Les harkis : ces supplétifs des puissants et maraudeurs des deniers publics
Une contribution de Mesloub Khider – Depuis trois ans, l’Etat de Macron livre une terrible guerre sociale sur fond de mesures liberticides à son peuple. Tout comme l’Etat colonial français livrait une guerre d’extermination contre les «indigènes» algériens de 1830 à 1962, en particulier à compter de 1954 où les massacres de masse prirent une dimension génocidaire, opérations désignées sous l’euphémistique formule désarmante par son innocente candeur propagandiste de «pacification du pays».
Dans les deux contextes, le motif de la guerre livrée par l’Etat impérialiste français à ses ennemis de l’intérieur est la revendication du peuple à vivre dignement, de son droit inaliénable de s’affranchir de l’exploitation et de l’oppression. Son aspiration d’accéder à son indépendance, politique et économique. Sa soif de justice sociale. De liberté. De démocratie populaire horizontale directe. Sa résolution à s’émanciper des servitudes imposées par les puissants, les colons.
Dans les deux contextes historiques, l’unique réponse apportée par le pouvoir bourgeois français est la répression. La mobilisation des forces de l’ordre pour mater la rébellion, écraser la révolte, anéantir la résistance. Tous les moyens dictatoriaux sont employés pour maintenir l’ordre, colonial, hier, capitaliste, aujourd’hui. L’état d’urgence. Le déploiement extraordinaire des forces répressives. L’instauration de tribunaux d’exception. L’usage de la torture. Les arrestations abusives et préventives. Les jugements expéditifs et arbitraires. Les incarcérations. Le recours aux forces supplétives. Ces auxiliaires meurtriers dénommés «harkis».
Ironie de l’histoire, aujourd’hui, à la faveur de la guerre de classes rampante en France, les enfants de harkis s’invitent, comme un cheveu sale sur la soupe, sur le théâtre des opérations, non pour rejoindre leurs frères d’armes français, les résistants en lutte contre la dictature sanitaro-sécuritaire et la dégradation des conditions de vie et de travail de la population laborieuse française, mais pour imposer leurs catégorielles doléances criminelles de «reconnaissance de la souffrance» de leurs géniteurs massacreurs, doublées d’une réclamation d’une conséquente indemnisation pécuniaire en guise de réparation des préjudices subis depuis leur rapatriement (sic). Quel fourvoiement ! Quel dévoiement ! Le harki, quelle que soit l’époque, guidé par l’appât du gain, se trompe toujours de combat. De génération en génération, l’âpreté de gain et l’esprit du lucre gouvernent sa personnalité servile et son âme vile. Le harki est congénitalement collaborateur, religieusement adorateur des puissants. La collaboration est sa religion. Il ne communie que dans la trahison. La servitude est sa seconde nature, la première étant le reniement national.
Encore une fois, à un moment tragique de l’histoire de France, ces Français de papier (harkis) ne rejoignent pas la résistance, le combat antisystème des braves militants français (comme leurs parents avaient déserté le combat révolutionnaire de leurs «frères de lait», les nationalistes algériens). Ils préfèrent festoyer dans les palais de l’Elysée pour assurer les dirigeants honnis de leur fidélité à l’Etat des riches, de leur loyauté à l’égard de la République impérialiste française partout vilipendée, de leur allégeance aux autorités gouvernementales françaises pourtant contestée par l’ensemble de la population française.
A cet égard, il est utile de rappeler comment le défunt Georges Frêche, ancien maire de Montpellier, connu pour son engagement contre la guerre d’Algérie et l’OAS, avait apostrophé les harkis : il les avait qualifiés de «sous-hommes sans honneur». Cette caractérisation conforte une vérité historique sur les harkis : quoiqu’enrôlés sous le drapeau tricolore de la France, les harkis ne furent jamais assimilés à des soldats de plein droit car, en tant qu’indigènes, ils n’étaient pas considérés comme des citoyens français. Donc, ces harkis, qui avaient soldé leur honneur, étaient des sous-soldats touchant des demi-soldes. Ainsi, en connaissance de cause, sans perspective de bénéficier de quelque pécule, promotion sociale ou émancipation politique, ils acceptèrent néanmoins, «sans honneur», de s’enrôler comme supplétifs. Avec les harkis, le prix de la trahison vaut encore moins cher que leur personnalité maudite : il est modique !
