Pas une molécule de gaz algérien ne devra être réacheminée vers le Maroc
Par Kamel M. – «Pas une molécule de gaz algérien ne devra être réacheminée par l’Espagne vers le Maroc», ont confirmé des sources autorisées à Algeriepatriotique, après l’annonce par Madrid de sa décision de réactiver le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) dans le sens inverse pour alimenter le voisin de l’Ouest, privé de cette énergie depuis que l’Algérie a acté la non-reconduction du contrat tripartite dans sa partie qui lie les deux pays maghrébins fin octobre dernier. Officiels marocains et espagnols, conscients de ce que les autorités algériennes ne bluffent pas lorsqu’elles menacent d’arrêter les livraisons de gaz à l’Espagne au cas où celui-ci serait revendu au Maroc, pèsent leurs mots pour éviter que l’accord entre Rabat et Madrid soit interprété comme un défi.
Dans son message électronique à Mohamed Arkab, Teresa Ribera Rodriguez parle d’une simple «autorisation» de «fonctionnement en flux inverse» du GME. Il ne serait donc pas question de revendre du gaz algérien au Maroc, dont la ministre de la Transition écologique, Leila Benali, explique que le royaume compte s’approvisionner auprès du Qatar, en affirmant que «c’est la première fois que le Maroc entre dans le marché gazier du Golfe». Et de préciser, en anticipant la colère de l’Algérie qui pourrait adopter des mesures de rétorsion contre l’Espagne, que son pays «n’achète pas de gaz auprès de pays européens mais du marché international». Elle ajoute que des négociations ont été entamées avec des pays exportateurs de gaz, dont le Qatar, en novembre dernier, et qu’un accord a été conclu avec l’Espagne et «des pays européens» – qu’elle ne cite pas – pour «l’exploitation de leurs infrastructures». Les détails de ces transactions seront rendues publics «dans les jours à venir», selon elle.
A la question de savoir si le gouvernement Sanchez pourrait effectivement réacheminer du gaz algérien vers le Maroc, nos sources assurent qu’«il n’osera pas» car cela conduirait à l’aggravation de la crise déjà existante entre les deux pays dans le contexte actuel marqué par la guerre en Ukraine et les sérieuses menaces d’un élargissement du foyer de tension est-européen à l’ensemble de la planète à cause de la crise énergétique et alimentaire qu’il a engendrée. Cependant, précisent nos sources, l’Espagne est libre de faire l’usage qu’elle veut de la partie du pipeline qui traverse son territoire, conformément à l’accord tripartite relatif à la mise en place de ce moyen de transport dont la construction s’est achevée en 1996. «Pour l’Algérie, la ligne rouge serait la livraison du gaz algérien au Maroc», soulignent nos sources, qui font remarquer que ce dernier importera du GNL au prix fort, sans compter les frais de transport et ceux, élevés, induits par la regazéification dans les stations espagnoles.
Nos sources assurent que le communiqué du ministère de l’Energie est un «très sérieux coup de semonce», ce qui signifie que l’Algérie surveillera de près la destination de son gaz, d’autant que le gouvernement de Pedro Sanchez fait montre d’une volonté criante de saboter les relations entre son pays et l’Algérie qui ont, jusque-là, toujours été empreintes d’amitié et d’entente mutuelle. Le pouvoir socialiste en Espagne semble se préparer d’ores et déjà à une possible rupture du contrat gazier par l’Algérie, en cherchant à diversifier ses approvisionnements énergétiques et en augmentant ses importations de GNL, notamment en provenance des Etats-Unis.
Des experts en économie des hydrocarbures relèvent l’aspect antiéconomique d’une telle démarche, en indiquant que les frais induits par les différentes étapes de traitement du gaz naturel en amont – épuration, déshydratation, pré-refroidissement et liquéfaction – sont conséquents et que cette dernière phase consomme une importante quantité d’énergie. Ils observent également que la mise en place d’une chaîne GNL engendre des coûts importants de deux ordres, à savoir la construction des installations et le transport et que, «pour limiter le risque économique lié à la construction d’installations onéreuses, la plupart des échanges de GNL ont été historiquement négociés sur la base de contrats de long terme [et] dans des quantités importantes». «Avant de construire un terminal, un pays signe ainsi ces contrats de long terme afin de s’assurer des arrivées de gaz par voie maritime», affirment ces experts qui expliquent qu’un site de liquéfaction consomme un pourcentage élevé du gaz qu’il traite, ce qui suppose que seuls des grands producteurs de gaz, comme l’Algérie, ou des pays industrialisés, comme l’Espagne, peuvent rentabiliser une telle opération. Pas le Maroc.
K. M.
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