Le président Macron tente de recoller les morceaux mais aggrave son cas
Par Abdelkader S. – Le président français essaye de rectifier le tir après avoir suscité l’ire des autorités algériennes par ses propos maladroits dont lui seul a le secret. Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron provoque une crise avec l’Algérie, mais aussi avec d’autres pays dont il croit détenir quelque tutelle, à l’instar du Liban ou du Mali, entre autres. Intervenant sur France Inter, il a repris son antienne coutumière en affirmant souhaiter qu’«il y ait un apaisement». Macron semble ne pas se rendre compte que, cette fois-ci, on n’est plus dans la petite «scène de ménage» entre l’ancienne puissance coloniale et son ex-colonie, mais bel et bien dans une crise profonde aux dimensions jamais égalées depuis l’indépendance de l’Algérie.
«Il y aura immanquablement d’autres tensions. Ce ne sont que des histoires de blessures. Le problème, c’est que beaucoup sont inconciliables les unes avec les autres. Or, on est tous ensemble dans le même pays, et donc on doit avoir un projet national qui nous embarque», a-t-il répondu, sans que l’on sache exactement à qui le candidat à sa propre succession dans six mois s’adresse. Macron cherche indubitablement à gagner les voix des harkis et des binationaux dont il escompte un soutien massif face à l’extrême-droite qui montre ses crocs et qui risque bien de créer la surprise en 2022.
Marine Le Pen est en pole position dans les sondages, tandis qu’Eric Zemmour affiche son intention de doubler tout le monde grâce à la tribune médiatique de CNews qui lui aura servi de courte échelle pour escalader l’enceinte inexpugnable de l’Elysée. Face à ses deux rivaux du même bord, l’ancien disciple de François Hollande sait qu’il aura à la fois besoin du bulletin de la communauté algérienne, quel que soit son bord, cependant qu’il devra, dans le même temps, braconner sur le terrain du Rassemblement national, de Génération identitaire, des nostalgiques de l’Algérie française, des pieds-noirs et des immigrés de la troisième génération, complètement francisés, pour multiplier ses chances de réussite à la prochaine échéance cruciale pour la France mais aussi pour les pays du Maghreb, l’Afrique francophone et les zones de guerre où l’armée française sert de chair à canon pour les intérêts d’une certaine classe politique française soumise à la puissance de l’argent, dont Macron fait partie.
Pour Amar Belani, «il est clair que l’obsession compulsive de la prochaine élection présidentielle a entraîné le président français dans le maelström de la surenchère anti-Algérie et anti-immigration, alimentée artificiellement par l’extrême-droite». L’ancien ambassadeur d’Algérie à Bruxelles avait souligné que le rapport de Benjamin Stora, «qui lui sert de prétexte commode pour ce repositionnement opportuniste, ne saurait engager l’Algérie car ce rapport répond essentiellement aux motivations unilatérales de la partie française et, surtout, il fait l’impasse sur la question centrale, à savoir la reconnaissance par la France officielle de ses crimes coloniaux perpétrés en Algérie».
«J’ai le plus grand respect pour le peuple algérien et j’entretiens des relations vraiment cordiales avec le président Tebboune. Mais nous avons enclenché un travail, avec le rapport que nous avons demandé à Benjamin Stora, avec la jeunesse française et franco-algérienne, et je continuerai ce travail», a encore dit le président français qui se montre ainsi fidèle à son hypocrisie politique qui consiste à gratter deux cordes en même temps, tout en sachant – lui, le stratège qui a pu écarter du pouvoir les ténors du système et mystifier une majorité de Français qui avaient cru à l’homme providence – qu’une telle posture insinuante lui fera perdre les voix de ces deux réservoirs qui ont servi de bouée de sauvetage au profit tantôt de la gauche, tantôt de la droite à chaque fois que les Le Pen, père et fille, ont failli franchir le seuil de l’Elysée.
«Il y a trop de compatriotes dont l’histoire est mêlée à l’Algérie pour faire comme si de rien n’était», a surenchéri le candidat Macron qui veut que «cette histoire» soit «embrassée» et que «toutes ces mémoires» soient «reconnues» et puissent «cohabiter». N’est-ce pas ce que demande l’Algérie ? Que la France reconnaisse son histoire criminelle et s’en repente ?
A. S.
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