Les tentatives acharnées du Maroc de s’approprier l’héritage culturel de l’Algérie
Les tentatives du Makhzen de s’approprier l’histoire et patrimoine de l’Algérie n’ont pas cessé causant de violentes polémiques sur les réseaux sociaux. Cet acharnement ne date pas d’aujourd’hui : du couscous, héritage commun de l’ancienne Numidie, à la musique Raï, née dans l’ouest algérien, en passant par le Chaâbi et l’habit traditionnel algérois, le Karakou, à la robe oranaise, la liste des biens culturels immatériels, appartenant à l’Algérie, ne cesse de s’allonger sans aucun scrupule et ce, au mépris de la vérité historique
Le Makhzen marocain qui s’approprie la datte (Deglet Nour) et l’huile d’olive locale, s’empare également l’aura de Saint-Augustin dans le cadre du tourisme cultuel.
«J’ai même entendu dans un marché de Rabat, un commerçant décliner à des touristes étrangers la Croix du sud comme étant l’œuvre d’artisans touareg du Maroc sachant que ces derniers n’existent pas au Maroc», témoigne à l’APS Salwa, ayant séjourné dans ce pays.
Mais c’est sur la toile que l’on prend la pleine mesure de cette bataille maghrébine autour du patrimoine, les commentaires virent à l’insulte, au mépris de la bienséance et de la courtoisie. «Il a suffi que je dise que l’argan existe en Algérie pour que ma page Facebook soit bloquée», témoigne une internaute, évoquant, en outre, le récent incident ayant suivi la déclaration de la Miss Maroc 2021 relative à ses origines algériennes et qui lui ont valu une pluie d’attaques virulentes de ses concitoyens. La concernée ayant déclaré que sa grand-mère a transmis à des Marocaines l’art de la broderie.
En plus du patrimoine immatériel, l’Algérie est de plus en plus cible de tentatives d’appropriation de ses grandes figures historiques, à l’instar des souverains berbères. Une propension qui s’est tellement exacerbée que des passionnés du patrimoine algérien ont jugé utile de réagir en créant, entre autres, des pages et des groupes sur les réseaux sociaux dédiés à sa sauvegarde, en y publiant articles et images corroborant la paternité de l’Algérie sur celui-ci.
«Nous pouvons nous enorgueillir d’avoir eu des personnalités de premier plan, nées sur le sol algérien, comme Massinissa, Syphax ou encore Juba II. Ce dernier qui fut un roi savant dont le musée à Cherchell démontre la richesse artistique de sa capitale Caesarea de Maurétanie. Et que dire de la personnalité de Saint Augustin qui fut une des lumières de l’église chrétienne !», souligne l’historien Abderrahmane Khelifa, rappelant des noms historiques liés à la résistance, à l’instar de Jugurtha et de Takfarinas qui «soulevèrent l’ensemble de l’Afrique du nord», ainsi que la Kahina, pour la période ayant marqué l’avènement de l’Islam dans le Maghreb.
Dans le registre de la musique, le directeur de l’Agence algérienne pour le Rayonnement culturel (AARC), Abdelkader Bendaamache, déplore que les pratiques des voisins n’aient pas épargné le style «Chaâbi», soutenant que ce style est «propre à l’Algérie et est issu de la poésie religieuse fondée par le grand poète Sidi Lakhdar Ben Khellouf».
Et de poursuivre : «c’est grâce à l’académicien Boudali Safir que le répertoire algérien a été classé, pour la 1ére fois en 1947, en 5 genres musicaux, dont le Madh, mais ce n’est qu’après l’indépendance du pays, que l’orchestre musical du Madh, dirigé par El Anka, a pris l’appellation de Chaâbi, avant de dénoncer les «visées tendancieuses» ayant entouré la production du film El Gosto retraçant l’histoire du Châabi, car «éloigné de la véracité des faits». Si bien, fait-il savoir, que sa projection en Algérie a été empêchée.
Abordant la richesse du répertoire musical algérien, ce chercheur en littérature bédouine assure, par ailleurs, que le «Hawzi» et le «Aaroubi» ont été créés en Algérie avant de passer chez les voisins de l’Ouest, précisant qu’avec le «Gharnati», associé à la ville marocaine de Fès, ces genres musicaux font partie du «large héritage andalou».
De son côté, la chercheure au Centre national de Recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), Ouiza Gallèze, cite la large variété du chant féminin algérien représenté dans les troupes appelées les «Meddahate» à l’Ouest, les «Fqirat» à l’Est, «Lamsamaa» à Alger, «Achouiq» en Kabylie et les «Srawi» dans les Aurès.
Interpellée, par ailleurs, sur le patrimoine de la Fantasia, elle rappelle que celui-ci est inscrit sur la liste de l’Unesco par l’Algérie dans le cadre du dossier «Pèlerinage du Rakb de Ouled Sidi Cheikh» (2013), tout autant que le Caftan, souvent objet de «tiraillements» avec les voisins de l’Ouest, dans le cadre du dossier «Le costume nuptial de Tlemcen, Echedda» (2012).
Souvent attribué au Maroc, le Caftan y a été «ramené d’Algérie vers le 16e siècle durant la période ottomane, lorsque le sultan Abou Abbas Ahmed El-Mansour l’y a découvert la première fois et en fût ébloui», soutient Bendâamache.
Pour Khelifa, cet habit n’est nullement l’exclusivité de ces derniers: «Il suffit de lire les auteurs du moyen âge qui évoquent des vêtements dans les cours ziride, hammadite, almoravide, almohade, mérinide, zayyanide, hafside, etc. Ils étaient quasiment les mêmes à Tlemcen, Fès ou Tunis».
Ceci, au moment où le chercheur en patrimoine, Abdelhamid Bourayou, considère qu’il s’agit d’un «patrimoine maghrébin commun», notant son origine «turque ou andalouse», tandis que des écrits la situent en Asie (Mongolie, Perse), où à la base il était masculin.
R. C.
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