Créer, partager, oser
Par Abderrahmane Mebtoul – La politique industrielle doit tenir compte des engagements internationaux de l’Algérie et évaluer sans passion les impacts des accords de libre-échange avec l’Europe, avec le monde arabe avec le continent africain, ainsi que les déséquilibres de la balance commerciale avec d’autres pays, comme la Chine et la Russie, accords qui nécessitent des dégrèvements tarifaires progressifs ne pouvant pénétrer les marchés mondiaux où règne une concurrence acerbe qu’avec des entreprises publiques et privées performantes, innovantes. Ceci, sans compter l’assainissement des entreprises publiques qui ont coûté des centaines de milliards de dollars depuis 1970, avec des réévaluations incessantes du fait de la non-maturation des projets et de la non-maîtrise des coûts, avec 97 à 98% des exportations relevant des hydrocarbures, y compris les dérivés.
La forte croissance peut revenir en Algérie. Mais elle suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir, le goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisé, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et une ouverture à l’étranger. Ces réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et l’équité – les politiques parleront de justice sociale. La conduite d’ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise dans les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l’Etat, une volonté politique forte les conduit et convainc les Algériens de leur importance, d’où, avec l’ère d’internet, une communication active et transparente permanente. Ensuite, chaque ministre devra recevoir une feuille de route personnelle complétant sa lettre de mission et reprenant l’ensemble des décisions qui relèvent de sa compétence.
Au regard de l’importance des mesures à lancer et de l’urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l’accélération de projets et d’initiatives existants, le vote d’une loi accompagnée dès sa présentation au Parlement des décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre et, pour les urgences seulement, des décisions par ordonnance pourront être utilisées.
Les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigent le courage de réformer vite et massivement ; non des replâtrages conjoncturels, mais de profondes réformes structurelles à tous les niveaux, en ayant une vision stratégique pour le moyen et le long terme, devant donc réhabiliter la planification et le management stratégique. L’Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens. Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, libérer l’initiative, la concurrence et l’innovation car le principal défi du XXIe siècle pour l’Algérie sera la maîtrise du temps. Le monde ne nous attend pas et toute nation qui n’avance pas recule forcément.
Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir puisqu’avec l’épuisement de la rente des hydrocarbures, l’Algérie n’aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Cette croissance exige l’engagement de tous et pas seulement celui de l’Etat, en organisant les solidarités devant concilier efficacité économique et équité par une participation citoyenne et un dialogue productif permanent.
Le pouvoir algérien a vécu longtemps sur l’illusion de la rente éternelle. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat n’est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n’est plus dans les subventions à répétition. L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d’oser.
A. M.
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