La France était-elle une nation avant 1945 ?
Une contribution de Hocine-Nasser Bouabsa – Dans une réception organisée le 30 septembre 2021 avec une vingtaine de jeunes gens liés émotionnellement ou historiquement à l’Algérie, le président français s’est pondu dans une averse torrentielle de stigmatisations envers l’Algérie et ses institutions, qu’il a qualifiées de «système politico-militaire». Le locataire de l’Elysée s’est, en outre, posé la question «si la nation algérienne existait avant la colonisation française».
De tels propos, non seulement ne peuvent laisser les Algériens, de toutes les catégories sociales, indifférents, mais ils détruisent surtout l’aura d’un Président qui, en manquant de respect à tout un peuple, perd lui-même tout droit au respect. Nous lui rendons la monnaie en inversant la question. La France fut elle une nation avant 1945 ? Cette question est légitime, si on connaît le degré élevé de la collaboration des institutions françaises et du peuple français avec les occupants nazis entre 1940 et 1944. Ce fut un réflexe collectif de subordination complète à une force étrangère. Les patriotes exceptionnels comme Jean Moulin et Charles de Gaulle furent de rares exceptions. Mais avant d’aborder le sujet de la collaboration, il est utile de rappeler à quel point la plus haute institution hexagonale, la présidence de la République, représentée par ses chefs d’Etat, est devenue, depuis presque quinze ans, sujet de moquerie du monde entier.
Des présidents à l’image de la décadence de la France
De Gaulle, Giscard, Mitterrand et Chirac étaient des hommes d’Etat, que le monde respectait et enviait à la France. Depuis 2005, c’est le contraire qui s’enchaîne avec ces Présidents élus par le fait de miracles inexplicables à la plus haute magistrature de ce pays, mais qui, au vu des résultats de leurs mandats respectifs, ne semblent pas mériter plus que la fonction politique d’un sous-préfet.
Oublions le bling bling de Nicolas Sarkozy, son fameux «karcher», son ridicule «descends, je te casse la gueule» et ses épouses mondaines et frivoles. Faisons aussi l’impasse sur le Président amoureux qui se promenait en Vespa pour aller rejoindre le lit chaud de sa concubine, l’actrice, avant d’aller se consacrer aux affaires plus sérieuses de l’Etat. Et arrêtons-nous sur son successeur, qui semble encore prisonnier des effets de son adolescence mal vécue et qui semble, en raison de son élection à un âge relativement jeune, ne pas supporter le poids de la fonction présidentielle. Le lecteur a bien compris. Il s’agit d’Emmanuel Macron.
Un bon banquier est généralement un mauvais politicien
Macron est un banquier professionnel en chair et en os, formaté par les mœurs et les pratiques de la haute finance froide et inhumaine. Et comme tous ses semblables, sa logique est très simpliste en raison de son faible QI émotionnel, intuitif et cognitif. Cette logique s’exprime presqu’exclusivement que par des additions, soustractions, divisions et multiplications, mais jamais en logarithmes mentaux complexes, nécessaires à la gestion des relations humaines et donc à celle qui doit prévaloir dans les relations entre Etats et entre peuples. Macron n’a donc pas le minima d’intelligence émotionnelle qui lui permet d’être un bon leader politique. La politique est, pour lui, plutôt un «Fremdwort» et sa carrière n’est seulement qu’un accident de route, provoqué par des policiers de circulation qui se sont transformés en bandits de chemins hors-la-loi.
Un peuple qui collabore ne peut former une nation
Ne revenons pas trop en arrière jusqu’à l’histoire de la Gaule et son interaction avec l’empire romain pour apporter de la lumière sur ce que c’est la nation française, mais seulement à un passé tout récent et focalisons-nous seulement sur la période 1940-1945, qui a vu la déferlante nazie envahir toute l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural. Si des petits pays comme la Tchéquie, la Belgique ou les Pays-Bas n’avaient pas les moyens de résister à la machinerie de guerre écrasante nazie et seraient donc excusables, le cas de la France est, lui, bien différent et édifiant. La «grande nation», comme les Français aiment se désigner, était une puissance militaire colonisatrice de la moitié de l’Afrique. C’était un empire comparable à celui du Royaume-Uni et de l’Union soviétique.
