Pourquoi le gouvernement doit mettre la société au centre de la gestion locale
Une contribution du Dr Abderrahmane Mebtoul – La synchronisation de la gouvernance centrale et locale implique une réorganisation du pouvoir local dont la base est l’APC, renvoyant à l’urgence de la révision des textes juridiques qui ne sont plus d’actualité. Après le tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toute forme de synergie et à l’ingénierie territoriale.
L’urgence d’un renouveau dans la gestion des collectivités locales articulé au nouveau rôle de l’Etat régulateur au niveau central, posant la problématique stratégique de la décentralisation, inséparable de la bonne gouvernance centrale et de l’efficacité des institutions s’impose afin de redonner confiance aux citoyens, sans laquelle aucun développement n’est possible. Cela renvoie à l’aménagement du territoire qui doit placer l’homme créateur au cœur du développement avec un triple objectif : une société plus solidaire, la croissance au service de l’emploi et mettre l’Algérie au cœur du développement de la Méditerranée et de l’Afrique, espace naturel de l’Algérie afin de favoriser la stabilité régionale et une prospérité partagée.
L’Algérie s’étend sur 2 380 000 km2, dont 2 100 000 km2 d’espace saharien. La densité paraît faible, mais les 9/10 de la population sont concentrés sur les terres du Nord. Sa situation géographique est stratégique, en face de l’Europe, côtoyant la Tunisie, l’Atlantique Maroc/Mauritanie, la Libye, le Mali et le Niger comme point d’appui de l’Afrique subsaharienne. L’objectif stratégique horizon 2021-2030 est d’éviter que plus de 95% de la population vivent sur moins de 10% du territoire.
Il s’agira d’éviter les constructions anarchiques avec le manque d’homogénéisation dans le mode architectural, un taux accéléré d’urbanisation avec des bidonvilles autour des grandes villes, avec le risque de l’extension de nouvelles formes de violence à travers le banditisme et de maux sociaux comme la drogue et la prostitution. Pour l’Algérie, il s’agit de procéder à une autre organisation institutionnelle qui ne sera efficace que sous réserve d’objectifs précis, d’opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Les règles d’organisation et d’administration du territoire doivent inclure la protection de l’environnement et être souple dans son organisation, en évitant le centralisme administratif afin de construire un socle productif sur plus d’individus et davantage d’espace.
La recomposition du territoire s’inscrit dans un vaste projet inséparable des réformes structurelles à tous les niveaux. L’aménagement du territoire ne peut être conçu d’une manière interventionniste, mais doit être basé sur la concertation et la participation effective de tous les acteurs sociaux. L’aménagement du territoire devra répondre aux besoins des populations en quelque lieu qu’elles se trouvent et assurer la mise en valeur de chaque portion de l’espace où elles sont installées.
Il ne s’agira pas d’opposer le rural à l’urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites, mais d’organiser leur solidarité. Pour cela, s’impose la refonte des finances locales sans laquelle la politique d’aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s’appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches afin de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous-systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions.
La décentralisation économique peut être définie comme un mode d’organisation de l’Etat qui confère à la région un rôle et un statut économique propre, caractérisé par une autonomie relative mais non indépendant de l’Etat régulateur central pour les grandes orientations stratégiques tant politiques qu’économiques, cette autonomie étant donc encadrée par l’autorité nationale. Toute décentralisation appelle les questions fondamentales suivantes : compétences du pouvoir local ; règles de composition et de fonctionnement des assemblées et exécutifs locaux ; ressources locales ; relations avec le pouvoir central ; modalités de transfert aux pouvoirs locaux et, enfin, concertation entre les différentes wilayas avec pour objectif une meilleure efficacité ressentie comme telle par la population, l’argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu’il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale et que la diversité des situations locales impose une diversité de solutions pour s’adapter aux conditions locales spécifiques.
Une réelle décentralisation suppose une clarté dans l’orientation de la politique socioéconomique évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central, permettant un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs et des nouvelles stratégies élaborées, favorisant un nouveau contrat social national afin d’optimaliser l’effet de la dépense publique et rendre moins coûteux et plus flexible le service public. La création de ce nouvel espace public générerait une nouvelle opinion publique, voire une nouvelle société civile, permettant l’émergence de thématiques communes, des modes de proposition communs et donc déterminerait des choix collectifs optimaux.
Car une centralisation à outrance favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c’est-à-dire une gouvernance qui s’impose par la force et l’autorité, loin des besoins réels des populations, et produit le blocage de la société. La synchronisation de la gouvernance centrale et locale implique une réorganisation du pouvoir local dont la base est l’APC, renvoyant à l’urgence de la révision des textes juridiques qui ne sont plus d’actualité. Après le tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toute forme de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est dans ce contexte que l’APC doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace.
C’est à l’APC que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement devant se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions, devant penser un autre mode de gestion, permettant de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l’aménagement du développement et du marketing de son territoire. La structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont cinq à six chambres de commerce régionales qui regrouperaient l’Etat, les entreprises publiques/privées, les banques, la formation professionnelle et les universités/centres de recherche, le wali servant de régulateur afin de favoriser la création de richesses au niveau local.
Au vu des événements tant actuels que futurs, à savoir les tensions géostratégiques au niveau de la région, l’épidémie du coronavirus et son impact sur le système de santé et le tissu économique, les impacts du réchauffement climatique avec les inondations et les incendies, cela rend urgent un nouveau management stratégique des collectivités locales par une lutte contre le cancer de la bureaucratie qui paralyse toute initiative créatrice, en impliquant les citoyens.
La véritable décentralisation, processus complexe éminemment politique, implique de poser le rôle de l’Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socioéconomique, ce qui renvoie au mode de gouvernance afin de favoriser une démocratie participative tenant compte de notre riche anthropologie culturelle, de l’efficacité économique et de la nécessaire cohésion sociale et territoriale.
A. M.
Professeur des universités, expert international
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