Grosse arnaque de Macron en Algérie : prendre le gaz et promettre le vent
Une contribution de Hocine-Nasser Bouabsa – Ce qui était une éventualité il y a quelques mois est devenu réalité la semaine passée. Le président français était, en effet, en Algérie. Il s’y sentait tellement chez lui qu’il fut même question, un moment, qu’il prolongeât son séjour d’une nuit. Après son retour en France, beaucoup de choses ont été écrites et dites, mais, grosso modo, la grande majorité des Algériens résidents et de la diaspora ne semblent pas partager l’optimisme et l’euphorie des deux présidents algérien et français. Ils réfutent majoritairement la forme du déroulement et le fond du résultat de cette visite. La contribution d’aujourd’hui focalise sur la forme.
Ce rabbin pour qui les Algériens ne comptent pas
Que reprochent les Algériens à cette visite qui, en raison de préparatifs hâtifs, ne semblait guère recueillir leur adhésion ? Particulièrement, parce que les souvenirs des attaques du président français à leur encontre et à leurs institutions, au mois de septembre 2021, sont toujours vifs. Hostiles à sa visite dans les circonstances actuelles, les Algériens furent, quelques jours avant son arrivée, très surpris d’apprendre – Algeriepatriotique est le premier média à avoir révélé l’information – que le grand rabbin de France était sur la liste de ceux qui devaient accompagner le locataire de l’Elysée. Leur réaction fut unanime. Ce rabbin n’était pas le bienvenu en Algérie, vu son soutien éclatant et assumé publiquement au sionisme et à l’apartheid de l’Etat israélien envers les Palestiniens. D’ailleurs, Haïm Korsia n’avait ni gêne ni froid à confirmer ce soutien dans une interview accordée à un journal électronique algérien, trois jours avant le début de sa visite présumée.
Avec une arrogance aveugle et maladive, il ne s’est même pas empêché de narguer les dizaines de millions d’Algériens en arguant qu’il était l’invité de leur gouvernement et que, par-dessus le marché, leur opinion, à ses yeux, ne compte pas. Ce qui compterait pour lui, c’est de se recueillir sur les tombes des juifs encore enterrés dans le pays où étaient nés ses parents. Une telle condescendance est inégale et n’est possible que si on se sent protégé par des réseaux hyper-puissants qui disposeraient de la bague de Solomon pour faire même fléchir le pouvoir algérien, au cas où il serait récalcitrant au vœu du religieux juif.
Haïm Korsia a le droit de voir les choses à travers son ego-prisme, mais il doit néanmoins consentir aux Algériens ce même droit. Et ces derniers ont une opinion bien forgée sur la communauté dont étaient issus ses parents. La collectivité nationale algérienne garde en mémoire que nos ex-patriotes de confession juive ont, a) dans leur grande majorité, tourné la veste en épousant la citoyenneté française, dès que le juif Adolphe Crémieux, ministre français de la Justice de par sa fonction, leur a offert l’opportunité, en 1870, de devenir les collaborateurs du système colonial qui brûlait vifs et assassinait les Algériens par millions ; b) participé, en 1945, aux pogromes des forces coloniales contre les populations algériennes ; c) refusé de participer à la Révolution glorieuse du 1er Novembre 1954. Pire, certains, et ils sont nombreux, l’ont même combattue, à l’image de Gaston Ghrenassia, alias Enrico Macias.
Si, jusqu’à ce jour – à l’exception de quelques âmes qui se sentent réellement algériennes et qui, en partie, reposent en paix dans leur terre natale algérienne –, cette communauté juive qui vit majoritairement en France et non en Israël, n’a jamais fait son mea culpa, comment peut-elle avoir l’outrecuidance de prétendre aimer notre pays, comme le prétend Haïm Korsia ? Heureusement, et par volonté divine ou humaine, le grand rabbin de France a fini par décider d’annuler son voyage et évité ainsi à Macron de passer des jours turbulents et désagréables en Algérie.
Pourquoi ce choix inconsidéré et qui en est responsable ?
Macron et ses conseillers n’ignorent pas la réalité algérienne et connaissent bien la position antisioniste immuable de l’opinion publique algérienne. Pourquoi ont-ils alors pris le risque de se mettre cette dernière sur leur dos ? N’y a-t-il pas des intérêts géostratégiques considérables communs en jeu, comme le Sahel, qui sont beaucoup plus importants que les caprices émotionnels d’un personnage religieux, fût-il le premier responsable du culte juif en France ? Se sentent-ils déjà en position de force pour obliger le pouvoir algérien à accepter des faits qui l’auraient mis dans une mauvaise posture vis-à-vis de son peuple ?
