Exclusif – Comment Israël a tenté de contrer l’Algérie pour éviter son éviction
Par Nabil D. – Avant que la décision de suspension du statut d’observateur d’Israël au sein de l’Union africaine ne puisse être correctement rédigée et qu’une résolution ne soit présentée, Israël a commencé à faire pression sur les Etats membres et sur de nombreux diplomates, a appris Algeriepatriotique d’une source interne à l’organisation panafricaine. «Lors de la dernière session, la question de la création du comité des sept chefs d’Etat, dont le président Abdelmadjid Tebboune, n’était pas source de litige, mais la question de la suspension de la décision prise par le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, le 22 juillet 2021, l’était», indique notre source.
«Dès le début, le débat, dirigé par le président sénégalais Macky Sall, a été honteux», s’indigne notre source, qui révèle que ce dernier «a appelé, plus d’une fois, à ce que le débat se termine rapidement parce qu’il voulait regarder la rencontre de football qui allait opposer son pays à l’Egypte dans le cadre de finale de la Coupe d’Afrique des nations», en insistant sur le fait qu’Israël «reste observateur jusqu’à ce que le comité en décide autrement». Lors des débats, le représentant de l’Afrique du Sud, le premier à prendre la parole, a appelé à la suspension de la décision du président sénégalais d’accorder l’accréditation à Israël. Ce dernier, sans écouter pleinement, a insisté sur le fait que la décision devait être prise par le comité et réitéré qu’il voulait arrêter la discussion au plus tôt car braqué sur le Cameroun où devait se jouer le match.
La Namibie a soutenu l’Afrique du Sud et rappelé que la suspension faisait partie de l’accord initial conclu le matin même, alors que les Etats satellites de la France – la Côte d’Ivoire, présidée par un Hassan Ouattara porté au pouvoir suite à un coup d’Etat fomenté par l’Elysée, la République démocratique du Congo, le Tchad, la Guinée équatoriale, le Cameroun, le Rwanda, l’Ouganda et la Gambie et, évidemment, le Maroc – ont apporté leur appui à Macky Sall avec lequel ils ont partagé le souhait d’écourter la réunion pour pouvoir suivre la finale de la CAN, plus préoccupés qu’ils étaient par un événement sportif que par une question qui engageait l’avenir même de l’organisation panafricaine et qui la menace d’implosion. L’Afrique du Sud a demandé au président sénégalais d’être «logique et rationnel», tandis que l’Algérie a repris la parole pour rappeler à l’instance que pas moins de vingt-quatre pays s’étaient opposés à la décision d’accorder le statut d’observateur à l’Etat hébreu, rapporte notre source.
La décision de l’Union africaine de suspendre le statut d’observateur d’Israël a été perçue comme une grande victoire de l’Algérie qui a exprimé à maintes reprises son opposition au choix de Moussa Faki dont la présidence de la Commission de l’Union africaine a été vivement critiquée, surtout par l’Algérie et l’Afrique du Sud, qui ont rappelé qu’elle allait à l’encontre des déclarations de l’organisation panafricaine, fondée sur la défense des peuples opprimés qui ne connaissent que trop bien la dévastation et la déshumanisation qui caractérisent le colonialisme sioniste et les systèmes connexes de discrimination raciale institutionnalisée.
«Comment donner une place de choix à Israël, alors que cet Etat criminel ne devrait jamais être récompensé pour ses violations et pour le régime d’apartheid qu’il impose au peuple palestinien», interrogeait-on à Addis-Abeba où l’annihilation de la manœuvre israélo-marocaine allait faire échouer le Sommet africain et le retrait de la plupart des Etats membres de l’Union africaine. «Ce qui vient de se produire est une victoire partielle dictée par la conjoncture particulière que traverse l’Union africaine et la victoire finale sera acquise avec le refus définitif de l’intégration d’Israël en tant qu’observateur ou le maintien de la suspension jusqu’à ce que ce pays mette fin à l’occupation illégale des territoires palestiniens et au régime ségrégationniste», expliquaient à notre site des sources proches du dossier.
Dans son interview à France 24 et RFI, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a expliqué que «nous n’avons pas pris l’initiative d’accorder un quelconque statut d’observateur à quiconque». «Il y a une double faute, a-t-il dit, celle d’avoir accordé le statut d’observateur sans aucune consultation avec les Etats membres, dont l’Algérie. Si la décision a pour effet inévitable de diviser l’organisation sur laquelle vous avez le devoir de veiller, cela signifie que la décision est mauvaise et qu’il ne faut pas la prendre. En l’occurrence, si les consultations préalables avaient eu lieu, sans doute n’aurait-on pas pris une telle décision. La seconde faute, c’est d’avoir constaté que les Etats membres sont divisés sur cette question et de la laisser se gangréner, ce qui est très mauvais pour l’organisation. Donc, indépendamment de qui a fait quoi au profit de qui ou de quoi, le fait est que la décision en question est une décision qui met en péril la solidarité qui doit exister entre les pays membres de l’organisation.»
Pour rappel, le Sommet de l’Union africaine a suspendu la décision prise par Moussa Faki d’octroyer le statut d’observateur à Israël et a mis en place un comité composé de sept chefs d’Etat, dont le président algérien. La décision a été adoptée par consensus. Le comité comprend les présidents Macky Sall (Sénégal), en sa qualité de président en exercice de l’Union africaine, Abdelmadjid Tebboune, Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Paul Kagame (Rwanda), Félix Tshisekedi (RDC), Muhamadu Bouhari (Nigéria) et Paul Biya (Cameroun).
N. D.
Comment (18)