Prochaine visite de la Première ministre française en Algérie : un non-événement
Par Abdelkader S. – Officiellement, la visite qu’effectue Elisabeth Borne à Alger les 9 et 10 octobre prochain vise à «mettre en œuvre le partenariat franco-algérien» discuté récemment par les présidents Tebboune et Macron. Une visite à laquelle les médias français accordent une grande importance au regard des espoirs que la France nourrit de pouvoir sauver ses «acquis historiques» et, surtout, sa saison hivernale, en escomptant que l’Algérie consentira à fournir une quantité supplémentaire de gaz pour pallier la grave crise énergétique due à la guerre que l’OTAN livre à la Russie.
Dans les faits, ce déplacement de la Première ministre française est un non-événement, en ce que la France officielle a clairement démontré une absence criante de bonne volonté quant à un réel réchauffement dans les relations en dents de scie entre l’ancienne puissance coloniale et l’ancienne colonie qui a arraché son indépendance après une âpre lutte armée. En effet, aucun des problèmes soulevés par l’Algérie n’a trouvé une oreille attentive auprès d’un pouvoir français sclérosé, à commencer par le chantage au visa qui demeure effectif, puisque le président Macron a signifié que son pays avait fait le choix de trier les demandeurs algériens, en fonction des besoins français. La France applique ainsi quasi explicitement le fameux principe de l’immigration «sélective» prôné par Nicolas Sarkozy et qui vise à vider notre pays de sa matière grise et à faire profiter l’économie française d’une catégorie d’Algériens formés par les universités algériennes et dont les compétences lui seront offertes sur un plateau d’argent.
Par ailleurs, la récente décision de la justice «indépendante» et «apolitique» française de ne pas livrer des Algériens établis en France et réclamés par l’Algérie, s’appuyant sur les mêmes prétextes des risques de torture que ceux-ci encourraient s’ils devaient être extradés, confirme la mauvaise foi des responsables politiques français qui se servent de ces mercenaires qu’elle entretient et protège comme arme pour déstabiliser l’Algérie. Un militant sénégalais activant sur les réseaux sociaux vient d’affirmer qu’il a été approché par les services de Bernard Emié, patron de la DGSE, pour mener une campagne contre le pouvoir au Mali. S’il subsistait encore le moindre doute sur l’implication des services secrets français dans la cyberguerre menée contre l’Algérie, cet activiste africain l’a définitivement levé.
Sur les questions mémorielles, l’anthropologue Ali Farid Belkadi, qui a recensé les crânes des résistants algériens entreposés au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris, a jeté un pavé dans la mare en révélant que parmi les restes mortuaires rapatriés en juillet 2020 deux appartiennent à des enrôlés morts pour la France. Ce qui soulève la question de savoir à quel point les responsables du musée parisien, peu coopératifs, selon l’historien algérien, sont impliqués dans cette opération, si celle-ci était préméditée. Une hypothèse qui n’est pas à exclure. En outre, le rapport de Benjamin Stora n’a pas été accueilli avec grand enthousiasme à Alger, le directeur des archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, qui n’a toujours pas remis le sien au président Tebboune, l’ayant qualifié d’«affaire franco-française».
S’agissant des dossiers internationaux d’une brûlante actualité, Alger et Paris ne sont d’accord sur rien, que ce soit la question sahraouie, la crise libyenne, le Sahel où l’armée française a perdu pied, le conflit syrien ou la guerre en Ukraine dans laquelle la France est clairement engagée aux côtés du régime de Kiev, contrairement à l’Algérie qui adopte une position médiane, la Russie comme l’Ukraine étant des pays amis avec lesquels elle entretient des relations fondées sur le respect mutuel.
Economiquement, la France n’a cessé de perdre du terrain en Algérie au profit des firmes chinoises et turques, entre autres. Les nouvelles autorités algériennes, qui ont été jusqu’à bousculer le français à l’école, en introduisant l’anglais dès la première année élémentaire pour y substituer la langue de Shakespeare à celle de Molière, ne cachent pas leur arrière-pensée politique, puisqu’il s’agit de minimiser la présence culturelle française en Algérie jusqu’à son éradication à long terme.
Que reste-t-il à Borne à discuter avec ses homologues algériens, sinon quelques contrats de pacotille pour sauver la face d’une relation qui n’a jamais été aussi marmoréenne entre les deux pays ?
A. S.
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