La rente mémorielle
Par Youcef Benzatat – Ne vous en déplaise, Monsieur Macron, «le système politico-militaire algérien» est l’expression assumée de «la société algérienne dans ses profondeurs» et le garant de sa puissance morale dans sa relation aux autres peuples du monde. De la Palestine au Sahara Occidental, de l’Afrique au Moyen-Orient, la société algérienne est totalement en phase avec le combat que mène le système qui vous hante tant, en solidarité avec les peuples de ces régions du monde, et que vous qualifiez par dépit de charognard mémoriel. Il n’est pas son ennemi sous la bannière d’une armée coloniale génocidaire, ethnocidaire et pilleur de ses richesses pour construire sa métropole dans un ailleurs.
Ce système est constitué des entrailles de ce peuple et ne saurait trahir sa mémoire coloniale tragique et couvrir sa plaie béante par le déni et le mensonge. Le peuple algérien est un peuple de paix et de solidarité avec les peuples qui souffrent d’injustice causée par des néo colonisateurs. Ceci est l’héritage et la perpétuation du système politico-militaire qui a mis fin aux souffrances de la société algérienne meurtrie par l’immoralité et la barbarie de votre système politico-militaro-colonial.
Le système politico-militaire algérien se débat comme il peut pour construire un Etat et des institutions sur les épais décombres que vous avez laissés après votre départ forcé et sur le désordre dans l’imaginaire collectif et les structures mentales que vous avez provoqué dans la société profonde que vous appelez avec effronterie à témoin. Le système politico-militaire algérien s’est imposé comme une nécessité pour faire face au saccage de votre colonisation « civilisatrice ». Il ne lui aura pas fallu encore beaucoup de temps pour s’engager sur la voie de la démocratie, pour muer en régime civil et républicain. Mais le saccage était tel qu’il lui a fallu ouvrir un nouveau front pour parer au désordre de l’imaginaire collectif, conséquence directe de votre colonisation, qui s’est cristallisé dans tout ce qui a d’obscure et de dévastateur dans le mythe religieux. Ce fut un long et douloureux combat contre ces fous de Dieu auquel s’est jointe la société profonde pour sauver l’Algérie d’un désastre programmé, pendant que leurs idéologues et gourous étaient vos protégés.
Aujourd’hui, l’histoire se répète avec les mêmes tares, les mêmes stigmates et la même volonté de la part du système d’éradiquer le nouveau danger qui se présente. Cette fois-ci, ce sont les démons des ruines, ces ethnicistes, racistes, séparatistes, promoteurs de la pureté ethnique et pourvoyeurs du nationalisme ethnique, produit direct du saccage des structures mentales par la colonisation, toujours vos protégés en la circonstance, qui se posent en principaux obstacles à la transition vers un état civil, démocratique et social et menacent le pays dans son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale.
Certes, au sein de ce système politico-militaire figure bien des individus ayant été tenté par la patrimonialisation de la mémoire coloniale et ont été jusqu’à l‘instrumentaliser au rang d’une rente mémorielle à des fins égoïstes, sous forme de détournement de biens publics, corruption, malversations de tout genre, abus de pouvoir. Mais ce système dans sa profondeur ne se permet pas seulement d’éradiquer le danger qui peut peser sur le pays en dehors de lui-même seulement. A ce jour, près de trente généraux, des chefs de gouvernement, des ministres, de cadres d’entreprises publiques ont été condamnés et emprisonnés pour avoir enfreint les principes moraux qui cimentent son identité. Certes, le système est profondément miné de l’intérieur par des individus de cette espèce, encore en état de nuire. Le mouvement populaire de février 2019 avait permis d’en démasquer une partie, en même temps d’avoir démasqué les fous de Dieu et les démons des ruines qui complotaient contre l’unité du peuple algérien, de l’intégrité de son territoire et de sa souveraineté nationale.
L’Algérie est un pays qui vient à peine de sortir de 132 ans de néantisation coloniale. Le processus de refondation et d’édification de son état et ses institutions est en train de suivre son cours malgré ces pénibles obstacles qui se dressent brutalement sur son parcours. A cela, il faudra rajouter les lobbys et les puissances étrangères qui ne voudraient pas là voire émerger en tant nation et société forte et souveraine.
Faire de la mémoire coloniale une rente, c’est se renier soi-même. Comme celle qui consiste à renier les crimes de tout genre commis contre le peuple algérien par les supplétifs, pour ne pas dire les tortionnaires, violeurs, assassins et pilleurs, de votre armée immorale, meurtrière et destructrice, en invitant les harkis dans la campagne préélectorale sous le signe d’une reconnaissance sournoise, pour glaner quelques voix au prochaines présidentielles, dans l’espoir de contrer le «Zemmouristan» et le «Lepenenistan» qui se profilent tragiquement contre votre pays, pour vous faire élire comme représentant du système le moins pire, celui qui a plongé le peuple français dans le désarrois et la misère. Voilà la vraie perversion d’en faire de la mémoire coloniale une véritable rente symbolique à des fins politiques.
Y. B.
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