l’AKP turc, maintenant que même Recep Tayyip Erdogan a décidé de lâcher les Frères musulmans en s’inscrivant dans l’intérêt économique et politique bien entendu d’Ankara sur fond d’importants bouleversements géostratégiques ? La déconfiture du PJD au Maroc aura-t-elle un impact sur les partis islamistes algériens se revendiquant de la même tendance ? Quelle stratégie ce parti adoptera-t-il maintenant qu’il a été évincé du pouvoir d’une façon humiliante et qu’il crie à la fraude ? Va-t-il se radicaliser ? Va-t-il chercher des appuis à l’extérieur du Maroc ? Va-t-il dénoncer la normalisation et justifier sa signature par des pressions du palais ?
Quoi qu’il en soit, le divorce entre Mohammed VI et ses islamistes de service est consommé. Le pouvoir est entièrement entre ses mains, maintenant qu’il a mis le Parlement – bien que croupion – entre les mains de son ami Aziz Akhanouche. Il aura ainsi fait d’une pierre deux coups : laminer les islamistes et légitimer l’orientation ultralibérale imposée par ses mentors émiratis, laquelle orientation achèvera d’écraser une majorité de Marocains happés par la misère et devant laquelle il ne reste qu’une seule solution : se révolter contre le régime monarchique prédateur et ériger la République pour laquelle Mehdi Ben Barka a été assassiné par le Mossad à Paris, sur la demande de Hassan II.
A. S.
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