Si on peut en vouloir à l’Elysée d’avoir joué un rôle dans ce choix mal calculé ou d’avoir exercé une pression sur l’Exécutif algérien pour qu’il accorde au rabbin un visa, le plus grand mal vient par contre de la partie algérienne (laquelle ? Notre ambassade à Paris ? Le ministère des Affaires étrangères ? Les services de renseignement ? La Présidence ?) qui s’est exécutée pour satisfaire le vœu du rabbin, bien que la loi algérienne ne permette point cette visite, tant la plus haute personnalité du culte juif en France ne s’est pas démarquée de l’apartheid israélien, comme le judaïsme authentique des prophètes israélites le lui exige.
Les contrebandiers pour perpétuer le «harkisme»
L’autre point qui a provoqué l’incompréhension, et même la colère, des Algériens concerne le programme protocolaire de la visite du président français. En effet, ce dernier a trouvé qu’Alger ne représentait pas suffisamment l’Algérie et a donc décidé de faire un saut à Oran pour «aller à la rencontre de toute l’Algérie». Il est évident qu’il mentait car, quoi qu’il dise, Alger est, et reste, la capitale de tous les Algériens. C’est donc à Alger qu’on va à la rencontre de toute l’Algérie et non à Oran, qui est, certes, une belle ville avec des habitants nationalistes et hospitaliers, mais qui ne représente pas toute l’Algérie car n’en étant pas la capitale politique et administrative. Le choix de Macron pour Oran est donc purement politique, malgré le camouflage culturel ou littéraire entrepris pour essayer de duper certains esprits crédules.
A Oran, Macron a visité Santa Cruz, le studio Disco Maghreb et un show de dance. Mais le milestone de sa visite fut, certes, sa rencontre avec un écrivain d’origine algérienne dont la notoriété a été savamment fabriquée par les gardiens du temple littéraire parisien, avec l’objectif perfide de s’en servir comme outil d’influence au sein d’une petite frange – encore mentalement colonisée ou, pire encore, foncièrement porteuse du germe «harkiste» – de la société algérienne qui est dans son écrasante majorité anticolonialiste dans sa chair et son âme.
C’est donc dans le cadre du process de fabrication et d’amélioration du «label Daoud» que l’on doit comprendre le dîner que le président français a programmé à Oran avec un des «contrebandiers de l’histoire», comme l’a nommé Rachid Boudjedra, un des monuments de la littérature algérienne. Daoud est heureux d’être «l’idiot utile». Il se plaît même dans son rôle qu’il performe avec ostentation et zèle, lorgnant sans doute une loge au sein de l’Académie française, comme le faisait le sujet marocain Tahar Ben Jelloun au début des années 2000.
Un protocole et une communication démesurés
Dans presque tous les pays développés, l’accueil d’un chef d’Etat est organisé directement au siège de l’hôte, comme par exemple à la Maison-Blanche, au Kremlin ou à l’Elysée. Jamais, à ma connaissance, Macron ne s’est déplacé à Orly ou Roissy pour recevoir à la descente d’avion un de ses invités, même lorsqu’il s’agit d’une visite d’Etat ou d’un chef d’Etat d’un pays ami ou allié. Les services du protocole devraient donc, à mon avis, procéder à une mise à jour de leurs procédures pour les rendre state of the art.
Dans le cas même de Macron, et vu ses sorties inamicales dans le passé, le plus approprié aurait été qu’il fût opté pour un protocole simple. En effet, l’amitié n’est pas une gymnastique des lèvres, mais le résultat de faits et d’interactions amicaux sur une longue période et non quelques mois. A Alger, on aurait dû se rappeler la réaction froide de Macron juste après les élections du 12 décembre 2019 et, plus grave encore, l’insulte à l’égard de notre pays auquel il a nié l’existence comme nation avant l’arrivée de l’assassin Bugeaud et ses complices.
En mauvais élève arrogant, Macron s’est comporté pendant tout son séjour en Algérie comme un conquistador. La retenue et le «low statement» ne font pas partie de sa vertu et sa communication corporelle le fait sentir à ses vis-à-vis. C’est un Sarkozy-bis, mais plus fin.
La pilule amère nous a été servie à la fin. En effet, faire accompagner l’avion de Macron à la sortie de l’espace national par un escadron de l’armée de l’air algérienne est incompréhensible. Qu’a-t-il fait pour mériter tous ces égards, sachant que l’objet de sa visite en Algérie était purement centré sur les seuls intérêts mercantiles et géostratégiques de la France et rien d’autre ? Macron est venu pour le gaz, qui est actuellement une denrée rare, pour quémander le soutien de l’ANP dans le Sahel, dans le court terme et, dans le long terme, pour récupérer les parts de marché perdues par les entreprises françaises. A-t-il réussi ? Quand on entend dire que la France «est la plus grande puissance de l’Europe et le membre du Conseil de sécurité de l’ONU qui contribuera à solutionner les problèmes africains», on est tenté de répondre par oui. Mais, contrairement au discours officiel, le peuple algérien, lui, a ses propres jugements fondés sur ses expériences sur la base de sa longue histoire et non pas à l’aune de quelques mois.
H.-N. B.
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