Rabat, banlieue de Tel Aviv, le baiser de la mort d’Israël !
Une contribution d’Ali Akika – Le simple quidam qui suit l’actualité internationale peut remarquer le ballet diplomatique frénétique actuel entre Israël et le Maroc. Hier, c’était le chef d’état-major de l’armée israélienne qui a paradé dans une base militaire marocaine. Aujourd’hui, ce sont deux ministres qui débarquent au Maroc. Sans compter, il y a quelques mois, le ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, venu menacer l’Algérie sans que le Maroc pipe mot. Il ne faut pas être Le Prince de Machiavel pour déduire que le Maroc est réduit à sa plus petite expression étatique.
Quand un pays offre le périmètre d’une base militaire à un étranger en échange d’une garantie de sécurité et que le ministre des Affaires étrangères du même pays avait déjà assuré le Maroc de son soutien diplomatique, on peut d’ores et déjà qualifier ce pays, non d’un Etat souverain et indépendant mais d’une contrée bénéficiant d’une autonomie et le centre de décision politique est ailleurs. L’autonomie est un moyen pour un Etat central d’alléger la charge du chef d’Etat car il n’a pas le temps à régler les chikayate entre voisins d’une lointaine province. Cela dit, le Maroc est entré dans une zone où souffle une tempête qui va lui ôter ce qui reste de souveraineté. Cette perte de souveraineté a eu lieu dans l’histoire de ce pays et continue de nos jours avec les enclaves de Ceuta et Melilla. Et la prochaine portion du territoire occupée par les futures bases militaires israéliennes se situeront dans le Sahara Occidental pour stopper le danger «terroriste» du Polisario et dans la région de Tanger, qui offre un balcon idéal pour surveiller le détroit de Gibraltar.
Nous reviendrons sur ce qui fait courir et convoiter sur ces deux régions. Mais avant de poursuivre les autres objectifs poursuivis par Israël au Maroc, un petit survol historique est nécessaire pour comprendre les ingérences étrangères dans ce pays et la faiblesse de la monarchie marocaine qui l’ont toujours obligé à pactiser avec les puissances étrangères pour sauver son trône. Sauver son trône, telle est l’obsession de la monarchie qui a fait appel, il n’y a pas si longtemps, à la France de Giscard d’Estaing qui bombarda le Polisario avec ses Jaguars. Rappelons que Ben Barka a été enlevé et assassiné avec le concours du Mossad et des agents des services secrets français, ce qui fit entrer De Gaulle dans une rage folle et exigea de Hassan II de lui livrer Oufkir et Dlimi pour être jugés en France. Lesquels Oufkir et Dlimi étaient à l’origine de l’attaque en plein ciel du Boeing de Hassan II et de complots qui coûta la vie à ces deux généraux. Là aussi, le Mossad a joué un rôle non négligeable dans ces deux événements.
Quant à l’histoire plus ancienne, la fermeture de la frontière marocaine aux troupes de l’Emir Abdelkader pourchassées par l’armée française donne une idée de la collaboration de la monarchie avec une armée étrangère. Si on ajoute la colonisation portugaise et espagnole dont on voit encore les restes au détroit de Gibraltar avec les deux villes de Ceuta et Melilla, on se rend compte que les monarchies successives ont fait des concessions pour survivre. L’honneur du pays a été sauvé par le peuple marocain avec ses révoltes contre la présence étrangère. La dernière révolte et soulèvement fut celle d’Abdelkrim dans le Rif (1921-26) qui mit en déroute l’armée espagnole et ne fut vaincu que par la coalition franco-espagnole qui dévasta la région de bombardements massifs qui se traduisirent par le massacre de la population.
