Abdelaziz Rahabi : «Le Président doit se libérer du boulet de l’administration !»
Par Houari A. – «Notre pays reste des plus hermétiques au monde car victime de l’image qu’il se projette de lui-même et a même réussi à élever un ostracisme décalé à un rang de modèle de société», constate, avec regret, l’ancien ministre de la Communication démissionnaire sous Bouteflika au début des années 2000. «Même si l’histoire et la géographie ont mis l ‘Algérie aux confluences de toutes les cultures, les religions et les richesses du monde, la grandeur ne peut être atteinte que par la libre adhésion du citoyen à un projet national fondé sur la justice et la liberté», estime-t-il dans une tribune postée sur sa page Facebook. «Il est vrai que la mission du chef de l ‘Etat n’est pas aisée tant la tradition de dialogue fait défaut dans la vie politique de la nation mais la réalisation d’un destin commun passe inéluctablement par la recherche des valeurs de la concertation permanente et des vertus du respect mutuel», souligne-t-il.
Abdelaziz Rahabi, qui dénonce la «persistance de multiples formes de pression de l’administration dans la vie politique», appelle à «la concertation et le dialogue avec les acteurs politiques, le monde académique et des médias pour échanger, partager les lectures du monde actuel et, surtout, déterminer et partager la ligne de conduite qui répond le mieux aux intérêts de l’Algérie» dans un monde «de plus en plus complexe en raison de l’accélération déroutante de l’histoire», observe-t-il. L’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid note, en réaction à l’approche de Tebboune allant dans le sens d’un rassemblement national, que «seules mesures de confiance [sont] garantes de la crédibilité du dialogue annoncé». «La société, dans ses composantes civile et politique, a toujours montré son aptitude au compromis et sa disposition à accompagner tout effort pour sortir du statu quo, mais le pouvoir politique s’était toujours enferré dans sa logique de rapports de forces», indique-t-il. «Cette attitude, poursuit Rahabi, a d’ailleurs fragilisé l’Etat et a failli provoquer son effondrement redouté par les patriotes, attendu par les aventuriers au sein et en dehors du pouvoir et souhaité par des acteurs hostiles à l’Algérie». Pour lui, «ce risque n’est pas totalement écarté et valide à lui seul toute initiative de dialogue et de concertation – quelle qu’en soit l’origine – entre le pouvoir exécutif et la représentation politique et sociale et économique».
«La question qui se pose de façon récurrente est celle de savoir comment établir des mesures de confiance de nature à rendre possible et concrète la volonté de rassemblement exprimée dans le discours politique et comment la décliner de façon concrète dans la vie politique quotidienne, d’autant que les contours de l’offre indirecte du chef de l’Etat gagneraient à être explicités pour que cette initiative soit comprise et entendue», fait remarquer l’ancien membre du gouvernement, selon lequel, «à ce stade et sans préjuger du fond de cette démarche, il est nécessaire de réunir certaines conditions politiques», les plus urgentes étant «liées aux questions du libre exercice de la politique par les partis politiques, les syndicats, le mouvement associatif et la société civile dans son ensemble». «On ne peut valablement et sérieusement envisager un intérêt politique pour le dialogue sans le règlement la question des entraves à l’exercice de l’action politique partisane et sans lever les limites à l’exercice du droit constitutionnel à une information objective, libre et responsable», relève Abdelaziz Rahabi.
L’ancien diplomate regrette que «nous [n’ayons] pas tiré les leçons du passé» s’agissant de l’administration qui «se substitue à l’Etat, alors qu’elle doit veiller à préserver ses liens avec la société» et «dont les missions doivent être contrôlées par le juge, car c’est le président de la République qui, in fine, reste politiquement le premier responsable du fonctionnement des institutions de l’Etat» et, par ailleurs, le seul qui peut «engager des réformes politiques audacieuses» en se libérant du boulet de l’administration qui «se nourrit de ses propres peurs et résiste encore à toute forme de changement pour garder des positions de rente».
Abdelaziz Rahabi ne voit pas d’adhésion possible du peuple à l’initiative du président de la République sans «la mise place d’un système national d’information moderne et performant au service la société dans sa diversité», tant, explique-t-il, «notre pays a besoin de médias crédibles et de qualité évoluant dans un climat de liberté et de transparence pour accompagner un projet politique national». Cela, assure-t-il, n’est possible que grâce à une «volonté déclarée», un «engagement concret» en faveur du «contrôle populaire» des richesses nationales et une économie «libérée de toute charge idéologique […] et des bureaucrates».
H. A.
Comment (36)