Juifs d’Algérie, immigration : Zemmour se lâche dans un nouveau livre
Par Karim B. – Portrait de président avant l’heure, les bras croisés, le sourire forcé, sur fond de drapeau tricolore. Le livre autobiographique vient juste de sortir du four encore fumant. Chaud devant ! L’échéance de 2022 approche à grands pas et la machine électorale s’emballe déjà. C’est qu’Eric Zemmour compte bien s’y essayer cette fois-ci. Pourquoi pas ? doit-il se dire, lui qui se sent porté par [ses] lecteurs de son précédent livre, Le Suicide français, qui aurait fait qu’ils «ne regardent plus de la même façon un film, un match de football, une émission de Canal+, n’écoutent plus aussi ingénument une chanson ou un débat politique». «Ils [le lui] disent, [le lui] répètent et c’est doux à [ses] oreilles».
Eux, ce sont ses électeurs potentiels auxquels son ouvrage suivant s’adresse. Dans La France n’a pas dit son dernier mot, paru ce mois de septembre aux éditions Rubempré, l’auteur rappelle qu’il est un «juif d’Algérie» qui a «grandi en banlieue parisienne» et que «l’héritage familial et les lectures ont transformé en Français de la terre et des morts». Il se dit fier de ce qu’il est issu d’un pays où «les tempéraments sont rudes et âpres» et où «on se bat pour l’honneur jusqu’à la mort» et se rappelle à la mémoire de son aïeul, «modeste cordonnier dans le Constantinois algérien» et à «la mentalité de [nos] parents ayant vécu sur cette terre d’Algérie, faite de sens de l’honneur et de culte des anciens».
Il évoque sa rencontre avec l’écrivain Boualem Sansal, en prenant bien soin de préciser que c’est à la demande de ce dernier que les deux hommes se sont attablés à une terrasse de café près des Invalides, après que l’agent de l’auteur du détenteur du Grand prix du roman de l’Académie française lui eut déconseillé de rencontrer «un tel personnage». Il raconte surtout son échange avec l’avocat «l’avocat du milieu» Karim Achoui sur le décret Crémieux. Eric Zemmour s’enorgueillit de lui avoir fait voir les choses autrement après un «cours magistral sur les raisons qui ont poussé la communauté juive à se jeter dans les bras de la France coloniale. «A l’époque, narre-t-il, les trente mille juifs pesaient peu par rapport aux deux ou trois millions de musulmans [et] les familles israélites inscrivaient déjà leurs enfants (y compris les filles) dans les écoles françaises».
«Et j’avance mon arme fatale : le statut personnel», poursuit le candidat à l’Elysée qui compte damer le pion à Marine Le Pen. Il développe : «Pour devenir citoyens français, les juifs ont accepté (certains rechignaient, bien sûr, en particulier les rabbins) de s’en défaire. Un exemple croustillant parmi tant d’autres : certains juifs d’Alger étaient encore polygames. En clair, pour devenir des israélites et ne plus demeurer des indigènes, les juifs ont abandonné la loi talmudique comme règle de vie sociale pour se soumettre au Code Napoléon». «Les musulmans, eux, n’ont jamais accepté de renoncer à la loi coranique, corpus juridico-politique qui s’impose à tout croyant, quelques rares exceptions individuelles confirmeront la règle», argumente-t-il avant d’«enfoncer le couteau dans la plaie» (sic) : «Après la Première Guerre mondiale, les autorités coloniales sont revenues à la charge pour récompenser les combattants algériens. Nouveau refus. Le déséquilibre démographique devenu trop important, les pieds-noirs bloquèrent désormais tout nouvel essai.»
En réaction à l’attitude d’une artiste d’origine africaine qui aurait fait preuve de racisme à l’égard d’un «Blanc» lors d’une cérémonie de remise de prix, Eric Zemmour «songe à la phrase de Franz Fanon» qui «avait deviné que la volonté inconsciente du colonisé [était] de devenir le colonisateur de son colonisateur». Et c’est tout ce qu’il partage avec le militant anticolonialiste assassiné par les barbouzes de François Mitterrand dont il regrette qu’il ait fait de la France, une fois parvenu au pouvoir, un Etat «devenu le distributeur de droits d’une société d’individus impérieux et capricieux» et dans lequel «les minorités organisées en lobbys tyrannisent la majorité, servies par le pouvoir médiatique et judiciaire». Le chroniqueur récemment interdit d’antenne par le CSA pleure l’enterrement par le Parti socialiste de l’accord signé par Giscard d’Estaing avec le gouvernement algérien censé mettre fin au regroupement familial.
Il conteste, enfin, le fait que «[notre] pays se livre à la détestation acharnée de son histoire, à la criminalisation systématique de ses héros». Pro-colonialiste ostentatoirement assumé, il se plaint, lui qui «vient d’une terre conquise par la France, comme l’Alsace, la Corse ou la Provence», de ce que «toutes les institutions françaises, […] jusqu’au président de la République, crachent sur la France et les générations qui l’ont faite». Allusion à la reconnaissance de quelques crimes – pas tous les crimes – commis par cette France, qui le gonfle d’une gloire infamante, en Algérie.
K. B.
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