Message codé de Lamamra : l’Algérie va bouter l’armée française hors du Sahel
Par Kamel M. – Comme pour le Maroc, les mesures de rétorsion contre la France ne se limiteront pas au rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Paris et à l’interdiction du survol de l’espace aérien algérien aux avions militaires français. Cela, le ministre des Affaires étrangères algérien l’a clairement laissé entendre lors de sa longue intervention au Mali, où il a été dépêché par le président Abdelmadjid Tebboune avec une mission bien précise. Après avoir rappelé à la France ses devoirs en tant que partenaire de l’Algérie et invité le locataire de l’Elysée à faire preuve de retenue, voire à relire ses manuels d’histoire, Ramtane Lamamra a ajouté qu’«en tant que pays africain fortement attaché à [notre] indépendance nationale, nous nous tenons aux côtés du Mali frère et nous rappelons à qui veut bien nous entendre, et entendre la voix de la raison, que l’Afrique, qui est le berceau de l’humanité, est également le tombeau du colonialisme et du racisme».
Le message est clair : l’Algérie s’emploie à botter l’armée française hors du Mali et, plus généralement, du Sahel où elle s’est implantée grâce sinon à la complicité du régime Bouteflika, du moins à sa permissivité. Les propos de Ramtane Lamamra, qui s’exprimait devant un parterre de journalistes maliens et devant les nouveaux dirigeants du pays, ne sont pas des paroles en l’air. «La lutte de libération nationale du peuple algérien a contribué à l’accélération de cette histoire et nous en sommes très fiers», a-t-il insisté, en expliquant que l’Algérie est, effectivement, «très fière de cette contribution à l’émancipation des peuples africains et ceci nous impose le devoir de rester extrêmement vigilants, extrêmement engagés lorsqu’il s’agit de préserver notre indépendance nationale comme celle de nos pays frères, voisins, amis».
Qu’est-ce à dire ? Le chef de la diplomatie algérienne répond : «Il est tout à fait clair que le destin de l’Algérie et le destin du Mali sont étroitement liés et nous ne pouvons donc, en de telles circonstances, que témoigner nos solidarités agissantes et travaillées, comme nous le faisons normalement, à régler ensemble nos problèmes pour que nous puissions nous projeter dans l’avenir avec confiance, courage, détermination, convaincus que nous sommes que la solution à nos problèmes est entre nos mains.» La nouvelle Constitution algérienne autorise l’ANP à agir hors des frontières. Et c’est cette nouvelle donne que le chef de l’Etat algérien semble avoir chargé Lamamra de mettre en exergue auprès de ses interlocuteurs maliens. La tournée du ministre des Affaires étrangères le conduira très certainement au Niger aussi, ainsi qu’au Tchad où il aura à convaincre les voisins du sud de la nécessité de s’affranchir de la tutelle de l’ancienne puissance coloniale pour défendre les intérêts de cette partie du continent avec l’aide de l’Algérie et non plus de la France.
Ce changement de cap est la suite logique du refus catégorique de l’armée algérienne de prendre part à la coalition constituée par la France dans le Sahel. Une coalition dont elle dicte la feuille de route de façon hégémonique, avec l’aide de ses partenaires européens et le soutien financier des bailleurs de fonds du Golfe. Le but de toutes ces puissances étrangères étant de s’implanter durablement à nos frontières et d’occuper le Sahel pour spolier les richesses souterraines qui continuent de servir exclusivement les intérêts étroits de quelques groupes industriels français, publics et privés.
Désormais, la France devra compter avec la nouvelle politique étrangère d’une Algérie qui ne se contentera plus de défendre ses frontières, mais est résolue à assumer pleinement son rôle de puissance militaire et économique régionale sur fond de changements géostratégiques profonds induits par la normalisation de pays arabes, dont notamment le voisin marocain, avec Israël, le conflit interminable en Libye qui voit tout effort de règlement de la crise sabordé par des Etats parasitaires et le retour en force de l’extrémisme islamiste, programmé par les Etats-Unis qui ont cédé l’Afghanistan aux talibans. Ce même Afghanistan qui a formé les cohortes de terroristes qui ensanglanteront l’Algérie durant la décennie noire et réduiront son économie à néant, au grand bonheur de François Mitterrand et de son parti socialiste qui, en France mais aussi en Algérie à travers Hocine Aït Ahmed, a tout fait pour imposer le FIS au pouvoir.
K. M.
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