Les canons de la vérité n’obéissent pas aux canaux de la désinformation
Une contribution d’Ali Akika – Il faut rappeler aux petits soldats de la désinformation que la guerre n’est pas un dîner de gala pour paraphraser quelqu’un qui l’a vécue. Derrière les rideaux du théâtre des guignols de la désinformation se déroulent dans le secret des réunions et de rencontres sur la scène internationale où l’on s’interroge rudement sans croire aux mensonges de leurs propres médias. Et en parallèle, sur le terrain, il y a la guerre où les gens meurent et là où les vérités éclatent. La guerre n’est pas une accumulation de messages de peur et de mensonges en direction d’une opinion à gagner. C’est ce spectacle que l’Occident offre à ses opinions sur la guerre en Ukraine…
Le 24 février 2022, les armées russes ayant à peine mis les pieds sur le sol ukrainien et le soir s’arrêtant pour bivouaquer, aussitôt les trompettes de Jéricho annonçaient qu’elles n’ont plus d’essence pour avancer. Le lendemain, c’est un autre son de cloche, les Russes rencontrent une résistance acharnée qui leur bouche le passage. Le troisième jour, la guerre-éclair «de Poutine» est un échec. Et quand les villes sont encerclées l’une après l’autre, preuve de l’avancée des Russes, «nos» stratèges» comptent sur la boue après la fonte des neiges pour contempler avec ravissement la défaite. Que dire de ce monde qui s’accroche à n’importe quel prétexte pour se remonter le moral et croire qu’il va démoraliser des gens qu’il ne connaît pas. Ces «vérités» à lui, il s’en contente, quand bien même elles ne sont qu’un tissu de mensonges dû à une ignorance crasse des tactiques de la guerre. Ils ne se savent pas que la guerre-éclair est une notion née après la mécanisation de l’armée allemande en 1939-45 qui avançait à la vitesse grand V avec ses chars en avalant tout sur leur passage.
L’attaque et la guerre-éclair sont propres à la doctrine des armées d’agression. Les armées russes, depuis l’invasion de la Russie par Napoléon, ont théorisé la guerre longue et défensive qu’elles ont mises en œuvre contre les armées d’Hitler avec le résultat que l’on sait. La stratégie déroulée en Ukraine correspond aux réalités politiques et militaires du conflit. Les Russes ont un rapport au temps long différent du temps immédiat des clics d’Internet. Bref, les commentateurs attitrés des médias se sont donné le mot pour déverser les mêmes «vérités» durant les douze premiers jours.
Le 9 mars 2022, le président ukrainien annonce qu’il accepte les couloirs d’évacuation des populations encerclées dans des villes. Et dans la foulée, accepte de renoncer à ses exigences de «gagnant» que cache mal l’envoi de son ministre des Affaires étrangères en Turquie pour rencontrer Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. Aussitôt retournement de veste des commentateurs pour faire oublier leurs trompettes de Jéricho qui saturaient le monde médiatique de leurs géniales analyses s’appuyant sur leurs non moins géniales connaissances de l’art de la guerre. Finie la folie de Poutine, finies la haine et la perversité d’un ministre du Luxembourg et d’un sénateur américain qui prônèrent l’assassinat de Poutine, la voix étranglée servie par un langage de caniveau.
Sur la scène diplomatique, on a constaté plusieurs pôles où chaque pays tente de jouer sa musique pour garantir ses intérêts ou éviter de payer un prix trop lourd pour avoir pris le parti de l’un des belligérants. Les Etats-Unis sont évidemment installés sur leur vaste balcon pour observer et régenter le monde et se prémunir du moindre événement qui menacerait leur sécurité nationale que tout le monde traduit par intérêts économiques et politiques. S’agissant de l’Ukraine, ce pays les concerne au premier chef. Depuis 2014, des gouvernements se sont succédé et les Américains les incitent fortement à adhérer à l’OTAN. Les Américains dirigent l’OTAN pour des raisons évidentes et sont obsédés par l’URSS hier, et aujourd’hui par la Russie. Aussi sautent-ils sur toute occasion pour se rapprocher des frontières russes et installer leurs missiles qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes. Des minutes précieuses car elles sont un avantage sur les missiles russes qui ne peuvent atteindre New York dans le même laps de temps (1).
Bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, Joe Biden a fait des déclarations qui n’ont pas été prises en considération. En effet, on se rappelle que la CIA a repéré les manœuvres militaires russes qui étaient loin d’être de simples et habituels exercices de toute armée. Joe Biden avait alerté le monde mais tout le monde a plutôt cru à un de ces mensonges de la fiole brandie par l’Amérique à l’ONU sur les «armes de destruction massive» en Irak. Les Russes avaient annoncé la fin de leurs manœuvres et Poutine alla assister aux Jeux olympiques de Pékin alors que les Américains avaient annoncé que Poutine allait entrer en guerre pendant les Jeux. Moralité, les Américains se sont fait roulés dans la farine par les services de la désinformation de l’armée russe.
L’autre bévue des Etats-Unis, c’est de mettre en place des sanctions inédites qui vont faire mal plutôt à l’Europe. Refus de faire la guerre, refus de garantir le ciel ukrainien, tous ces faits et bévues ont tétanisé les Européens qui ont pris leur bâton de pèlerin pour frapper à la porte de Poutine et ensuite chez le président de Xi Jinping. Le 8 mars 2022, les chefs d’Etat de la Chine, de la France et de l’Allemagne se sont réunis en vidéo-conférence. Cette rencontre dit bien des choses. Les deux chef d’Etat français et allemand font appel à cette grande puissance parce qu’amie de la Russie avec qui les Chinois ont des relations solides, comme un roc vient de dire le ministre chinois des Affaires étrangères.