A nouveau, à l’instar de leurs parents fiers de s’être affublés du treillis militaire colonial maculé de sang des combattants algériens, les harkis contemporains arment leur fusil rouillé revendicatif de nouvelles cartouches de suppliques tirées contre le gouvernement Macron afin de le faire plier en matière de dédommagements financiers et d’«hommages mémoriels». En France, on dénombre plus de 700 associations lucratives liées à la cause harkie, pour environ 400 000 descendants de harkis, activant obséquieusement pour soutirer des prébendes à l’Etat, s’octroyer des sinécures dans les administrations, de multiples avantages obtenus dans le cadre de la politique de discrimination positive appliquée en leur faveur, notamment dans l’accès prioritaire à la formation, à la fonction publique, au logement, etc.
Les harkis, cinquième roue du carrosse colonial répressif, demeurent toujours à la remorque des événements de l’histoire. Dépourvus de personnalité et de dignité, de père en fils, ils s’emparent toujours de toutes les opportunités socio-politiques, surtout les plus tragiques, pour faire bassement main basse sur l’histoire. Pour se livrer à des maraudes politiques. Dérouter et dénaturer les combats émancipateurs. Rabattre les faveurs et les prévenances sur leur situation indécemment victimisée. Arracher quelques subsides à l’Etat impérialiste français afin de poursuivre leur parasitaire existence fondée sur l’assistanat et le servile partenariat avec les puissants – le harki est un fidèle partenaire ; il assouvit sans rechigner leurs désirs.
Au reste, dans ce contexte d’exacerbation des tensions sociales entre la population française meurtrie et le gouvernement Macron meurtrier, il ne serait pas surprenant de voir certains harkis proposer leurs services pour s’enrôler comme mercenaires au sein des forces de l’ordre françaises en vue de rejouer la pièce sanglante favorite de leurs parents, intitulée «la collaboration massacreuse».
Comme l’avait déclaré le président de l’association harkie, Djamel Guedouar : «Cela fait 56 ans qu’on attend d’être reconnus. En 56 ans, on en est toujours au même point. Le président Macron doit reconnaître les massacres et l’abandon des harkis. On doit lui rappeler, il doit tenir ses promesses (…). On doit le faire, c’est pour nos parents. Il faut se battre pour eux.» «A la fin de la Guerre d’Algérie, près de 90 000 harkis et leur famille ont été admis en France dans des conditions précaires. Camps, hameaux de forestage, cités urbaines, sans perspective d’intégration. Entre 100 000 et 150 000 ont été abandonnés en Algérie, ils ont été les victimes de sanglantes représailles de la part de nationalistes qui les ont considérés comme des traîtres», avait-il ajouté au journal Var Matin.
Les harkis et leurs descendants attendent une reconnaissance de la part de l’Etat français, clament-ils. Quelle reconnaissance ? Celle de criminels de guerre coloniale menée contre les résistants algériens ? Par une inversion accusatoire, ces harkis s’érigent en victimes. Or, ils ont été les supplétifs de l’armée coloniale française, responsable du massacre d’un million et demi de martyrs algériens. Depuis quand honore-t-on les criminels de guerre ? Dédommage-t-on les meurtriers ? Qui ont subi la torture de masse, les représailles collectives contre les civils, les exécutions sommaires, l’anéantissement de villages et le regroupement forcé dans des camps érigés par l’armée, les incarcérations, les ratonnades ? Les harkis ou les indépendantistes algériens, autrement dit l’ensemble de la population algérienne engagée dans sa légitime et honorable lutte pour son indépendance ?
