Ukraine, Palestine, Sahara Occidental : les mensonges à bout de souffle !
Une contribution d’Ali Akika – L’Ukraine, entre menaces et bruits de bottes, ne connaîtra pas d’invasion. Les suicides ne sont pas la tasse de thé des Etats. Parce que l’agresseur n’a pas la certitude de sortir vainqueur. Parce que l’ennemi a, lui aussi, des armes pouvant transformer le pays agresseur en un unique océan de boue et de feu. D’aucuns pensent à une erreur ou à un accident d’un benêt «à son insu» qui peut être à l’origine de la guerre. Hélas ! le danger viendrait du côté de ces sociétés et en particulier chez des gens qui vivent dans une sorte de schizophrénie. Des gens qui voient le monde depuis leur confortable piédestal d’où ils projettent leurs certitudes nourries de leur bon droit et d’un mélange d’arrogance et de bêtise. Cette vision du monde, on la retrouve, on la subit dans la majorité des médias en Occident. Une vision qui a une idée fixe, son mantra toujours univoque sur l’histoire et l’actualité du monde.
Les exemples de médias qui offrent ce genre de spectacle sont légion. La semaine dernière, à la suite d’une déclaration solennelle du Président français sur la fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1961, on a eu droit à un mensonge de caniveau, aussi vulgaire qu’haineux. Un ex-journaliste devenu maire d’une grande ville déclare sans rougir que le FLN a tué plus d’Algériens que l’armée française. Un autre exemple de politique internationale (sur l’Ukraine) est tout aussi édifiant. L’animatrice d’un débat avait organisé sa mise en scène habituelle. Trois invités qui répètent la même chanson et le quatrième était russe. L’animatrice avec ses habituelles questions teintées de désinformations et d’ignorance rata son show. Le Russe était un ex-ambassadeur qui fut précis et flamboyant face au concert mal accordé des autres invités. J’ai pris ces deux exemples de l’actualité pour dire que ce genre de spectacle lamentable est courant quand il s’agit de certains pays ou de certaines causes…
Ainsi, la Palestine occupée, son peuple devenu soldat avec unique étendard, la libération de sa terre. Un peuple toujours debout, jamais ne plie. Le Sahara Occidental, comme tout désert, est une terre balayée par l’errance de la poésie. Elle est aujourd’hui hélas ! infestée de la présence d’un Makhzen, serviteur d’un roi qui s’y maintient grâce l’aide de protecteurs à qui il a vendu son âme. Heureusement, l’époque de la guerre froide, avec ses armes prêtes à l’emploi, ses idéologies qui font le lit des peurs, a laissé place à d’autres rapports de force. La grande Amérique avec ses bases militaires éparpillées dans le monde, appuyée sur la fabrique des séductions de son cinéma, pense, aspire à rester le phare du «monde libre». «Grande Amérique toujours plus grande !»
Ces mots et ces discours ont construit le roman du rêve américain. Mais, de nos jours, les arsenaux d’armes sophistiquées ne sont plus le monopole des seuls Américains. Quant à la machine de la désinformation, elle est victime de ratés depuis qu’une ridicule fiole a été exposée à l’ONU devant le monde entier qui ricanait. Durant la guerre froide, les gros mensonges avaient des échos sur des esprits formatés jusqu’à faire oublier l’Amérique des Raisins de la colère de John Steinbeck (prix Nobel de la littérature). Hélas ! la grande littérature américaine ne faisait pas le poids face aux casinos flamboyants de Los Angeles et les savoureux films d’espionnage et du Far West de Hollywood. A ce tableau de couleur quelque peu bistrée, il faut ajouter l’image des présidents des Etats-Unis.
Entre Georges Washington, qui présida ce pays qui se libéra de la férule anglaise, et Trump qui était encore Président durant l’invasion du temple-forteresse de la démocratie américaine, la voix de l’Amérique (1) ne renvoie plus les échos du rêve américain. Après ses déboires au Vietnam et aujourd’hui en Afghanistan, l’image de l’Amérique n’a plus la cote d’antan. La levure ne prend pas quand la farine perd de sa senteur une fois abîmée par le moisi provoqué par les blattes. Ainsi, hier comme aujourd’hui, les guerres font rage et l’Amérique, imperturbable et têtue, continue son manège d’enfant gâtée et sûre d’elle.