Ainsi, l’invitation à la Chine de les aider à se faire écouter par la Russie est un double signe envoyé sur la scène diplomatique internationale. Ça appelle le voyage de Nixon en 1971 en Chine où le président américain reconnut que rien ne pouvait se faire en Asie sans la Chine, qui s’installa en récupérant alors son siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Et voilà nos fins spécialistes commentant et louant les Chinois qui se méfieraient des Russes, et de conclure que Poutine va devenir le paria du monde. Chantez, chantez rossignols, il n’est pas interdit de rêver.
Le refus de Biden de mettre son armée face à celle de la Russie sous peine de déclencher une guerre mondiale (déclaration publique) est un petit signe de la réticence américaine à utiliser facilement et imprudemment leur parapluie nucléaire en Europe. L’attitude de Biden fait écho au comportement de Trump qui exigeait que l’Europe paie pour le stationnement des troupes américaines en Europe. Le président français l’avait compris et déclara que l’OTAN est en situation de mort clinique.
Quelles conséquences sur l’Union européenne après les positions prises par les Etats-Unis ? Face à la guerre en Ukraine et les prises de position américaines citées plus haut, l’Union européenne a découvert l’unanimité en votant l’envoi d’armement à l’Ukraine et en ouvrant à bras ouverts l’asile à tous les Ukrainiens. Elle découvre aussi avec horreur que la guerre allait jeter la Russie dans les bras de la Chine. C’est devenu une habitude dans ce genre de société de jouir de quelque chose sans payer le prix. Bienvenue à l’unité chez eux mais horreur de l’unité Russie/Chine. De même, sanctionnez la Russie mais continuez à recevoir son pétrole (2).
Mais revenons à des choses plus sérieuses. J’avais écrit que les Américains avaient pour objectif de tuer dans l’œuf une éventuelle alliance Chine-Russie. Mais avec la déclaration des Chinois affirmant que leur amitié est solide comme un roc, on voit que Biden est en train de perdre et «son» Europe et échouer dans son objectif d’isoler la Chine de la Russie. Il est vrai que faire face à plusieurs problèmes avec des Etats aussi coriaces que le trio Chine, Russie, Iran, n’est pas une balade sur des chemins bordés de roses. Ne pas oublier non plus le sieur Trump en embuscade pour son futur retour aux affaires politiques et qui gêne Joe Biden dans ses tentatives de reconquérir la parole des Etats-Unis.
Cette Amérique a perdu de sa crédibilité et on vient d’apprendre que la Russie exige des Américains un engagement écrit pour qu’elle accepte de signer les accords sur le nucléaire iranien. L’Iran a déjà exigé la même chose car elle n’a pas envie que le retour de Trump dans un peu plus de deux ans se traduise par la déchirure des accords une deuxième fois…
Deux pays, la Turquie et Israël, loin de l’Ukraine, s’agitent tout de même en offrant leurs bons offices pour faciliter des pourparlers entre Russes et Ukrainiens. Ils marchent sur des œufs d’autant qu’il leur faut ne pas déplaire ni aux Russes ni aux Américains. Ils risquent de payer cher leur audace et leur opportunisme car ces deux puissances n’ont nullement besoin de leur aide. Quand un peu de calme reviendra en Europe, il risque d’avoir des surprises.
Un dernier mot sur la guerre des images que les Russes auraient perdu et chanté sur tous les tons dans les médias. Je laisse la parole à un général qui sait de quoi il parle et que je vais citer : vous pouvez gagner toutes les batailles de l’image que vous voulez, la victoire, la vraie, c’est l’occupation militaire du terrain. Le «spécialiste» à qui il s’adressait baissa piteusement sa tête. Un autre stratège américain, Bill Roggio, ancien officier américain, écrivit dans le Daily Mail britannique, que la sympathie pour les défenseurs de Kiev en infériorité numérique et en armes a conduit à l’exagération des revers russes, à l’incompréhension de la stratégie russe et même à des affirmations de psychanalystes amateurs selon lesquelles Poutine a perdu la raison.
Une analyse plus sobre montre que la Russie a peut-être cherché un coup de grâce, mais a toujours eu des plans bien conçus pour des assauts de suivi si ses mouvements initiaux s’avéraient insuffisants. Que ce soit un général français et un ancien officier américain qui disent des choses sensées sur la guerre contre ceux qui polluent l’atmosphère de leur haine est la preuve que l’intelligence est du côté de ceux qui croient encore que la paix est possible entre les peuples. Ici et aujourd’hui, entre les peuples ukrainien et russe.
A. A.
1- Selon les experts, un missile installé dans un pays frontalier de la Russie mettrait 4 minutes avant de s’abattre sur Moscou. Un missile russe lancé depuis la Russie mettrait évidemment plus de temps avant d’atteindre New York. D’où la peur des Russes laquelle peur les a incités à produire le fameux hypersonique qui va à vitesse qui comblerait leur «faiblesse» puisqu’ils n’ont pas de missiles installés au Canada ou au Mexique. Les Américains n’ont pas encore construit leur missile hypersonique. Seuls donc la Russie et la Chine possèdent ce genre de missile pour éviter d’aller s’installer leurs missiles dans d’autres pays et les feraient ressembler aux Américains.
2- Le président Joe Biden a confirmé, ce 8 mars, l’interdiction de l’importation du pétrole russe. Cela veut dire que les Etats-Unis importaient ce précieux carburant pendant que l’Europe dépendante du gaz russe est invitée à se passer de cette matière première indispensable à tous les pays européens. Drôle de solidarité américano-européenne.
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