Driencourt sur la Libye : «Les mises en garde algériennes étaient pertinentes»
Par Kamel M. – Xavier Driencourt admet que l’Algérie avait raison d’avertir la communauté internationale sur les conséquences désastreuses d’un renversement du régime de Kadhafi en 2011. «Les mises en garde algériennes étaient plus que pertinentes. Nous avons intérêt à faire confiance à leur expertise africaine», a, en effet, affirmé l’ancien ambassadeur de France à Alger, dans un entretien au Figaro, paru la semaine dernière. «Mais, encore une fois, a-t-il renchéri, nos relations sont tellement marquées par nos antagonismes, par la politique intérieure française, que ce prisme remplace tous les autres et nous empêche d’approfondir d’autres sujets». «De plus, concernant l’offensive en Libye, j’ai l’impression que le président Sarkozy avait tendance à ne pas écouter grand monde ! Lors [d’un] déjeuner en 2011, lors duquel Alain Juppé avait rencontré Bouteflika, notre ministre des Affaires étrangères n’avait pu que défendre l’intervention française, qui était déjà lancée avec le Royaume-Uni», a-t-il regretté, en estimant qu’«à l’avenir, notre coopération devra s’intensifier avec l’Algérie sur tous ces sujets, à l’heure d’une forte déstabilisation du Sahel et d’une pression démographique sans précédent».
A propos de ce dernier point, l’auteur de L’énigme algérienne appelle à se servir de l’accord de 1968 comme «arme» pour soumettre l’Algérie aux desiderata de Paris. Cet accord sur la circulation et l’installation des Algériens en France, a-t-il d’abord rappelé, «a été négocié dans une période où l’on cherchait à faire venir de la main-d’œuvre étrangère en France. Il a été renégocié à trois reprises, mais ses principes fondamentaux et dérogatoires au droit commun ont subsisté». «Chaque fois que nous avons voulu en modifier le fond, nous avons échoué. Il faudrait, en effet, aujourd’hui, remettre tout le dispositif à plat. Mais nous avons tendance à séquencer les sujets concernant l’Algérie, or ce point devrait être abordé avec les autres pour avoir une réelle vue d’ensemble de notre relation», a ajouté le diplomate, pour lequel c’est la «seule arme dont [la France] dispose, mais c’est une arme quasi-atomique». «Sur ce sujet, a insisté Xavier Driencourt, le problème vient […] des politiques français qui sont un peu timorés ou non lucides dès qu’il s’agit de l’Algérie, car c’est aussi de la politique intérieure française».
«A gauche, a-t-il expliqué, l’héritage mitterrandien […] entraîne un sentiment de remords qui conduit à ignorer certaines réalités. A droite, même gêne, cette fois concernant le traitement des pieds-noirs et des harkis lors de la décolonisation menée par De Gaulle», a analysé l’ancien ambassadeur nommé deux fois à Alger. «Ces dernières décennies, ces deux camps ont donc eu tendance à ne pas vouloir aborder de front les enjeux algériens», a poursuivi le prédécesseur de François Gouyette, selon lequel l’«incapacité» de la France à «renégocier» l’accord de 1968, qu’il qualifie de «texte fondamental» dans la relation algéro-française, est due au «rapport affectif à l’Algérie» et à un «manque de volonté politique».
K. M.
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