Ukraine, Yémen, Palestine, Syrie, Sahara Occidental connaissent la guerre et, évidemment, les Etats-Unis ne sont jamais loin. Chacun de ces pays a sa propre histoire mais tous sont victimes d’un syndicat d’Etats qui s’obstinent à les regarder et analyser avec les lunettes du bon vieux temps. C’était l’époque où ces puissances avaient les moyens de la force brute pour s’imposer aux peuples. L’époque de la canonnière infiniment brutale et sauvage contrairement à la geste frivole des zazous qui chantaient les exploits de leurs légionnaires. C’était l’époque où la puissance faisait passer le mensonge pour de la vérité et l’aventure coloniale pour du romantisme qui changeait le monde avec, bien sûr, le sang et la sueur des autres. D’éminents esprits de l’époque avaient qualifié cette entreprise de civilisation… Mais aujourd’hui que la puissance militaire se partage avec des rivaux, qu’une autre façon de penser et d’analyser les choses a détrôné la métaphysique des conquérants d’hier, rien ne va plus dans le royaume du Danemark. La revue des pays où se fabriquent les petites et grosses manipulations révèle les ingrédients de la rhétorique des maîtres du monde.
Les Etats-Unis, passons vite sur l’histoire de ce vaste pays qui a écrit le roman de son nouveau monde. Arrêtons-nous seulement sur l’incroyable événement du 6 janvier 2021 où une véritable tornade insurrectionnelle a failli faire tomber le Congrès américain, symbole des symboles de la démocratie américaine. Beaucoup a été dit, écrit, filmé sur cet évènement qui aurait pu ébranler le monde pour reprendre le titre d’un roman de John Reed, Un Américain qui admira la révolution russe de 1917. Ainsi, le 6 janvier 2021, une fois le danger passé, les hâbleurs de la parole et des mots vidés de leur substance, émirent un ouf de soulagement accompagné d’une phrase convenue : «La démocratie américaine est forte.» Ils n’avaient rien à dire sur les sources lointaines de l’invasion du Capitole, le cœur et l’âme du pouvoir de l’Amérique. Rien à dire sur ceux qui avaient tiré les ficelles, rien à dire sur la nature des ingrédients qui mijotaient dans le fameux Etat profond depuis belle lurette. Rien à dire sur un évènement qui n’est pas un OVNI sorti de nulle part. Les «rien à dire», une fois rassurés, ferment leur bec et reprennent leurs vieilles habitudes de niaiseries sur la Palestine, le Yémen et aujourd’hui l’Ukraine.
Ces «rien à dire» ne savent pas qu’ils ont ouvert le chemin à un certain Zemmour, un gugusse qui installe la France dans la banalité d’un train-train mortifère. Aujourd’hui, dans ce pays qui a fait deux révolutions, celle de Robespierre en 1789 et de Louise Michèle en 1871, émerge un personnage qui hait la France de la République et lui préfère l’Etat français de Pétain. Un mot sur ce personnage dont le père naquit dans un pays jamais nommé. Il préfère nommer une ethnie supposée et une religion assumée. Il se dit berbère et juif. Le petit malin se croit intelligent (il pense diviser l’émigration pour régner, rengaine coloniale usée jusqu’à la corde). Mais tout le monde aura compris qu’il ne veut pas être confondu, ni assimilé aux Arabes et aux musulmans. Car sa haine s’abreuve au puits de sa propre histoire personnelle avec cette Algérie devenue indépendante qui peuple ses nuits de cauchemars. Sa haine a des racines dont les traces sont encore présentes dans deux lieux de l’histoire, l’Andalousie et Constantinople (2).
Deux pays d’où l’islam triomphant à l’époque avait «chassé» la chrétienté. Mais le Zinzin, prétendant à la direction d’une France fantasmée, fait le lien entre ces événements des VIIIe et XVe siècles avec l’Algérie que son père quitta. Le Zinzin a donc beaucoup de motifs de déverser sa haine sur ces Arabes, ces musulmans. Il veut attirer les voix, ô triste paradoxe ! d’une partie de la France qui avait assisté au cirque d’hiver à la rafle des juifs, ses coreligionnaires, que l’on transporta aux camps de concentration nazis. Voilà donc un Zinzin qui enterre le pays des communards et de Louise Michèle pour espérer ressusciter la France de Thiers, de Boulanger, de Pétain et autre Salan, de sinistre mémoire. Impuissant devant le monde qui monte et nostalgique et les siens qui dégringole de son piédestal, le Zinzin regarde les peuples avec des lunettes embuées de l’amertume des arrogants. Pour en parler, il utilise des mots caducs et dégueulasses pour apaiser sa propre frustration.