Aussi ces criminels harkis ne sont-ils pas fondés de réclamer des réparations à la France. En revanche, ils sont passibles de poursuites judiciaires devant un tribunal international pour crimes contre l’humanité, au même titre que l’Etat français. Et si réparations pécuniaires il doit y avoir, c’est aux harkis de dédommager les moudjahidine algériens pour les crimes qu’ils ont perpétrés. Ces dédommagements financiers sont aussi redevables de la part des enfants de harkis établis en France, ces harkis revendicatifs et vindicatifs qu’il convient de faire taire définitivement. Une action en justice doit être intentée par l’Algérie contre les harkis et leur parrain, l’Etat français. Les Allemands ne continuent-ils pas à verser des réparations à Israël et au Congrès juif mondial ? Ce qui constitue une aberration juridique et morale du fait que l’Etat d’Israël n’existait pas pendant la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, les Allemands contemporains ne sont pas responsables des crimes commis par le régime nazi. Et pourquoi l’Allemagne a-t-elle été condamnée à verser des dédommagements de guerre aux seuls juifs, alors qu’elle est responsable de 60 millions de morts – dont 27 millions de Russes massacrés par les nazis ? La vie d’un juif vaudrait-elle plus que celle d’un Russe, d’un Polonais, d’un Belge ? Même les juifs d’Algérie encore survivants, pourtant épargnés par les affres de la guerre dans les années 1940-45, ont bénéficié en 2018 d’une indemnité attribuée par l’Allemagne, «la vache à lait» des sionistes qui auraient reçu des dizaines de milliards de dollars – officiellement 80 milliards – du Trésor public allemand depuis 70 ans. En 2021, 76 ans après la fin de la guerre, l’Allemagne continue encore de verser chaque année plus d’un milliard de dollars d’indemnités aux juifs.
«Quand on est arrivé en France, on a été traités comme des indigènes, on a été considérés comme des étrangers. Nos parents ont été parqués comme des animaux. Oui, nos racines sont en Algérie ou en Tunisie, mais nous sommes des citoyens français», avait déclaré le même harki.
En effet, aux yeux des Français, vous serez toujours des indigènes, des «Français» citoyens de seconde zone. Et pour tous les Algériens, avec votre persistance à surfer sur le récit de victimisation et votre pathologique posture à ériger la honteuse harkéité en fierté identitaire communautaire, vous n’intégrerez jamais leur histoire, leur pays. Vous demeurerez toujours des indigènes, des indignes, moralement indigents, algériennement déficients – vous souffrez d’un lourd déficit d’algérianité. Seule la repentance vous réconciliera avec l’Algérie. L’abdication de votre assignation à l’identité harkie vous permettra de laver votre déshonneur, vous accordant le privilège de réintégrer la matrice nationale algérienne.
Enfin, à cet égard, il est utile de souligner que les harkis viennent d’obtenir partiellement gain de cause (une cause entachée d’indignité et un gain financier contaminé par le virus de la traîtrise constamment réactivé pour nourrir leur personnalité génétiquement corrompue par la perfidie. En effet, un texte de loi, «Reconnaissance et réparation» (quels dommages les harkis auraient-ils subis ? Celui, pour prendre cet exemple amplement invoqué, de leur installation, à leur arrivée en France en 1962, dans des lieux de relégation spatiale et des cités de transit ? C’était le cas de centaines de milliers d’Algériens et d’immigrés d’origines diverses, en situation régulière à la même époque, sans oublier les catégories sociales défavorisées de souche française, parquées dans les mêmes habitations insalubres situées dans cités dortoirs, NDA) été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, inscrivant d’ores et déjà 50 millions d’euros dans le fonds d’indemnisation, auxquels s’ajouteront au moins 250 millions supplémentaires dans les prochaines années.
Il est symptomatique de relever, preuve de la prégnance de l’esprit foncièrement colonial sur les classes dirigeantes françaises contemporaines pétries congénitalement de relents racistes, que le gouvernement, via l’Assemblée nationale, adopte un projet de loi reconnaissant «les conditions indignes de l’accueil» réservé aux 90 000 harkis et à leurs familles (qui avaient fait le choix politique du maintien de la présence française en Algérie et de l’enrôlement dans les troupes supplétives de l’armée coloniale, NDA) qui ont fui l’Algérie après l’indépendance», mais n’a jamais formulé le moindre pardon aux 9 millions d’Algériens survivants en 1962, victimes de massacres de masse durant 7 longues terrifiantes années, parvenus à se libérer du joug colonial après avoir vécu 132 ans dans des conditions d’esclavage, privés de tous les droits : politique, social, économique, juridique, culturel, scolaire. Les harkis ont-ils été privés depuis leur rapatriement en France de leurs droits (politique, économique, juridique, éducatif) par l’Etat français ? Certes, depuis 1962, les harkis n’ont pas eu à subir de la France le code de l’indigénat, mais de la part des Algériens, ils ne cesseront pas d’être tenus en «indigninat» ; autrement dit, comme des êtres indignes.
M. K.
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