Quand un journal israélien dit leurs quatre vérités aux Marocains sur leur roi
Par Kamel M. – Les vérités assénées par Haaretz font grincer des dents à Rabat, d’autant qu’elles émanent d’un média appartenant à un pays avec lequel le Makhzen entretient une alliance, il faut le dire, fragile, contestée par l’écrasante majorité des Marocains et perçue comme une menace pour la sécurité de la région par les Etats voisins, notamment l’Algérie. Dans un article au vitriol, intitulé «L’économie du Maroc s’effondre, mais son roi préfère les lumières de Paris», le journal israélien de gauche note que le royaume «a dépensé des millions de dollars en matériel militaire mais ne s’est toujours pas remis des effets d’une grave sécheresse et de la pandémie de Covid», soulignant que le chômage des jeunes «monte en flèche, ainsi que les prix des loyers et l’indignation de la population».
«Le roi du Maroc, Mohammed VI, est un homme malade. Il a subi une opération cardiaque il y a deux ans. Ces derniers mois, il a passé plus de temps en France que dans son propre pays – donnant des instructions à ses assistants et à son Premier ministre soit par téléphone, soit via zoom», note le quotidien israélien, pour lequel «ses problèmes ne se limitent cependant pas à ses soucis de santé», puisqu’«il y a deux mois, il a été filmé en compagnie d’amis alors qu’il semblait ivre et tenait un verre à la main». «Cela avait été précédé d’un autre scandale, après que trois lutteurs allemands d’origine marocaine eurent été accueillis au palais royal et furent photographiés en présence du roi. Cela n’aurait pas suscité de controverse si les frères n’avaient pas exploité les photos à leur profit – pour acheter des terres à prix réduit et obtenir des licences commerciales en faisant prévaloir leur relation privilégiée avec le roi», ajoute Haaretz.
«Mohammed VI n’a pas assisté aux funérailles de la reine Elizabeth et a délégué le prince héritier Moulay Hassan, un choix censé montrer que c’est son fils qui devra lui succéder», souligne le journal qui confirme ainsi implicitement la guerre de succession qui fait rage au sein du palais où des indiscrétions affirment qu’une des sœurs du souverain absent aurait accaparé de nombreuses prérogatives de celui-ci. «La situation du Maroc n’est pas meilleure. Le gouvernement a investi massivement dans l’achat d’armes, de missiles et autres matériels militaires, y compris le système antimissile Iron Dome et les missiles air-sol de fabrication israélienne, mais le pays ne s’est pas remis du double choc du coronavirus et d’une grave sécheresse», constate Haaretz, qui rappelle que le royaume importe 90% du pétrole et du gaz naturel qu’il consomme, dont le coût a fortement augmenté depuis l’opération militaire russe en Ukraine, «creusant ainsi un grand trou dans le budget national du Maroc».
«Les chiffres officiels situent le taux de chômage du pays à plus de 12%, mais chez les jeunes, le chiffre est plus proche de 30%. Une grave sécheresse a provoqué un exode des habitants des zones rurales vers les villes, réduisant l’emploi dans le secteur agricole qui représente plus de 14% du PIB du Maroc et emploie 40% de la population. Selon des enquêtes récentes, les zones rurales périphériques ont perdu plus de 150 000 emplois au profit des grandes villes», relève encore le journal, qui ajoute que cela a également des implications majeures pour le secteur immobilier, pour les prix des loyers et le coût du logement en général. «De plus, les grandes villes ne sont pas équipées pour accueillir des centaines de milliers de migrants ruraux et leur fournir les soins de santé, l’éducation et l’assainissement», souligne Haaretz. «La situation s’est également traduite par de la frustration et de la colère face à la baisse spectaculaire de la qualité de vie», poursuit le quotidien.
C’est dans ce contexte que les liens entre le Maroc et Israël se sont renforcés, notamment dans le domaine militaire mais, précise Haaretz, les échanges commerciaux entre les deux pays sont loin d’égaler les contrats signés entre Tel-Aviv et Abou Dhabi, atteignant 1,4 milliard de dollars contre à peine 90 millions avec Rabat. Et de conclure que ce n’est pas demain la veille que le Maroc engrangera les dividendes qu’il escomptait de sa normalisation avec l’Etat hébreu.
K. M.
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