La question qui se pose donc est pourquoi l’URSS et le Royaume-Uni n’ont pas signé l’armistice, malgré les crimes contre l’humanité commis contre les populations soviétiques (24 millions de victimes) et bombardements sans précédent qui ont mis Londres en cendres et décombres, alors que la France l’a fait, juste après six semaines de guerre ? La réponse paraît simple. Les Français n’avaient pas la prétention d’être les citoyens d’une communauté nationale solidaire, qu’ils voulaient défendre. Au contraire des Soviétiques et des Anglais qui, eux, par contre, voulaient mourir en défendant les territoires de leurs nations au lieu de se rendre aux nazis. C’est ce qui fait incontestablement de l’URSS (plus tard la Russie) et de la Grande-Bretagne des nations au sens propre du terme. Le lecteur a le droit de se poser la question si ceci est valable pour la France.
Pendant quatre ans, les Français se plaisaient dans leur collaboration avec le régime nazi. Ce n’est qu’en 1944 qu’ils furent délivrés de leur subordination affligeante par l’armée américaine. Le nombre de victimes françaises pendant la Seconde Guerre mondiale est un indice fort qui suggère que les Français n’étaient pas très emballés par la résistance. Ce chiffre ne dépasse pas 350 000 dont une bonne partie est issue de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne. Pour comparaison, le nombre de victimes polonaises dépasse 5 millions.
L’Algérie, une nation millénaire
Le président français semble méconnaître, ou veut volontairement ignorer, l’histoire millénaire du peuple algérien qui est depuis au moins deux mille ans, non pas une simple peuplade dispersée sur le territoire nord-africain, mais forme une nation comme la définit Pierre-Marie Delpu, spécialiste d’histoire politique et professeur à l’Université Aix-Marseille : «Une nation est une communauté humaine qui se reconnaît des traits communs, culturels ou ethniques, au nom desquels elle veut constituer une entité politique souveraine.» J’ajouterai en plus : et qui est prête à tout moment à sacrifier ses meilleurs enfants pour préserver sa souveraineté.
L’entité politique algérienne (nation), qui avait des formes différentes à travers les siècles, défendait ses territoires contre toutes les invasions dont l’essence était prédatrice. Elle l’a fait contre les Romains, les Vandales, les Arabes ou les Turcs à chaque fois qu’ils ont voulu se comporter en conquérants prédateurs qui voulaient soumettre les populations locales et anéantir leur culture – ce que la France a pratiqué pendant toute la période coloniale. L’Algérie ne s’est jamais rendue, malgré le prix fort que son peuple en a payé : les historiens estiment le nombre d’Algériens tués, assassinés ou massacrés par la France à plus de 5 millions. C’est cette volonté indomptable du peuple algérien qui lui a permis de se libérer du joug colonial français en 1962. Chose que la France officielle et les héritiers de l’OAS n’ont pas encore digéré, même soixante ans après.
L’attaque de Macron est plus stratégique qu’électoraliste
Macron s’est attaqué avec véhémence aux institutions de la nation algérienne, qu’il a désignées de système «politico-militaire». La rage de Macron n’est qu’en second lieu d’ordre électoraliste, puisque cette sortie va lui coûter une bonne partie du vote des binationaux algériens, qui vont le sanctionner le jour J. Sa rage est plutôt d’ordre stratégique, en raison du refus de l’Algérie de pérenniser la politique dilettante de Bouteflika envers la France. Il s’agit, entre autres, du refus de l’ANP de seconder les troupes françaises au Sahel, des sanctions algériennes – coupure du gaz et interdiction de l’espace aérien algérien à tout avion marocain – contre le protectorat français au Maroc et la non-conduite de beaucoup de contrats avec les sociétés françaises. Par ailleurs, Paris soupçonne Alger de favoriser indirectement l’intrusion stratégique des Russes au Mali après leurs premiers succès à Bangui.
Le peuple algérien et son ANP sont indissociables
Ce n’est certainement pas de la coïncidence que Macron, dans ses attaques, s’est servi de la même dialectique et rhétorique qu’utilise le régime monarchique marocain, qui, pour gagner la confiance et la sympathie des Algériens, s’attaque ouvertement au commandement de l’ANP, tout en utilisant des termes élogieux envers le peuple algérien. Ceci induit que les deux pouvoirs sont partenaires dans leur croisade anti-algérienne et sont conseillés par les mêmes stratèges en communication.
Leurs objectifs communs sont de pousser le peuple algérien à se soulever contre son gouvernement, et particulièrement contre son l’ANP. Peine perdue, les réactions sur les réseaux sociaux ont, encore une fois, démontré que le peuple algérien et son ANP sont indissociables.
H.-N. B.
(PhD)
Comment (47)