L’Europe inquiète d’une escalade entre le «géant miliaire» algérien et le Maroc
Par Kamel M. – L’Union européenne ne cache pas sa grande inquiétude d’une escalade des tensions entre les deux voisins de la rive sud que sont l’Algérie et le Maroc. «Toute nouvelle détérioration des relations [entre Alger et Rabat] pourrait avoir des conséquences importantes pour l’Europe», lit-on dans une analyse publiée par le Conseil européen des relations extérieures. «Un conflit entre les deux pays entraînerait vraisemblablement une forte augmentation des migrations vers l’UE, et surtout vers l’Espagne. Cela aurait un impact profondément déstabilisateur dans les régions du Maghreb et du Sahel, faisant reculer les espoirs européens de développement économique en Afrique du Nord qui pourrait jouer un rôle important dans la transition verte de l’Europe, entre autres intérêts. Un conflit pourrait également fournir un espace aux groupes extrémistes pour gagner du terrain», met en garde l’étude.
«Tout échange militaire direct entre l’Algérie et le Maroc mettrait en conflit deux des plus grandes forces militaires africaines. Une course aux armements entre les deux rivaux est déjà en cours et tous deux ont des liens avec des fabricants d’armes de pointe», s’inquiète-t-on en Europe où on considère que l’Algérie «est un géant militaire» dont le budget de défense en 2020 était de 9,7 milliards de dollars, «le plus important d’Afrique». «Un peu moins de 70% du matériel militaire algérien proviennent de Russie. [L’armée algérienne] devait recevoir une commande de 14 avions d’attaque Su-34 cette année et aurait discuté de l’achat du chasseur furtif Su-57», indique l’étude, qui précise que le budget du Maroc «est plus petit», à 4,8 milliards de dollars en 2020, «mais cela représentait déjà une augmentation de 54% depuis 2011, et les dépenses de défense devraient passer à 5,5 milliards de dollars en 2022». «De plus, lit-on, le Maroc est au milieu d’une importante mise à niveau de ses forces, y compris un accord de défense aérienne de 500 millions de dollars avec Israël».
Le Conseil européen des relations extérieures estime qu’il ne faut pas laisser le Maroc «fixer les termes de ses relations avec l’UE» car cela «risque d’inciter le pays à s’affirmer encore plus et de projeter une image de faiblesse stratégique en contradiction avec l’objectif de l’UE de devenir une puissance géopolitique». «Cela compromet également sa capacité à jouer un rôle modérateur en Afrique du Nord et menace ainsi de nuire aux intérêts européens plus larges dans la région», ajoute-t-on, en notant que l’UE «devrait redéfinir ses politiques afin de mieux réaliser ses ambitions à long terme dans ses relations avec l’Algérie et le Maroc, notamment en influençant la dynamique d’escalade entre les deux rivaux», d’autant que l’Union européenne est convaincue que l’Algérie réagira à «toute nouvelle démarche marocaine qui pourrait être considérée comme une provocation».
K. M.
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