Ce classement absurde de l’Algérie qui compromet la visite d’Emmanuel Macron
Par Abdelkader S. – Entre le discours mielleux de François Gouyette, l’ambassadeur de France à Alger, prononcé à l’occasion de la fête nationale française, ce 14 juillet, et le classement des pays par le Quai d’Orsay en fonction de la situation qui y prévaut, il y a un fossé que les probables mises au point d’Emmanuel Macron et Catherine Colonna auront du mal à combler. En effet, dans son arrêté du 7 juillet 2022 fixant la répartition en trois zones des postes diplomatiques et consulaires, le ministère français des Affaires étrangères met l’Algérie dans l’insensée catégorie A désignant les pays où les conditions de vie sont «particulièrement rigoureuses».
Les nominations à l’étranger des agents ayant vocation à servir dans les postes diplomatiques et consulaires sont prononcées en tenant compte des règles applicables à trois zones. La première est considérée comme dangereuse pour les représentants français, une deuxième concerne les pays où les conditions de vie «sont réputées difficiles, en raison notamment du climat ou des contraintes quotidiennes» et la dernière liste le reste du monde. Ainsi, selon ce classement, l’Algérie côtoie des pays en guerre, à l’instar de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye, de la Somalie, de la Syrie, du Yémen et de l’Ukraine, et d’autres où la situation économique et sociale est particulièrement délicate, notamment en Afrique et en Amérique latine.
La catégorie B comporte, entre autres, l’Afrique du Sud, l’Egypte, Israël, le Liban – pays en faillite où l’instabilité augure d’un retour aux affrontements armés interconfessionnels entre les différentes factions –, la Russie, la Tunisie – dont l’économie exsangue fait que ce pays ne doit sa survie qu’aux aides que lui fournit l’Algérie voisine –, et la Turquie. Quant au Maroc, où les manifestations menacent désormais jusqu’au trône, il est classé dans les pays prospères où la France estime que la situation ne nécessite aucune disposition particulière. Le royaume alaouite, au bord de l’implosion en raison de l’extrême pauvreté qui touche l’écrasante majorité des Marocains, est aligné avec le géant allemand, l’Australie, les pays scandinaves, les paradis fiscaux que sont le Luxembourg, le Liechtenstein et la Suisse, la richissime Principauté de Monaco et les pétromonarchies du Golfe. «Le rapport doit confondre entre Maroc et Marrakech côté riyads», se moquent des diplomates circonspects choqués par ce «calibrage tordu».
Si l’on en croit la réaction de sources officielles algériennes qui ont requis l’anonymat, il est difficile d’envisager le maintien de la visite du président français en Algérie qu’il a lui-même annoncée voici quelques semaines. A Alger, en tout cas, ce classement est qualifié de «scandaleux» car «non conforme à la réalité». Il s’apparente à une nouvelle provocation de Paris, qui semble voir d’un mauvais œil le partenariat stratégique qu’Alger et Rome ont scellé et qui a été couronné par une augmentation substantielle des quantités de gaz algérien destinées aux Italiens dans ce contexte de ce que le gouvernement français appelle la «sobriété énergétique». Pathétique euphémisme qui cache mal les prévisions alarmées des spécialistes qui prévoient un hiver sans chauffage pour des dizaines de millions de Français ployant sous le poids d’une crise économique et sociale qui n’a d’égale que celle qui a prévalu au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
A. S.
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