Mais revenons à Israël et ses convoitises dans le monde arabe. Cet Etat, pour de multiples raisons, mais aussi et surtout pour garantir sa survie dans une région où les peuples et notamment sa première victime, la Palestine, souffre de sa présence imposée à une époque historique où l’impérialisme anglais favorisa son installation. Conscient de l’état d’esprit de ces peuples, il a toujours cherché à diviser les pays de la région et s’attaquait évidemment aux ventres mous des Etats féodaux. Avec les «Accords d’Abraham», appuyés férocement par Trump et Israël exploitant la peur de l’Iran des pays du Golfe, lesdits accords furent signés. La peur commune de l’Iran par les pays du Golfe et d’Israël approcha ce beau monde, assuré de bénéficier du parapluie de protection des Etats-Unis qui garantira à son tour des relations paisibles et commerciales. Tout le monde sera content mais jusqu’à quand ? Les nuages s’accumulent dans la région et l’ombre de l’Iran qui refuse de se soumettre au diktat américano-israélien sur le nucléaire iranien angoisse Israël. Et la boucle est bouclée avec la guerre en Ukraine. Israël perdit la tolérance de la Russie, et son protecteur américain, trop occupé ailleurs, lui suggéra de construire une alliance militaire avec leurs amis arabes du Golfe (voir mon article précédent sur Poutine à Téhéran et Biden en Arabie). Le président Biden repartit chez lui bredouille et le projet de l’OTAN «arabe» fut étouffé dans l’œuf à la suite de la violente réaction de l’Iran.
Voilà donc le Maroc déjà courtisé qui peut servir de bouée de sauvetage. Les accords déjà de coopération militaire déjà signés par le ministre de la Défense Benny Gandz vont être supervisés techniquement par le chef d’état-major, Aviv Kokhavi, reçu par son homologue marocain dans une base militaire. On devine facilement que cette «amitié profonde» entre ces deux Etats répond pour Israël à des considérations géostratégiques d’une haute importance et non à de l’import de fruit et légumes dont Israël est lui-même exportateur en Europe. Israël, en contrepartie de son aide dans la fabrication de matériels militaires, de la surveillance et renseignements sur le Polisario «terroriste» et l’envoi de touristes dépensiers en devises, se voit offrir la possibilité d’ouvrir des bases militaires. Au Sahara Occidental pour ouvrir une route en direction de l’Afrique atlantique qui fera oublier ses difficultés à s’implanter en Afrique de l’Ouest qui contrôle l’entrée de la mer Rouge. La place étant occupée par la Russie, la Chine et le Soudan convoité n’a pas dit son dernier mot car le peuple soudanais s’oppose à une junte militaire, tentée de céder aux pressions israéliennes. Quant aux régions de Ceuta et Melilla, il a été question de bases milittaires israéliennes et l’Espagne aurait manifesté son opposition. Une région pareille ne se refuse pas par Israël. A quelque encablure de l’Algérie que l’on peut surveiller, non loin de l’Europe que l’on peut faire chanter au cas où il viendrait un jour à certains pays la mauvaise idée de reconnaître un Etat palestinien. Et enfin non loin du détroit de Gibraltar qui fait rêver de l’atout du détroit du Bosphore de la Turquie en ces temps de guerre en Ukraine.
Ainsi, cette région du nord-ouest de l’Afrique bordée par la Méditerranée et l’Atlantique, avec une vue sur l’Europe et au sud la Transsaharienne en construction qui vous projette au cœur de l’Afrique, commence à attirer des convoitises. Il y a déjà les pays européens qui ne veulent pas perdre des positions acquises durant la «belle époque» coloniale. Il y a les Etats-Unis qui veulent empêcher leurs rivaux Chine et Russie de s’implanter. La guerre en Ukraine ne fait que précipiter leur décision de créer un «cordon sanitaire» de triste mémoire autour de ce continent. Au milieu de cet ouragan géostratégique, Israël veut se faire une petite place et choisit le ventre mou de région. Le Maroc avec la communauté de juifs marocains qui a toujours été un point d’appui à Israël pour servir ses intérêts. Les bouleversements géostratégiques depuis la chute du mur de Berlin ont «officialisé» les relations entre Israël et le Maroc qui, jusque-là, entretenaient des relations complices et honteuses dans la «clandestinité».
Il faut espérer et compter sur la majorité du peuple marocain pour que les «gentillesses» et autre sucreries d’Israël ne se transforment pas en baiser de la mort qui risque d’étouffer ce pays. Quand un pays défie et l’histoire et la géographie de la région, il est sûr que son horizon sera bouché à cause de l’aveuglement de sa classe politique. L’Europe est en train de payer le prix d’avoir oublié que la Russie est sa voisine géographique, partage avec ce pays une longue histoire et in fine et ce n’est pas rien, possède les moyens de se faire respecter. Cette évidence de la leçon universelle de l’histoire ne doit pas être oubliée car tout pays qui oublie de compter sur lui-même finit par sortir de l’histoire.
A. A.
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