Après l’Amérique qui est de retour, après la France où émergent des Zinzins, voyons les turpitudes et les sales coups de deux Etats qui ont pris soin de ne pas se désigner par le vocable de République. Ils ont pour nom Etat d’Israël et Etat monarchique du Maroc (3). Est-ce un hasard que ces deux Etats aient snobé la belle appellation de République ? Bien sûr que non ! République repose sur un collectif nommé peuple composé de citoyens qui ont leurs mots à dire sur la chose publique (politique). Ces deux Etats occupent des pays au nom de liens tribaux. Israël se réfère aux douze tribus citées dans la Bible et le Maroc, plus «modeste», se contente de liens d’allégeance de Sahraouis avec le seigneur de leur région, lequel se vend en baisant la main du roi du Maroc. Question légalité ou légitimité, on connaît le sort réservé par l’Histoire à ce genre de conquête et sa justification ensuite par une construction idéologique et fantasmée. Dans ces deux Etas, il n’est pas étonnant de voir fleurir des discours messianiques, féodaux et chauvins qui ont alimenté ce genre d’entreprise coloniale. Une entreprise mitée dès le début dont la survie est dépendante de la naphtaline et celle-ci finit par s’évaporer sous la pression du temps. Car les habitants autochtones de Palestine et du Sahara ont toujours vécu sur leur terre, indépendamment des conquérants qui l’ont traversé.
Vivant dans des régions qui virent naître l’humanité, Palestiniens et Sahraouis ne connaîtront pas le sort des Indiens d’Amérique qui furent pratiquement effacés de l’Histoire. Ce n’est pas étonnant que la formule «si loin de Dieu et si proche des Etats-Unis», on la doit à un poète latino-américain ! Il est à la fois comique et tragique de constater que ces deux Etats aient le même Etat protecteur, les Etats-Unis d’Amérique. Tous les trois ont beaucoup de comportements similaires. Ils ont conquis des territoires, dépossédé les habitants de leur terre, regroupé les habitants dans des réserves et construit des murs pour se protéger des révoltes des peuples transformés en parias. Si j’ai intitulé cette contribution «Les mensonges à bout de souffle», ce n’est pas le fruit d’une imagination quelque peu fantasmée.
Le texte survole l’histoire, s’arrête sur le présent, un présent qui accouche de bouleversements qui se passent dans les Amériques. Cuba a depuis montré le chemin à l’Amérique latine où les autochtones ont fini par arriver au pouvoir. Bolivie, Equateur, Pérou. Même la grande Amérique est malmenée par son Histoire qui remonte en surface. Les évènements du Capitole sont des signes avant-coureurs qui disent l’eau d’un fleuve qui coule dans son lit n’est jamais la même (Héraclès, philosophe de la Grèce antique)
A. A.
1- la voix de l’Amérique c’est la radio Free Europe pendant la guerre froide censée répandre la voix des pays où la démocratie était «violée» par la méchante URSS.
2- Zemmour a fait le voyage en Arménie (chrétienne) pour rappeler le contentieux chrétienté/islam avec la Turquie qui date depuis la chute de Constantinople, capitale de la chrétienté de l’Orient «tombé» dans des mains musulmanes sous l’empire ottoman (Turquie). Il n’a pas osé citer les Croisades pour ne pas se ridiculiser.
3- J’ai jeté un œil sur l’origine du nom Maroc actuel. La première capitale du Maroc s’appelle Marrakech du nom de la principale tribu. On sait que dans la langue arabe, la lettre «mîm» indique le lieu, attachée à un substantif engendre une nouvelle fonction ou identité. Dans le cas de Marrakech, le lieu, la région où le seigneur de la tribu des M’rakach devient Marrakech transformé par les Portugais et Espagnols en M’rarka ou sans doute en raison de leur difficulté à prononcer les langues arabe et amazigh. Les Français, sans doute avec un linguiste arabe ou arabophone, ont trouvé plus intelligent d’accoucher du nom Maroc. Simplement, en additionnant les deux syllabes du mot Maghreb (ma + ghreb), lieu, l’endroit où le soleil se couche. D’autres pays africains ont connu l’effacement du nom de leurs pays, Burkina Faso (ex-Haute Volta) et Bénin (ex-Dahomey). Quand les noms de la géographie se transforment en idéologie. L’Occident, c’est l’ouest, devient l’Occident, terre de…, pays à économie et démocratie libérales.
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